Sommaire
IDonner accès à la connaissance : les grandes étapes de l'alphabétisation des femmes du XVIe siècle à nos joursALa lente alphabétisation des femmesBVers la mise en place de systèmes scolaires universelsCL'alphabétisation des femmes : un enjeu majeur des sociétésIIProduire de la connaissance scientifique : recherches et échanges des hommes et des femmes de sciences sur la question de la radioactivité de 1896 aux années 1950ALa découverte de la radioactivitéBVers la bombe atomiqueL'éducation des femmes a été et reste un processus lent et difficile. Il existe de nombreux freins tant économiques que sociaux ou même culturels et idéologiques. Les réformes protestante et catholique, aux XVIe et XVIIe siècles, ont joué un rôle majeur dans l'avancée de l'éducation. Ce sont ensuite les États, soucieux de former des citoyens ayant conscience de leurs droits et devoirs, qui ont été des vecteurs de progrès dans l'éducation des femmes. L'analyse de la recherche nucléaire est un autre révélateur des mutations que connaît la connaissance au XXe siècle. La dimension internationale des équipes de recherche, le rôle structurant des États et les relations entre les différents acteurs sont la preuve d'une mondialisation de la production et de la diffusion des connaissances.
Pour quelles raisons la production et la diffusion des connaissances constituent-elles des enjeux de développement majeurs pour les États et les sociétés ? Quelles ont été les différentes étapes de l'alphabétisation des femmes depuis le XVIe siècle et quels en sont les facteurs d'explication ? Dans quelle mesure, la recherche nucléaire est-elle révélatrice des mutations scientifiques entre le XIXe siècle et le XXe siècle ?
Donner accès à la connaissance : les grandes étapes de l'alphabétisation des femmes du XVIe siècle à nos jours
L'alphabétisation des femmes a été un enjeu majeur du XVIe siècle à nos jours en Europe. Longtemps exclues de tout système d'éducation, les femmes ont bénéficié de la réforme protestante puis de la réforme catholique. La généralisation des systèmes scolaires en Europe et aux États-Unis accompagne la démocratisation des sociétés et permet aux filles d'accéder progressivement à l'enseignement primaire puis secondaire. Toutefois, malgré les progrès au cours du XXe siècle, il reste de fortes inégalités à l'échelle mondiale.
La lente alphabétisation des femmes
L'alphabétisation des femmes du XVIe siècle à aujourd'hui a été lente. La réforme protestante puis la réforme catholique jouent un rôle important dans l'alphabétisation des femmes au XVIe siècle, en permettant la création d'écoles et de congrégations destinées à leur éducation.
Jusqu'à la fin du Moyen Âge, l'enseignement concerne de manière quasi-exclusive les religieux et les futurs religieux (les clercs). Les élites laïques sont éduquées par un précepteur c'est-à-dire un professeur particulier. Jusqu'au XVIe siècle, les femmes sont en grande partie exclues de l'instruction : le savoir est limitée aux rudiments de la lecture et de l'écriture, transmis par la mère dans le cadre de la famille.
Au XVIe siècle, la réforme protestante est un vecteur de l'alphabétisation grâce aux conceptions de Martin Luther (1483-1546) et de Jean Calvin (1509-1564).
La réforme catholique est l'ensemble des changements opérées par l'Église catholique durant le XVIe siècle en réaction à la réforme protestante. La hiérarchie ecclésiastique catholique prend conscience de l'importance de l'éducation pour contrer l'influence du protestantisme. Cela a des conséquences sur l'éducation à partir du XVIIe siècle. Des écoles sont créées dans les paroisses. Les filles ne sont pas délaissées même si cet enseignement s'adresse d'abord aux garçons. L'Église catholique comprend le rôle de l'éducation des filles dans la reconquête religieuse et morale et encourage la création de congrégations religieuses destinées à l'éduction des filles.
Les Ursulines est une congrégation religieuse destinée à l'éducation des filles, créée en 1535.
Cette instruction est d'abord religieuse et elle est effectuée par des religieux et des religieuses.
Emmanuel Todd, Après la démocratie, 2008, d'après l'enquête du recteur Louis Maggiolo en 1877
En réalité, l'éducation est avant tout l'apprentissage de la lecture car la scolarité est trop courte et épisodique notamment dans les campagnes. L'apprentissage de l'écriture est plus rare car elle impose des contraintes de place et de matériel.
Par ailleurs, il existe des différences géographiques en France, entre le Nord et le Sud d'une ligne Saint Malo-Genève : le Nord-Est plus éduqué que le Sud.
Enfin, à l'échelle européenne, il y a un certain retard français. Les pays protestants (Provinces-Unies – actuels Pays-Bas - Suisse, Prusse, etc.) ont des systèmes éducatifs plus performants : la Prusse instaure dès les années 1770 l'obligation scolaire et payante pour les garçons et les filles de 5 à 13 ans.
Vers la mise en place de systèmes scolaires universels
Les systèmes scolaires accompagnent la démocratisation des sociétés. L'exemple français est emblématique : la scolarité obligatoire permet la généralisation de l'alphabétisation des femmes. Les lois de Jules Ferry sur la gratuité de l'école et son caractère obligatoire permettent notamment de diffuser le savoir.
L'État saisit l'importance de la mise en place de systèmes scolaires. Dans les États protestants, c'est déjà le cas depuis les XVIIe et XVIIIe siècles.
Aux États-Unis, le financement de l'école est assuré par l'impôt dès 1800.
À cela s'ajoute la dimension démocratique : assurer au plus grand nombre une éducation de base. Cela passe par l'obligation et la gratuité des études primaires.
Une succession de lois dès les années 1830 permet de construire une école de plus en plus efficace et un enseignement plus généralisé.
En France, l'alphabétisation a progressé entre le début et la fin du XIXe siècle : en 1830, 50 % des conscrits ne savaient ni lire ni écrire ; en 1870, ils n'étaient plus que 20 %.
Les effectifs de filles en école primaire ont augmenté :
1820 | 1840 | 1863 | 1881-1882 | ||||
Ensemble | 1 123 000 | 2 897 000 | 4 336 000 | 5 341 000 | |||
Filles | - | 1 240 000 | 43 % | 2 070 000 | 48 % | 2 633 000 | 49 % |
On observe une multiplication du nombre d'écoles en France :
- 1817 : 20 000 écoles ;
- 1880 : 75 000 écoles.
Le nombre d'écoles a donc été multiplié par 3,5.
Les résultats sont conséquents. À la veille des lois Ferry (1881-1882), la quasi-totalité des enfants sont scolarisés à l'école primaire, les garçons aussi bien que les filles.
Jules Ferry ne construit pas l'école primaire, mais l'école primaire républicaine. Pour les républicains, l'école constitue un enjeu politique majeur :
- Il faut inculquer les valeurs de 1789 et de la démocratie.
- Il faut réduire l'influence de l'Église sur l'école.
- Il faut réformer le système scolaire français (de nombreux penseurs français pensent que la victoire des Prussiens lors de la dernière guerre est due à la qualité de leur enseignement).
Les lois de Jules Ferry jouent un rôle fondamental.
La loi du 16 juin 1881 Instauration de la gratuité : égalité des chances | La loi du 28 mars 1882
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Par ailleurs, on observe d'autres évolutions dans l'éducation :
- Des écoles normales sont créées en 1879 pour former les instituteurs et institutrices.
- Un enseignement secondaire est mis en place pour les jeunes filles en 1880.
- Une École normale supérieure (ENS) de jeunes filles à Fontenay est créée 1880 et une autre à Sèvres en 1881.
L'école primaire républicaine est porteuse d'un projet de société. Néanmoins, dans cette France de la fin du XIXe siècle, il y a une persistance d'inégalités dans les programmes et dans la conception du rôle de la femme dans la société. Des inégalités qui se retrouvent aujourd'hui à l'échelle mondiale.
Les filles restent minoritaires dans l'enseignement secondaire, mais connaissent une forte croissance, presque un quadruplement entre 1888 et 1909.
Les effectifs de l'enseignement secondaire en France ont augmenté :
1888 | 1909 | |||
Garçons | 83 562 | 93 % | 97 128 | 74 % |
Filles | 6 634 | 7 % | 34 978 | 26 % |
L'alphabétisation des femmes : un enjeu majeur des sociétés
À l'échelle mondiale, on observe la persistance de fortes inégalités entre les hommes et les femmes. Ces inégalités s'expliquent par des facteurs socio-culturels et économiques. Pourtant, l'alphabétisation est un véritable atout pour le développement.
Les femmes représentent les \dfrac{2}{3} de la population mondiale analphabète, soit 500 millions de personnes.
De multiples facteurs expliquent ces inégalités.
Malala Yousafzai
La vie de Malala Yousafzai est emblématique des freins mais aussi de la volonté de certaines filles ou jeunes femmes de surmonter les obstacles. Née au Pakistan, elle écrit, dès l'âge de 12 ans, sur un blog pour la BBC. Elle y raconte la vie quotidienne dans la vallée du Swat au moment de la domination des talibans entre 2007 et 2009, privant les filles d'éducation et dynamitant les écoles. Le 9 octobre 2012, elle est l'objet d'un attentat et est blessée par une balle à la tête par un taliban. Elle est transférée au Royaume-Uni pour y être soignée. En 2014, elle reçoit le prix Nobel de la paix pour son action en faveur de l'éducation des jeunes filles, faisant d'elle la plus jeune lauréate de l'histoire de cette récompense. Elle entre à l'université d'Oxford trois ans plus tard.
L'alphabétisation permet :
- une meilleure insertion sur le marché du travail ;
- une autonomisation des femmes ;
- le recul de la pauvreté de manière globale ;
- des mutations des pratiques démographiques ;
- l'accélération de la transition démographique ;
- une amélioration de l'état sanitaire.
Produire de la connaissance scientifique : recherches et échanges des hommes et des femmes de sciences sur la question de la radioactivité de 1896 aux années 1950
Les recherches concernant la radioactivité sont révélatrices d'un certain nombre d'éléments dans la construction du savoir à partir du XXe siècle le rôle du hasard dans la recherche, l'importance du travail en équipe et les liens entre recherche fondamentale et recherche appliquée. Marie et Pierre Curie ont joué un rôle capital dans la découverte de la radioactivité. Les applications qui en ont découlé concernent tant la médecine que l'armement. Le projet Manhattan, qui aboutit à la production de la bombe atomique, est la synthèse de la recherche scientifique du XXe siècle : travail d'équipes internationales, financement étatique et relations entre les domaines militaire et civil.
La découverte de la radioactivité
La radioactivité est découverte par hasard, c'est un tournant scientifique. Marie et Pierre Curie ont joué un rôle majeur dans cette découverte, Marie Curie étant une femme scientifique très reconnue. Ils ont la volonté de partager leurs découvertes, on parle de véritable coopération internationale autour de ce sujet.
À la suite de la découverte des rayons X par Wilhelm Röntgen, Henri Becquerel découvre de manière accidentelle le principe de la radioactivité naturelle en 1896.
Marie Sklodowska est née en 1867 en Pologne (qui considérée russe à l'époque). Elle vient faire des études de physique puis de mathématiques en France à partir de 1891 puis consacre ses recherches et sa thèse de doctorat au rayonnement de l'uranium (découvert par Henri Becquerel). Elle et son mari Pierre Curie analysent du pechblende (principal minerai d'uranium), découvrent et démontrent en 1898 l'existence de deux éléments radioactifs inconnus : le radium et le polonium (en hommage à la Pologne dont est originaire Marie). Ils inventent le terme « radioactivité » en 1898.
Radioactivité
La radioactivité se définit comme la libération d'énergie provoquée par la désintégration de noyaux d'atomes instables.
Ces résultats sont le fruit d'un vrai travail d'équipe, récompensé par un des premiers prix Nobel :
- prix Nobel de physique en 1903 aux trois chercheurs français (Marie et Pierre Curie et Henri Becquerel) ;
- prix Nobel de chimie à Marie Curie en 1911.
Marie Curie est la première femme à obtenir le prix Nobel, et l'une des premières à en obtenir deux.
Prix Nobel
Le prix Nobel est une récompense internationale décernée chaque année depuis 1901 par l'institut Nobel qui gère l'héritage et l'immense fortune d'Alfred Nobel (1833-1896), inventeur de la dynamite, pour remercier et valoriser des personnalités dans 5 domaines : paix, littérature, physique, chimie et médecine.
Marie et Pierre Curie ne souhaitent pas commercialiser leur découverte.
« Le radium ne doit enrichir personne. C'est un élément. Il appartient à tout le monde. »
Marie Curie
Les recherches scientifiques sont poursuivies au cours des années 1920, 1930 et 1940.
Des structures permettent le soutien et les échanges entre les scientifiques :
- le prix Nobel : récompense financière importante. Marie Curie utilise cet argent pour financer des voitures dotées d'unités de radiologie lors de la Première Guerre mondiale ;
- le rôle des universités et des centres de recherches ;
- les conférences Solvay (1911-1933) : à l'initiative de l'industriel belge de la chimie, Ernest Solvay, passionné de sciences, est organisé chaque année une série de conférences consacrées à la recherche en physique et en chimie, réunissant les plus grands scientifiques de l'époque. Ainsi, Albert Einstein (1879-1955) se fait connaître internationalement par ce biais en 1932.
Vers la bombe atomique
La découverte de la radioactivité trouve de multiples applications, notamment en médecine. Elle est surtout à l'origine de l'arme atomique, puissante et destructrice, qui va entraîner l'humanité dans une nouvelle ère.
Dès 1900, on découvre les propriétés physiologiques du radium pour soigner les plaies, voire des tumeurs. Cela permet de lutter contre le cancer. Par ailleurs, pendant la Première Guerre mondiale, on organise le service radiologique des armées grâce à des voitures équipées de procédés de radiologie – les « petites curies ».
On croit que la radioactivité a de nombreuses vertus avant de découvrir dans les années 1920-1930 qu'elle est dangereuse pour l'homme.
Pourtant, Pierre Curie a conscience dès 1905 de certains dangers.
« On peut concevoir que dans des mains criminelles le radium puisse devenir très dangereux, et ici on peut se demander si l'humanité a avantage à connaître les secrets de la nature, si elle est mûre pour en profiter ou si cette connaissance ne lui sera pas nuisible. »
Pierre Curie
Discours à Stockholm
Juin 1905
La radioactivité est bientôt utilisée à des fins militaires. Dans une lettre datée du 2 août 1939, Albert Einstein et Léo Szilard mettent en garde le président des États-Unis, Franklin D. Roosevelt, du danger des avancées des travaux du IIIe Reich concernant le nucléaire. Le président des États-Unis lance alors le programme Manhattan :
- juin 1941 : décision du président des États-Unis de créer un organisme supervisant l'ensemble des problèmes scientifiques susceptibles d'avoir une application militaire ;
- été 1942 : lancement du projet Manhattan : choix du site de Los Alamos et du directeur du programme, Robert Oppenheimer, qui y installa ses équipes ;
- nécessité de mobiliser une masse de connaissances dans des domaines variés tant scientifiques que de techniques industrielles et les États-Unis ont recours aux scientifiques britanniques – plus avancés – et canadiens ;
- première explosion à Alamogordo le 16 juillet 1945.
« La Seconde Guerre mondiale a accéléré l'émergence du concept de mégascience. »
François Caron (1931-2014), historien spécialiste de l'histoire économique et des techniques
Le programme Manhattan est la démonstration de l'importance de la recherche fondamentale, programmée par l'État, et de ses implications, ainsi que des relations positives entre le domaine militaire et civil.
L'utilisation de la bombe atomique contre le Japon, avec le double bombardement d'Hiroshima et de Nagasaki en août 1945, est un véritable choc.
« La civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. »
Albert Camus
8 août 1945
- À Hiroshima (6 août 1945), le bombardier B-29 Enola Gay largue Little Boy (14 Kt, fission d'atomes lourds, uranium 235) qui provoque 74 000 morts et 84 000 blessés, soit 12 000 morts/km2.
- À Nagasaki (9 août 1945), Fat Man (21 Kt, fission d'atomes lourds, plutonium) provoque 40 000 morts et autant de blessés.
L'arme nucléaire devient un enjeu dans les relations internationales. Le 29 août 1949, l'URSS teste la bombe A soviétique. Cela engendre une course aux armements nucléaires.
Le nombre d'armes nucléaires a augmenté entre les États-Unis et l'URSS entre 1946 et 1961 :
États-Unis | URSS | |
1946 1951 1961 | 11 640 24 111 | - 25 2 471 |
Cette course à l'armement hante les esprits. On l'analyse à travers les films, les romans et les BD qui évoquent ce thème.
Sur 12 000 films réalisés entre 1945 et 1975, très peu traitent de l'arme nucléaire avant 1951. Entre 1951-1955 et 1962-1966, de nombreux films abordent le sujet.