Sommaire
ILa démocratie directe : l'exemple athénienALes deux principes démocratiques fondamentaux d'AthènesBLe fonctionnement de la démocratie athénienne1Les assemblées et les magistrats athéniens2Les pratiques démocratiques à AthènesCLes limites de la démocratie directe athénienneIILes théories de Benjamin Constant sur la démocratie représentativeALe contexteBLa liberté des Anciens et la liberté des Modernes1La liberté des Anciens2La liberté des ModernesCLa mise en garde contre la tyrannie et le désintérêt des citoyensLa démocratie pose la question de savoir qui exerce le pouvoir. La démocratie a été inventée à Athènes au Ve siècle av. J.-C. Dans la démocratie athénienne antique, la démocratie est directe, les citoyens participent directement aux institutions. La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle constituent un basculement dans la conception de la démocratie : on passe de la démocratie directe à la démocratie représentative. Dans le monde occidental, aujourd'hui, la démocratie est représentative, les citoyens votent pour des représentants politiques qui ont le pouvoir.
Quels sont les enjeux du débat entre démocratie directe et démocratie représentative ?
La démocratie directe : l'exemple athénien
Athènes, au Ve siècle av. J.-C., constitue un des rares exemples de démocratie directe de l'histoire. Deux principes fondamentaux sont à la base de cette démocratie dont le fonctionnement repose sur des institutions et des pratiques démocratiques. Toutefois, la démocratie directe athénienne présente des limites.
Les deux principes démocratiques fondamentaux d'Athènes
Athènes se caractérise par deux grands principes démocratiques fondamentaux : le principe d'isonomie et le principe d'isegoria :
- Le principe d'isonomie est l'égalité politique entre tous les citoyens athéniens, quel que soit leur degré de richesse.
- Le principe d'isegoria est le droit de parole pour tous, à tout moment et à tout propos.
Au Ve siècle av. J.-C., une indemnité, le misthos, est mise en place par Périclès pour faciliter la participation de tous les citoyens aux affaires de la cité. La plupart des fonctions politiques sont annuelles et non cumulables, donc chaque citoyen exerce au moins une charge politique au cours de son vivant.
Chaque citoyen a la possibilité de s'exprimer. Une horloge à eau, ou clepsydre, sert à mesurer le temps de parole pour en garantir l'égalité.
Le fonctionnement de la démocratie athénienne
La démocratie athénienne repose sur le fonctionnement d'assemblées et de magistrats et de pratiques démocratiques (vote, etc.).
Les assemblées et les magistrats athéniens
La cité est dirigée de manière démocratique par trois assemblées (la Boulè, l'Héliée et l'Ecclésia) et des magistrats.
Les assemblées sont :
- La Boulè, où siègent 500 bouleutes âgés de plus de trente ans. Ils préparent les travaux qui doivent être abordés par l'Ecclésia, mais surveillent aussi les magistrats, l'application des lois ou encore la gestion des fonds publics.
- L'Héliée, qui est le tribunal d'Athènes. Il réunit six mille héliastes âgés de plus de trente ans, soit six cents membres par tribu.
- L'Ecclésia, qui est l'assemblée des citoyens. C'est le cœur de la démocratie athénienne. Elle se réunit sur la colline de la Pnyx, du lever au coucher du soleil, de une à quatre fois par prytanie, soit quarante fois par an. Elle procède à l'élection ou au tirage au sort des magistrats, des membres de l'Héliée et de la Boulè. Elle prend les décisions qui portent sur les lois, le budget, la politique extérieure (guerre, paix, alliances, etc.), l'octroi ou le retrait de la citoyenneté, etc.
Les magistrats (stratèges, archontes, basileus, etc.) sont environ 700. Ils sont chargés d'exécuter les décisions de l'Ecclésia dans les domaines politique, administratif ou judiciaire. À leur sortie de charge, les magistrats rendent des comptes à l'assemblée des citoyens.
Les pratiques démocratiques à Athènes
Athènes se caractérise par des pratiques démocratiques : le vote, l'élection et le tirage au sort.
À Athènes, on observe la pratique du vote. À l'Ecclésia, les décisions sont précédées de débats et sont prises à la majorité par suite d'un vote à main levée. À l'Héliée, la justice est rendue à bulletin secret et sans appel.
À Athènes, on observe également la pratique de l'élection. L'Ecclésia élit les candidats aux magistratures les plus importantes (notamment les stratèges) qui peuvent être réélus.
Périclès est réélu comme stratège sans discontinuité de 443 av. J.-C. à 431 av. J.-C.
Le personnel politique le plus important se renouvelle assez peu : archontes et stratèges sont issus des grandes familles.
À Athènes, on observe enfin la pratique du tirage au sort. Les membres de l'Héliée et de la Boulè ainsi que la majorité des magistrats (archonte, basileus, etc.) sont choisis annuellement par tirage au sort.
Les limites de la démocratie directe athénienne
La démocratie directe athénienne reste imparfaite et présente certaines limites. Elle est fermée, il y a très peu de citoyens athéniens. Elle connaît des dysfonctionnements, notamment parce que les citoyens sont peu éduqués ou ignorants, et parce que la démagogie est utilisée par certains.
L'accès à la citoyenneté est restreint et ne concerne qu'une minorité de la population. Pour obtenir le statut de citoyen athénien, l'individu doit répondre à un certain nombre de critères :
- être un homme libre né de parents athéniens, d'un père citoyen et d'une mère fille de citoyen ;
- avoir 18 ans et avoir fait l'éphébie (le service militaire) ;
- être inscrit dans un dème (circonscription administrative) et habiter la cité d'Athènes.
Ces mesures limitent le nombre de citoyens. Les étrangers, les femmes et les esclaves ne peuvent pas prétendre au statut de citoyen.
Selon les estimations, sur les 380 000 habitants que compte Athènes en 431 av. J.-C., seuls 42 000 sont citoyens, soit seulement 11 % de la population totale.
L'immense majorité des habitants d'Athènes est donc exclue de la citoyenneté : femmes et enfants (44 %), métèques (7 %) et esclaves (38 %).
Certains contemporains d'Athènes révèlent des dysfonctionnements dans la démocratie athénienne :
- Thucydide condamne les attitudes de la masse : « ceux-là mêmes qui n'approuvaient pas, craignaient, en votant contre, de passer pour mauvais patriotes et se tenaient cois ».
- Aristote dénonce l'incompétence du peuple. La majorité des citoyens sont peu éduqués et ignorants, ils ne peuvent prendre les bonnes décisions. Aristote préfère voir un petit nombre d'hommes compétents diriger la cité.
- Aristophane, dans sa pièce de théâtre Les Cavaliers, dénonce la démagogie. Il reproche à certains orateurs de flatter les citoyens, voire de leur mentir, pour les convaincre.
Les théories de Benjamin Constant sur la démocratie représentative
Dans le monde occidental, aujourd'hui, la démocratie est représentative : les citoyens votent pour des représentants politiques. Cette démocratie a été pensée au XIXe siècle par Benjamin Constant, député sous la Restauration. C'est lui qui imagine le fonctionnement de ce nouveau régime politique dans son discours « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes ».
Le contexte
Au début du XIXe siècle, les réflexions sur la démocratie se sont accélérées avec le siècle des Lumières et les grands philosophes européens. Benjamin Constant prononce le discours « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » en 1819.
Les réflexions sur la démocratie s'accélèrent à partir du XVIIIe siècle sous l'influence des philosophes des Lumières, de l'essor de la bourgeoisie dans le paysage politique et de la démocratisation croissante des sociétés.
Plusieurs penseurs réfléchissent au choix du mode de représentation qu'impliquent les différentes formes de démocratie : participer ou être représenté.
- Au XVIIIe siècle, le philosophe des Lumières Jean-Jacques Rousseau considère que la démocratie ne peut être que directe : la souveraineté « consiste essentiellement dans la volonté générale et la volonté générale ne se représente point ».
- La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle constituent un basculement dans la conception de la démocratie : on passe de la démocratie directe à la démocratie représentative.
Témoin de la Révolution française, Benjamin Constant se différencie de Jean-Jacques Rousseau. Il considère en effet que la démocratie représentative est la seule adaptée à une communauté politique nombreuse. Benjamin Constant souhaite mettre en place une démocratie représentative qui garantit les libertés et qui est fondée sur l'égalité.
Les réflexions de Benjamin Constant portent sur les moyens de fonder une démocratie représentative qui permet :
- la garantie des libertés individuelles ;
- une participation politique fondée sur l'égalité.
Dans son célèbre discours « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » de 1819, prononcé à l'Athénée royal à Paris, Benjamin Constant distingue une conception ancienne et une conception moderne de la liberté.
La liberté des Anciens et la liberté des Modernes
Benjamin Constant est député sous la Restauration. C'est un défenseur des valeurs démocratiques. Il est opposé aux dérives autoritaires que l'on peut observer notamment lors de la Révolution française et sous l'Empire. Son discours « De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes » théorise la démocratie représentative et la façon dont on peut construire un État démocratique qui respecte les droits de chacun. Ce discours repose sur l'opposition entre deux libertés.
La liberté des Anciens
La liberté des Anciens est une liberté politique dans laquelle le citoyen est « assujetti à l'autorité de l'ensemble ». Benjamin Constant prend l'exemple d'Athènes : les citoyens participent directement à la vie politique, ils n'ont pas de libertés individuelles. Ce système repose sur l'esclavage.
À Athènes, la démocratie se caractérise par une participation directe et forte du citoyen à la vie publique. La liberté est politique : les citoyens n'ont pas à travailler, puisqu'ils ont des esclaves chez eux qui s'occupent des tâches manuelles et ménagères. Tous les citoyens participent à la vie politique de la cité.
Selon Benjamin Constant, ce type de démocratie directe convient à une société peu peuplée reposant sur l'esclavage, comme celle d'Athènes au Ve siècle av. J.-C. Elle n'est pas applicable à des États où s'épanouit la liberté individuelle.
La liberté des Modernes
Benjamin Constant oppose la liberté des Anciens à la liberté des Modernes. La liberté des Modernes repose sur les libertés individuelles : l'individu moderne veut jouir de ces libertés. Pour cela, il faut que des représentants s'occupent des affaires de la cité.
Le citoyen moderne doit travailler, il n'a pas d'esclaves pour le faire à sa place. Il désire jouir des libertés individuelles qui lui sont accordées : être propriétaire, travailler, commercer, mais aussi penser et s'exprimer librement.
Les hommes modernes préfèrent les libertés individuelles à l'engagement politique. Pour Benjamin Constant, il est évident que le peuple doit déléguer sa souveraineté à des représentants élus à la majorité. Les représentants libèrent les citoyens de leur participation politique pour leur permettre de profiter de leurs libertés. L'État garantit les libertés et les droits des individus.
La mise en garde contre la tyrannie et le désintérêt des citoyens
Benjamin Constant a conscience que la démocratie représentative ne peut fonctionner que si elle est libérale, il défend donc la doctrine du libéralisme. Il met en garde contre le désintérêt des citoyens à l'égard de la politique.
Benjamin Constant est marqué par les dérives violentes et autoritaires de la Révolution française (la Terreur) et de l'Empire. Il préconise le libéralisme pour éviter toute dérive.
Libéralisme
Le libéralisme est une doctrine défendant les libertés individuelles contre l'emprise de l'État.
Benjamin Constant met également en garde les citoyens contre le désintérêt à l'égard de la politique, afin d'éviter de potentielles dérives tyranniques de l'État et des gouvernants. Les citoyens doivent pouvoir juger leurs représentants politiques et même les révoquer si ceux-là ne sont pas à la hauteur de leurs fonctions.