Sommaire
ILa notion de patrimoineALa construction et l'élargissement de la notion de patrimoineBLe « patrimoine mondial » de l'UnescoIIUsages sociaux et politiques du patrimoineARéaménager la mémoire : les usages de Versailles de l'Empire à nos joursBConflits de patrimoine : les frises du Parthénon depuis le XIXe siècleIIIPatrimoine, la préservation entre tensions et concurrencesAParis entre protection et nouvel urbanismeBLa question patrimoniale au MaliCVenise entre valorisation touristique et protection du patrimoineIVLa France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protectionALa gestion du patrimoine français : évolutions d'une politique publiqueBUn exemple de reconversion du patrimoine avec le bassin minier du Nord-Pas-de-CalaisCUn exemple de patrimoine immatériel avec le repas gastronomique des Français Ce contenu a été rédigé par l'équipe éditoriale de Kartable.
Dernière modification : 28/08/2025 - Conforme au programme 2025-2026
La notion de patrimoine
La construction et l'élargissement de la notion de patrimoine
La notion de patrimoine a évolué de la transmission entre individus à l'héritage au profit de l'humanité.
Patrimoine (étymologie)
À l'origine, le terme « patrimoine » vient du latin patrimonium, (pater = père). Il désignait la transmission juridique et familiale des biens (héritage légal, testament, etc.).
Patrimoine (définition moderne)
Au fil du temps, avec l'évolution sociale et l'allongement de l'espérance de vie, la notion s'est élargie pour inclure non seulement les biens matériels mais aussi des aspects immatériels (souvenirs, valeurs affectives) et culturels, ainsi que le patrimoine naturel.
Cette « patrimonialisation » a commencé au Moyen Âge, avec le patrimoine religieux, et s'est institutionnalisée avec les Lumières et la Révolution française : création de grandes institutions muséales, comme le British Museum en 1759, la galerie des Offices à Florence en 1796 et bien sûr le Louvre en 1793.
Le « patrimoine mondial » de l'Unesco
Le "patrimoine mondial de l'Unesco" est une construction des États et de la communauté internationale, de plus en plus diversifiée mais spatialement concentrée.
Dès le XIXe siècle, les États organisent la patrimonialisation pour renforcer leur identité nationale (via la création de musées, de services dédiés à la conservation, etc.).
Au XXe siècle, face aux destructions de guerre et à l'urgence de préserver les traces du passé, la dimension internationale se développe. La Convention du patrimoine mondial de 1972, sous l'égide de l'Unesco, permet d'inscrire des patrimoines culturels (matériels et immatériels) et naturels (écologiques et biologiques).
La reconnaissance patrimoniale reste géographiquement concentrée, avec 47% des sites en Europe (53 biens en France, 54 en Allemagne, 60 en Italie) et en Amérique du Nord. L'universalité de la patrimonialisation est ainsi très difficile à atteindre.
L'universalité de la patrimonialisation progresse, notamment en Chine (2e rang, 59 biens inscrits). Le patrimoine mondial de l'Humanité comptait ainsi 300 sites en 1979 contre 1223 aujourd'hui, dont 952 culturels. Mais 66% du patrimoine mondial en péril se situe en Afrique et dans les pays arabes.
Usages sociaux et politiques du patrimoine
Réaménager la mémoire : les usages de Versailles de l'Empire à nos jours
Versailles est à l'origine un modeste pavillon de chasse sous Louis XIII. Louis XIV le transforme en un immense palais. Versailles devient une ville symbole du pouvoir monarchique. Le château est enrichi par des réalisations phares (le grand appartement, la galerie des Glaces) et sublimé par les jardins conçus par Le Nôtre. Il incarne la théâtralisation du pouvoir et la domestication de la noblesse.
Après la Révolution française (1789), Versailles se reconstruit en lieu de mémoire nationale, devenant musée et théâtre d'événements politiques majeurs (de la Restauration à la IIIe République), tout en accueillant des chefs d'État et des conférences internationales. Louis-Philippe inaugure ainsi en 1833 un musée dédié « à toutes les gloires de la France ».
Inscrit depuis 1862 sur la liste des monuments historiques, et depuis 1979 au patrimoine mondial de l'Unesco, Versailles est aujourd'hui un laboratoire culturel et un site touristique de premier plan, le deuxième en France après le Louvre. D'importantes campagnes de restauration ont pu être financées par la participation citoyenne et le mécénat privé.

Versailles aujourd'hui
Conflits de patrimoine : les frises du Parthénon depuis le XIXe siècle
Réalisées par Phidias au Ve siècle av. J.-C., les frises du Parthénon illustrent la fête des Panathénées et constituent un témoignage fondamental de l'âge d'or d'Athènes et de son identité culturelle.
Au début du XIXe siècle, alors que la Grèce était sous domination ottomane, l'ambassadeur anglais Lord Elgin obtient de Constantinople l'autorisation de retirer une grande partie de ces frises, qui sont ensuite exposées au British Museum, amorçant ainsi un conflit patrimonial.
Ce différend perdure aujourd'hui : la Grèce réclame la restitution des frises pour préserver son héritage national, tandis que le Royaume-Uni défend leur conservation dans un cadre muséal international, illustrant deux visions opposées de la propriété du patrimoine.
Ce débat s'inscrit aujourd'hui dans la question plus vaste d'un éventuel retour dans les pays d'origine des œuvres acquises – légalement ou non – pendant toutes les périodes historiques passées, notamment coloniales.
Patrimoine, la préservation entre tensions et concurrences
Paris entre protection et nouvel urbanisme
Paris repose sur un riche héritage historique, de l'Antiquité à nos jours, qui s'est transformé au fil du temps. La ville a été bâtie autour de centres royaux et religieux, puis a vu son paysage remodelé par des révoltes et la modernisation haussmannienne, qui a instauré de grands boulevards et des espaces verts structurants. Le classement de nombreux monuments (Tour Eiffel, Sainte-Chapelle, Invalides, etc.) et quartiers (Marais, Montmartre, latin, etc.) témoigne de la volonté de conserver cette identité historique.
2019
Incendie de Notre-Dame de Paris
L'incendie de Notre-Dame de Paris en 2019 a suscité une mobilisation mondiale qui a permis sa reconstruction à l'identique et sa nouvelle inauguration fin 2024. Il a également ravivé le débat sur les choix de restauration patrimoniale (reconstruction fidèle ou geste architectural contemporain).
La ville est aujourd'hui caractérisée par un important dynamisme, qui maintient son attractivité économique et culturelle : des événements comme les expositions universelles et des réalisations modernes (le Centre Pompidou, le quartier de La Défense) illustrent l'effort de conjuguer patrimoine historique et innovation urbaine. Les Jeux Olympiques de 2024 ont été l'occasion de redéfinir des espaces urbains (village olympique, Seine-Saint-Denis), posant la question du respect des paysages et de la mémoire urbaine.
Des conflits d'usage subsistent cependant entre les différents acteurs de la métropole mondiale. Le risque de muséification d'une ville ultra-touristique alimente notamment une hausse démesurée des prix de l'immobilier. Cette pression foncière marginalise certaines populations et interroge sur le droit à la ville dans un espace patrimonialisé.
La question patrimoniale au Mali
Le Mali possède un patrimoine exceptionnel issu d'une histoire riche (Tombouctou « perle du désert », manuscrits anciens de la cité médiévale, Djenné, falaises de Bandiagara). Ces sites, parfois encore vivants dans les pratiques religieuses ou sociales, sont aussi des symboles identitaires pour les communautés locales. Ils sont aujourd'hui vulnérables en raison de l'instabilité politique et des conflits armés.
Les destructions volontaires par des groupes terroristes islamistes depuis les années 2010 soulignent l'urgence d'initiatives de restauration et de protection. L'enjeu est de préserver l'identité culturelle et d'en punir les responsables. Les partenariats avec l'UNESCO, l'implication des habitants et l'utilisation de savoir-faire traditionnels (comme l'architecture en banco) sont au cœur de la stratégie de sauvegarde.
Venise entre valorisation touristique et protection du patrimoine
Avec ses canaux, sa place Saint-Marc et ses palais historiques, Venise est un site au patrimoine exceptionnel, qui attire 30 millions de visiteurs par an grâce à son charme unique. Elle est classée au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1987.
Le surtourisme (près de 600 touristes pour un habitant), qui génère certes des retombées économiques importantes, entraîne cependant des problèmes de dégradation des infrastructures et l'exode de la population locale. La fermeture des commerces de proximité au profit des boutiques touristiques modifie en profondeur le tissu social. Des mesures de régulation restent nécessaires pour équilibrer valorisation et préservation (investissements pharaoniques dans le projet Moïse, visant à protéger la lagune et à lutter contre les inondations).
En 2021, les paquebots de croisière géants, dont les passages ébranlaient les fondations de la ville, ont été interdits d'accoster le centre historique.
Toutefois, les débats restent vifs entre autorités locales, associations de défense du patrimoine et acteurs économiques sur la gestion du site à long terme.
La France et le patrimoine, des actions majeures de valorisation et de protection
La gestion du patrimoine français : évolutions d'une politique publique
Dès la Révolution française, les biens ecclésiastiques deviennent des biens nationaux. Une commission est créée pour inventorier et protéger les édifices, posant les bases de la politique patrimoniale.
Sous la monarchie de Juillet (1830-1848) et la IIIe République (1871-1940), le classement, l'inventaire et la restauration se structurent, notamment via les lois de 1887 et 1913. La protection s'élargit progressivement pour inclure des monuments naturels et des éléments immatériels.
Sous la Ve République, la création d'un ministère des Affaires culturelles (Malraux, ministre de la culture de 1959 à 1969) et les lois de restauration (1962, 1964) renforcent le rôle de l'État. Depuis les années 1980, la gestion patrimoniale s'est diversifiée et décentralisée, impliquant les collectivités locales (label Ville ou Pays d'art et d'histoire)et le secteur privé (mécénat, loto Mission Patrimoine), tout en intégrant le patrimoine immatériel.
Un exemple de reconversion du patrimoine avec le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais
Ancien cœur de l'exploitation charbonnière, la région du Nord-Pas-de-Calais a vu ses mines, terrils et corons façonner son identité pendant des siècles, jusqu'au déclin économique dans les années 1960-1970 et son abandon total dans les années 1980.
Reconnu et inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco en 2012, ce patrimoine industriel est reconnu pour son apport culturel et identitaire. Des initiatives locales, portées par les associations d'anciens mineurs et les collectivités, ont transformé ces vestiges pour les valoriser en atouts touristiques et culturels. Le film de Claude Berry, Germinal, d'après le roman de Zola, y a ainsi été tourné en décors « naturels » en 1993.
La reconversion passe par la muséification des friches industrielles (le musée Louvre-Lens, construit sur une ancienne fosse) et en espaces de loisirs. Longtemps associée à des idées négatives de déclin et d'exclusion, la région bénéficie d'une redynamisation économique et d'un renouveau identitaire.
Un exemple de patrimoine immatériel avec le repas gastronomique des Français
Inscrit par l'Unesco en 2010 en tant que patrimoine immatériel, le repas gastronomique français valorise non pas une recette, mais une pratique sociale qui englobe la sélection de produits locaux, la gestuelle, la décoration et la convivialité, reflet d'un art de vivre ancestral.
Cet héritage, sublimé par des chefs de renom (Carême, Bocuse, Ducasse, etc.), témoigne d'une longue tradition culinaire qui a su évoluer tout en préservant ses fondamentaux.
La gastronomie française sert de vecteur de soft power. Des opérations internationales comme « Goût de France/Good France » mobilisent des chefs et des ambassades pour promouvoir la culture française à travers des repas diplomatiques, renforçant ainsi le rayonnement international de la France.