Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
« Les Animaux malades de la peste », Fables
Jean de La Fontaine
1678
« Un mal qui répand la terreur,
Mal que le Ciel en sa fureur
Inventa pour punir les crimes de la terre,
La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom)
Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre.
Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés :
On n'en voyait point d'occupés
À chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni loups ni renards n'épiaient
La douce et l'innocence proie ;
Les tourterelles se fuyaient :
Plus d'amour, partant plus de joie.
Le Lion tint conseil, et dit : Mes chers amis,
Je crois que le Ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune ;
Que le plus coupable de nous
Se sacrifie aux traits du céleste courroux,
Peut-être il obtiendra la guérison commune.
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements.
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience.
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons
J'ai dévoré force moutons.
Que m'avaient-ils fait ? Nulle offense :
Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le Berger.
Je me dévouerai donc, s'il le faut : mais je pense
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi :
Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse.
— Sire, dit le Renard, vous êtes trop bon roi ;
Vos scrupules font voir trop de délicatesse.
Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce,
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes, Seigneur,
En les croquant, beaucoup d'honneur ;
Et quant au berger, l'on peut dire
Qu'il était digne de tous les maux,
Étant de ces gens-là qui sur les animaux
Se font un chimérique empire."
Ainsi dit le Renard ; et flatteurs d'applaudir.
On n'osa trop approfondir
Du Tigre, ni de l'Ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses.
Tous les gens querelleurs, jusqu'aux simples mâtins,
Au dire de chacun, étaient de petits saints.
L'Âne vint à son tour et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant,
La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense,
Quelque diable aussi me poussant
Je tondis de ce pré la largeur de ma langue.
Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net."
À ces mots on cria haro sur le Baudet.
Un Loup quelque peu clerc prouva par sa harangue
Qu'il fallait dévouer ce maudit animal,
Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal.
Sa peccadille fut jugée un cas pendable.
Manger l'herbe d'autrui ! Quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable
D'expier son forfait : on le lui fit bien voir.
Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »
Quel est le genre de ce texte ?
Ce texte est une fable. Elle est écrite par Jean de La Fontaine. C'est un texte écrit en vers qui raconte une histoire et qui répond aux différentes attentes du récit (cadre spatio-temporel, personnages, action, etc.).
Quel est le type de ce texte ?
Ce texte est narratif. Il contient une histoire : le Lion réunit les siens en conseil pour savoir de quelle manière mettre fin à une maladie, « la Peste » (vers 4), qui s'abat sur son peuple. On relève l'utilisation des temps du récit (imparfait et passé simple), des personnages, une progression de l'histoire (conseil, idée de punition, échanges, punition de l'âne tenu pour responsable de cette maladie). Néanmoins, malgré cette grande place accordée au récit, La Fontaine parle indirectement des hommes, montre leurs défauts pour mieux les dénoncer.
Quels sont les éléments caractéristiques d'une fable dans ce texte ?
Dans ce texte, les éléments caractéristiques d'une fable sont la morale (« Selon que vous serez puissant ou misérable, / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »), les animaux comme personnages (le Lion, le Renard, le Loup, l'Âne), l'histoire (rechercher le moyen de se débarrasser de la peste en punissant le responsable), l'écriture en vers (alternance octosyllabes (vers de 8 syllabes) (vers 1 par exemple) et alexandrins (vers de 12 syllabes) (vers 7 par exemple)).
Quelle est la nature grammaticale de la proposition subordonnée dans le vers 1 : « Un mal qui répand la terreur » ?
La nature grammaticale de la proposition subordonnée « qui répand la terreur » dans le vers 1 « Un mal qui répand la terreur » est la proposition subordonnée relative mise en évidence par le pronom relatif « qui ». Complément de l'antécédent « mal » par sa fonction grammaticale, elle souligne ainsi dès l'ouverture de la fable les conséquences de ce mal, « la terreur ».
Quelle est la valeur du présent de l'indicatif « répand » dans le vers 1 : « Un mal qui répand la terreur » ?
Le verbe au présent de l'indicatif « répand » dans le vers 1 « Un mal qui répand la terreur » a valeur de présent de narration. Il est utilisé dans un récit au passé pour rendre la scène plus vivante. C'est le cas ici pour montrer toute l'importance de ce mal, de cette maladie, de la Peste et pour dénoncer la fausse justice qu'elle entraîne.
À qui renvoie le pronom personnel « je » du vers 16 : « Je crois que le Ciel a permis » ?
Le pronom personnel « je » du vers 16, « Je crois que le Ciel a permis » renvoie au Lion qui est en train de s'entretenir avec les siens, de tenir « conseil ».
Comment peut-on qualifier les termes employés par le Renard pour parler du Lion et de sa faute ?
Les termes employés par le Renard pour parler du Lion et de sa faute sont mélioratifs (« trop de délicatesse », « beaucoup d'honneur »), élogieux et flatteurs (« trop bon Roi », « Seigneur »). Le Renard vante le Lion, son Roi, approuve ses faits et gestes qu'il trouve tout à fait légitimes d'autant plus qu'il détient tous les pouvoirs.
Comment peut-on qualifier les termes employés par le Loup pour désigner l'Âne et sa faute ?
Les termes employés par le Loup pour désigner l'Âne et sa faute sont péjoratifs et dépréciatifs : « le baudet », « ce maudit animal », « ce pelé », « ce galeux ». L'Âne est considéré comme négatif et responsable du fléau de la peste. C'est l'animal idéal, trop honnête et en cela sot, pour être tenu pour responsable. Le plus fort exerce injustement son pouvoir sur le plus faible.
Quelle est la figure de style utilisée au vers 5 : « Capable d'enrichir en un jour l'Achéron » ?
La figure de style utilisée au vers 5 « Capable d'enrichir en un jour l'Achéron, » est l'hyperbole car le pouvoir de cette maladie est exagéré par rapport au nombre de victimes qu'elle fait. Le groupe nominal « en un jour » porte l'hyperbole.
Quelle est la figure de style utilisée au vers 9 : « À chercher le soutien d'une mourante vie » ?
La figure de style utilisée dans « une mourante vie » est un oxymore car les deux mots « mourante » et « vie » sont totalement opposés, contradictoires, et sont réunis dans le même groupe nominal sans être séparés par un autre mot. L'oxymore souligne ici la peur générée par cette maladie qui touche tous les animaux.
Sur quoi porte la dénonciation dans cette fable ?
Dans cette fable, la dénonciation porte sur la partialité de la justice et ses injustices car c'est la loi du plus fort et du plus puissant qui fonctionne et non la vérité, l'honnêteté, le bon comportement comme le suggère la morale : « Selon que vous serez puissant ou misérable, / Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir. »