Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Le Mystère de la chambre jaune
Gaston Leroux
© Pierre Lafitte, 1908
« J'ai connu Joseph Rouletabille quand il était petit reporter. […] Comment, si jeune – il avait, quand je le vis pour la première fois, seize ans et demi – gagnait-il déjà sa vie dans la presse ? Voilà ce qu'on eût pu se demander si tous ceux qui l'approchaient n'avaient été au courant de ses débuts. Lors de l'affaire de la femme coupée en morceaux de la rue Oberkampf – encore une histoire bien oubliée – il avait apporté au rédacteur en chef de L'Époque, journal qui était alors en rivalité d'informations avec Le Matin, le pied gauche qui manquait dans le panier où furent découverts les lugubres débris. Ce pied gauche, la police le cherchait en vain depuis huit jours, et le jeune Rouletabille l'avait trouvé dans un égout où personne n'avait eu l'idée de l'y aller chercher. Il lui avait fallu, pour cela, s'engager dans une équipe d'égoutiers d'occasion que l'administration de la ville de Paris avait réquisitionnée à la suite des dégâts causés par une exceptionnelle crue de la Seine.
Quand le rédacteur en chef fut en possession du précieux pied et qu'il eut compris par quelle suite d'intelligentes déductions un enfant avait été amené à le découvrir, il fut partagé entre l'admiration que lui causait tant d'astuce policière dans un cerveau de seize ans, et l'allégresse de pouvoir exhiber, à la "morgue-vitrine" du journal, "le pied gauche de la rue Oberkampf".
"Avec ce pied, s'écria-t-il, je ferai un article de tête."
Puis, quand il eut confié le sinistre colis au médecin légiste attaché à la rédaction de L'Époque, il demanda à celui qui allait être bientôt Rouletabille ce qu'il voulait gagner pour faire partie, en qualité de petit reporter, du service des "faits divers".
"Deux cents francs par mois", fit modestement le jeune homme, surpris jusqu'à la suffocation d'une pareille proposition.
"Vous en aurez deux cent cinquante, repartit le rédacteur en chef ; seulement vous déclarerez à tout le monde que vous faites partie de la rédaction depuis un mois." »
Quel est le genre de ce texte ?
Il s'agit d'un texte romanesque. C'est un extrait du roman de Gaston Leroux, Le Mystère de la chambre jaune.
Quel est le type de ce texte ?
Il s'agit d'un texte narratif. Le narrateur de ce texte, qui s'appelle Sinclair, raconte la jeunesse de son amie Rouletabille et la manière dont il est devenu un journaliste exceptionnel.
Quel est le point de vue utilisé dans cet extrait ?
Le point de vue utilisé dans cet extrait est le point de vue interne car tout est vu par l'intermédiaire des yeux de Sinclair et raconté par lui-même : « J'ai connu Joseph Rouletabille quand il était petit reporter. […] Comment, si jeune – il avait, quand je le vis pour la première fois, seize ans et demi – gagnait-il déjà sa vie dans la presse ? Voilà ce qu'on eût pu se demander si tous ceux qui l'approchaient n'avaient été au courant de ses débuts. »
Sinclair sait tout de lui et connaît bien les débuts de sa carrière de journaliste ainsi que ses évolutions.
Quels sont les deux métiers qui se croisent dans cet extrait ?
Les deux métiers qui se croisent dans cet extrait sont journaliste et détective.
En effet, le petit reporter de seize ans mène l'enquête et, en fouillant les égouts, finit par trouver le pied gauche que la police cherchait. On relève dans le texte les éléments suivants qui le confirment : « J'ai connu Joseph Rouletabille quand il était petit reporter » ; « par quelle suite d'intelligentes déductions un enfant avait été amené à le découvrir » ; « tant d'astuce policière dans un cerveau de seize ans ».
À quel champ lexical appartiennent les termes « reporter », « presse », « rédacteur en chef », « journal », « informations », « service des faits divers » ?
Les termes « reporter », « presse », « rédacteur en chef », « journal », « informations » et « service des faits divers » appartiennent au champ lexical du journalisme. Tous révèlent les différents statuts du métier de journaliste, son travail et ses spécialités.
Quelles sont les qualités remarquables et exceptionnelles de Rouletabille ?
Les qualités remarquables et exceptionnelles de Rouletabille sont réfléchi, intelligent et modeste. Il pense par lui-même, se pose des questions, enquête : « le jeune Rouletabille l'avait trouvé dans un égout où personne n'avait eu l'idée de l'y aller chercher ». Il est intelligent car il fait preuve de perspicacité et de bon sens (« d'intelligentes déductions », « dans un cerveau de seize ans »). Il fait preuve de modestie car Rouletabille ne réclame pas beaucoup d'argent, il ne fait pas son métier uniquement pour l'argent mais par passion et par sincère engagement (« "Deux cents francs par mois", fit modestement le jeune homme, surpris jusqu'à la suffocation d'une pareille proposition. »)
Quelles sont ces trois propositions subordonnées ?
- « Quand le rédacteur en chef fut en possession du précieux pied » ;
- « et qu'il eut compris » ;
- « par quelle suite d'intelligentes déductions un enfant avait été amené à le découvrir ».
Ces trois propositions subordonnées sont :
- « Quand le rédacteur en chef fut en possession du précieux pied » : une proposition circonstancielle de condition car elle indique une progression dans l'enquête et une découverte ;
- « et qu'il eut compris » : une proposition circonstancielle de cause car elle indique la cause de l'admiration du rédacteur en chef envers Rouletabille ;
- « par quelle suite d'intelligentes déductions un enfant avait été amené à le découvrir » : une proposition interrogative indirecte car elle indique comment la découverte a été possible.
C'est une phrase complexe importante dont les subordinations permettent de comprendre l'évolution de Rouletabille dans le métier de journaliste.
Que révèle la phrase « il avait apporté au rédacteur en chef de L'Époque, journal qui était alors en rivalité d'informations avec Le Matin » sur les relations que les deux journaux entretiennent entre eux ?
Cette phrase, « il avait apporté au rédacteur en chef de L'Époque, journal qui était alors en rivalité d'informations avec Le Matin », révèle que les deux journaux entretiennent entre eux une relation de mauvaise entente fondée sur la « rivalité ». Chacun des journaux cherche à avoir le meilleur fait divers pour gagner le plus d'argent possible.
Quelles sont ces trois propositions subordonnées ?
- « qui était alors en rivalité d'informations » ;
- « qui manquait dans le panier » ;
- « où furent découverts les lugubres débris ».
Ces trois propositions subordonnées sont trois propositions subordonnées relatives :
- « qui était alors en rivalité d'informations » dont l'antécédent est « journal » ;
- « qui manquait dans le panier » dont l'antécédent est « le pied gauche » ;
- « où furent découverts les lugubres débris » dont l'antécédent est « panier ».
Elles se reconnaissent grâce à l'utilisation des pronoms relatifs « qui » et « où ». Elles apportent une information supplémentaire sur les relations entre les deux journaux et le pied découvert par Rouletabille. Ces propositions subordonnées relatives sont importantes pour souligner certains détails et mieux cerner les raisons de l'évolution de Rouletabille.