Sommaire
IVers une information fragmentée et horizontaleALa fragmentation de l'informationBDe la transmission de l'information verticale à la transmission horizontaleCLe nouveau traitement de l'information par les journalistesIILes témoignages et les lanceurs d'alerteALe développement des témoignagesBLe lanceur d'alerte, une nouvelle figure médiatiqueCDes lanceurs d'alerte d'importance mondialeIIILa désinformation et le développement des théories du complot à l'heure d'InternetALa désinformationBLes théories du complotCLa vérification des informationsSi les individus continuent d'utiliser les médias de masse traditionnels (presse écrite, radiophonie et télévision), la naissance et l'affirmation d'Internet au tournant des années 1990-2000 bouleverse les manières de s'informer. Animée par une transmission plutôt verticale avec les médias de masse traditionnels, l'information devient alors davantage horizontale et fragmentée. En permettant de relier les individus en ligne, les médias sociaux numériques favorisent la circulation et le partage de l'information mondialisée dans l'instantanéité et l'interactivité. Les témoignages de personnes et les actions de lanceurs d'alerte touchent l'opinion publique. Toutefois, l'information numérique contribue aussi à la désinformation de masse et nourrit les théories du complot.
Dans quelle mesure Internet bouleverse-t-il le paysage médiatique et les manières de s'informer ?
Vers une information fragmentée et horizontale
Aujourd'hui, l'information provient de médias très divers. Elle n'est plus uniforme mais fragmentée. Les médias traditionnels ne sont plus les seuls à relayer les informations, les réseaux sociaux prennent de plus en plus d'importance. La transmission de l‘information devient horizontale. Le traitement de l'information par les journalistes s'en trouve modifié.
La fragmentation de l'information
Aujourd'hui, il existe de plus en plus de médias qui sont en compétition. L'information ne vient plus de quelques médias traditionnels, mais d'une multitude de médias : on parle de fragmentation de l'information, qui mène à la fragmentation de l'audience.
La fragmentation de l'information conduit à la fragmentation de l'audience : en effet, un individu ne peut pas suivre tous les médias pour avoir accès à toutes les informations. Il choisit.
Dans le secteur de la radiophonie, la lecture des chiffres de Médiamétrie de septembre-octobre 2019 montre comment sont fractionnés les 41,5 millions d'auditeurs :
- 19,2 millions ont écouté des stations généralistes, dont 6,3 millions France Inter et 6,2 millions RTL.
- 19,6 millions ont écouté des stations musicales, dont 5,2 millions NRJ et 3,3 millions Nostalgie.
- 7,2 millions ont écouté des stations thématiques dont 1,6 million France Culture et 1 million France Musique.
- 1,4 million ont écouté des stations locales.
« Trop d'informations tuent l'information. »
Noël Mamère
La Dictature de l'audimat, © Éditions La découverte, coll. Enquêtes
1988
De la transmission de l'information verticale à la transmission horizontale
Au XXe siècle, le nombre réduit de médias d'information contribue à la fabrication de la société autour d'une culture commune, malgré les clivages politiques. Avec la multiplication des médias, c'est la fin de ce modèle unique. On passe d'une information verticale à une information horizontale, c'est-à-dire que l'information se fait entre les individus, et non plus des médias vers les individus.
Au XXe siècle, en dépit de clivages politiques droite-gauche dans la lecture de l'information, le nombre limité de médias participe de la fabrication de la société autour d'une culture commune. La construction de cette culture commune a également une fonction politique : elle favorise le débat mais aussi l'acceptation de l'autre, de sa décision dans le contexte démocratique. On parle de transmission horizontale de l'information des médias, qui traitent l'information, vers l'audience.
Au XXIe siècle, l'apparition et l'essor d'Internet servent à alimenter et à enrichir le débat dans le cadre d'une démocratie participative. En permettant de relier les individus en ligne, les médias sociaux numériques favorisent la circulation et le partage de l'information mondialisée dans l'instantanéité et l'interactivité. Cependant, Internet tend à éclater l'unité qui primait au XXe siècle. Alors qu'elle était caractérisée par une transmission plutôt verticale avec les médias de masse traditionnels, l'information devient plus horizontale : elle se fait d'un internaute vers un autre internaute, sans analyse ni traitement de l'information.
Le nouveau traitement de l'information par les journalistes
La profusion d'informations sur Internet interroge la limite entre information et communication. Le métier de journaliste évolue dans ses pratiques de l'information et s'adapte aux évolutions en cours. Certains journalistes diffusent l'information et sont dans l'instantané. D'autres sont plutôt des journalistes éditorialistes ou des journalistes d'investigation qui approfondissent davantage leurs recherches.
Aujourd'hui, information et communication sont deux termes que l'on confond :
- L'information est un événement, un fait, un jugement porté à la connaissance d'un public sous forme d'images, de textes, de discours, de sons. Le contenu de l'information a été vérifié par un croisement de sources. L'information est ensuite diffusée par un journal, une agence de presse, la radiophonie, la télévision à travers son application numérique.
- La communication renvoie plutôt à la transmission simple d'un fait.
Source
La source est l'origine de l'information : qui l'a publiée en premier ? Comment les faits ont-ils été connus ? D'où proviennent les données brutes ?
À l'heure d'Internet, information et communication tendent à se confondre. La pratique du métier de journaliste évolue ainsi dans le traitement de l'information.
Certains journalistes deviennent des diffuseurs en masse de l'information. Ils utilisent les médias sociaux numériques pour couvrir l'actualité en direct. Leur proximité immédiate avec l'événement peut avoir pour conséquence le manque de discernement, de recul et d'analyse de l'information transmise, au profit de l'émotion. On est plutôt dans la communication que l'information.
D'autres journalistes concentrent leur activité professionnelle à l'éditorialisation de l'information. Ils analysent l'information et s'assurent qu'elle est vérifiée (c'est ce que l'on appelle le fact checking). Ils la rendent ensuite intelligible pour le public. Les éditorialistes se veulent indépendants du pouvoir.
Médiapart et le Huffington Post sont des médias qui se veulent indépendants, avec de nombreux journalistes éditorialistes.
Face à l'explosion de l'information, des journalistes d'investigation se rassemblent, à l'échelle mondiale, pour croiser leurs informations respectives. Ils dénoncent des scandales.
Le Consortium international des journalistes d'investigation révèle en 2016 le scandale des Panama Papers.
Les témoignages et les lanceurs d'alerte
Avec l'explosion d'Internet, on constate la multiplication de témoignages et d'actions de lanceurs d'alerte, qui constituent une nouvelle figure médiatique. Certains lanceurs d'alerte sont très célèbres : Julian Assange ou Edward Snowden, par exemple. Les actions des lanceurs d'alerte peuvent se faire au service d'une démocratie participative par la révélation et la transmission d'informations susceptibles de mobiliser l'opinion publique contre certaines dérives.
Le développement des témoignages
Sur Internet, grâce aux réseaux sociaux, on observe de plus en plus de témoignages.
Les témoignages se font notamment sous la forme de vidéos ou de messages postés directement sur les réseaux sociaux. Ces témoignages sont instantanés et diffusés immédiatement. Ils permettent d'avoir accès à l'information, notamment dans des pays où la censure est pratiquée et où les médias traditionnels ne peuvent rien dévoiler.
En Syrie, plusieurs citoyens témoignent de la violence du régime de Bachar el-Assad en publiant sur les réseaux sociaux des vidéos de bombardements et de morts.
Le lanceur d'alerte, une nouvelle figure médiatique
Le lanceur d'alerte est une personne qui révèle une violation grave à la société. Les lanceurs d'alerte sont une nouvelle figure médiatique du XXIe siècle. Ils profitent de la portée mondiale du réseau d'Internet pour révéler et transmettre des informations susceptibles de mobiliser l'opinion publique contre certaines dérives au nom de l'intérêt général.
Un lanceur d'alerte est « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d'un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d'un acte unilatéral d'une organisation internationale pris sur le fondement d'un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».
Loi Sapin II
2016
Le lanceur d'alerte portugais Rui Pinto révèle en 2016 les Football Leaks qui, selon Médiapart, constituent « la plus grande fuite d'informations de l'histoire du sport ». Obtenus par le magazine allemand d'investigation Der Spiegel et traité par le réseau européen d'investigation journalistique, European Investigative Collaborations, les Football Leaks dénoncent l'évasion fiscale d'acteurs majeurs du football mondial.
Les lanceurs d'alerte utilisent surtout Internet pour divulguer leurs informations. Ainsi, ils contournent la censure.
En décembre 2019, le médecin et lanceur d'alerte Li Wenliang, exerçant à l'hôpital central de Wuhan en Chine, informe des collègues par la messagerie instantanée WeChat de l'apparition d'un nouveau virus similaire au SRAS : le Covid-19. Les autorités chinoises interceptent son message et le convoque au commissariat de police pour l'obliger à se rétracter pour avoir « sérieusement perturbé l'ordre social ». Mais l'information a été diffusée sur les réseaux sociaux et le monde a pris connaissance de la potentielle dangerosité de ce virus pour l'être humain.
Des lanceurs d'alerte d'importance mondiale
Certains lanceurs d'alerte sont devenus très célèbres et ont une grande importance sur la scène mondiale. C'est le cas de Julian Assange, qui a fondé la plateforme WikiLeaks, et d'Edward Snowden, qui a dévoilé le scandale de l'espionnage par la NSA. Plusieurs journalistes, qualifiés de lanceurs d'alerte, ont travaillé ensemble pour dévoiler le scandale dit des Panama Papers en 2016.
Julian Assange est un journaliste lanceur d'alerte australien mondialement connu pour être le fondateur de la plateforme WikiLeaks. La vocation de WikiLeaks est de « libérer la presse » et de « démasquer les secrets et abus d'État ».
En 2015, WikiLeaks publie les enregistrements d'écoutes des présidents français Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande effectués par les États-Unis. Ces enregistrements ont eu lieu entre 2006 et 2012.
L'action de Julian Assange suscite des polémiques. Son image s'est particulièrement dégradée lors de l'élection présidentielle américaine de 2016. Il est accusé d'avoir terni l'image du Parti démocrate et d'avoir permis l'élection de Trump. En effet, pendant la campagne présidentielle américaine, Wikileaks a publié des milliers d'e-mails piratés provenant de l'équipe d'Hillary Clinton, qui ont contribué à discréditer la candidate auprès des électeurs.
Edward Snowden est un informaticien américain. Il a travaillé pour la CIA. Il a ensuite été analyste contractant pour la NSA (National Security Agency). En 2013, il dévoile l'ampleur de l'espionnage numérique des États-Unis. Pendant des années, la NSA a récolté des données personnelles de citoyens américains ordinaires et a aussi surveillé des personnalités politiques.
La chancelière allemande Angela Merkel a été surveillée. Une note de l'agence la qualifie « d'hésitante » sur sa gestion de la crise grecque.
Edward Snowden révèle ainsi un gigantesque système de surveillance du réseau Internet, mais aussi des téléphones portables et autres moyens de communication. Le but premier est la lutte antiterroriste, mais finalement le système est utilisé dans l'espionnage économique et industriel. Le choc qu'ont généré ces annonces a été considérable aussi bien aux États-Unis que parmi les alliés occidentaux.
La désinformation et le développement des théories du complot à l'heure d'Internet
La dérive principale de la diffusion d'informations sur Internet est la désinformation. Cela conduit notamment à l'explosion de la diffusion des théories du complot. Face à la désinformation et au complotisme, la seule solution est la vérification des informations.
La désinformation
L'explosion de l'information conduit à la diffusion de rumeurs ou de fausses informations, les fake news. On parle alors de désinformation. Trop d'informations sont diffusées, elles ne sont pas toutes traitées ou vérifiées. Certains manipulent l'information à des fins malveillantes.
Rumeur
La rumeur est une information sans source précise qui se répand dans la population.
La profusion des sources d'information concurrencent voire contestent la production scientifique. Les informations qui circulent sur les réseaux sociaux ou dans certains médias reposent sur :
- des connaissances approximatives ;
- peu ou pas de contextualisation ;
- peu ou pas de croisement des sources ;
- peu ou pas de vérification des sources.
La désinformation se fait souvent à des fins malveillantes. Ce n'est pas la même chose que la mésinformation. Certaines personnes diffusent de fausses informations par malveillance, dans le but d'attiser la haine entre les personnes et de créer des désordres politiques et sociaux. Ils créent notamment ce que l'on appelle des hoax, des canulars. Le but est de tromper.
Les théories du complot
Le manque de contrôle de l'information qui circule sur Internet, la défiance d'une partie des populations à l'égard du pouvoir et des médias de masse, et la facilité de lier les individus entre eux par les réseaux sociaux accélèrent la diffusion des théories du complot sur la Toile. On parle de complotisme.
Théorie du complot ou complotisme
La théorie du complot ou le complotisme cherchent à démontrer par des faits qui ne prêtent à aucune discussion l'existence d'un complot entendu comme le produit de l'action d'un groupe occulte de puissants agissant dans l'ombre pour conserver une forme de pouvoir.
Les théories du complot ont toujours existé et se sont toujours diffusées. Toutefois, avec Internet, les théories du complot se multiplient et se diffusent beaucoup plus rapidement. La profusion des blogs, des forums et des réseaux sociaux sur le Web favorise le complotisme.
Aujourd'hui, de plus en plus de personnes sont facilement convaincues par ces théories, parce qu'elles viennent de personnes qu'ils suivent sur les réseaux, en qui ils ont confiance, parce qu'ils n'ont plus de repères et qu'ils n'accordent plus de crédit aux médias traditionnels et à la sphère politique. Ces théories paraissent parfois inoffensives ou loufoques.
Une théorie du complot circulant sur Internet défend l'idée que le chanteur Elvis Presley n'est pas mort.
Mais toutes les théories du complot sont finalement dangereuses. La théorie du complot n'est pas une remise en question ou un recul critique. Elle favorise la haine de l'autre et peut avoir pour but de provoquer le chaos.
Les protocoles de Sion
L'idée que les Juifs veulent contrôler le monde est une théorie du complot dangereuse. Elle repose notamment sur Les Protocoles des Sages de Sion, un texte écrit en 1901 par l'agent russe Mathieu Golovinski sur ordre de la police politique du tsar de Russie Nicolas II. À l'époque, on veut convaincre le tsar Nicolas II qu'il existe un complot des Juifs pour prendre le pouvoir. Il s'agit de l'influencer. Cette théorie a été reprise notamment par Hitler. Aujourd'hui, elle est largement diffusée en Orient. Cette théorie repose sur l'antisémitisme.
Une étude Ipsos, réalisée en 2014 sur un panel de 1 500 individus de 15 à 65 ans, met évidence que 20 % des Français croient à l'existence actuelle des Illuminati, un mouvement qui regrouperait les principaux dirigeants de la planète pour créer un nouvel ordre mondial.
Les complotistes accusent fréquemment les médias traditionnels de travailler avec le pouvoir. Cela conduit les lecteurs à déprécier, dénigrer voire nier l'information.
« Tout étant disponible en ligne, la presse n'est plus perçue comme celle qui publie, mais comme celle qui cache. »
Bruno Patino
La Civilisation du poisson rouge, © Grasset
2019
La vérification des informations
Afin de ne pas tomber dans le piège de la désinformation ou des théories du complot, il convient de toujours vérifier l'information : sa source, son auteur, la date, qui relaie l'information, etc.
Face à l'explosion de la désinformation sur Internet, des outils de décodage de l'information font leur apparition à l'initiative de journalistes ou de l'État :
- Les Décodeurs du journal Le Monde ;
- Idées claires de France Culture ;
- le site gouvernemental « On te manipule ».