Sommaire
ILes mutations liées à la seconde révolution industrielleAUn nouvel essor industriel dans les années 18701L'industrialisation de la société2De nouvelles sources d'énergieBUne transformation profonde de l'espace1L'essor des villes2Le déclin des campagnesCLes mutations de la population active1La hausse du salariat et le développement des administrations2Le travail des femmes3Le rôle des immigrés et des étrangersIILa modernisation de la sociétéAUne réorganisation de la société1Les nouvelles élites2La naissance de la classe moyenne3L'essor de la classe ouvrièreBL'amélioration du niveau de vie1Un enrichissement global de la population2Une société de consommation et de loisirsIIILa permanence des inégalitésALes conditions de vie des ouvriersBLes conditions de vie des immigrésCL'émancipation relative des femmesLa première industrialisation de la France débute sous le règne de Louis-Philippe et s'accélère sous le Second Empire. À partir de 1873, elle s'arrête brutalement suite à la crise financière qui démarre en Autriche-Hongrie. La croissance reprend ensuite avec la seconde révolution industrielle.
Quels sont les facteurs de continuité et de changement de la société française entre 1870 et le début de la Première Guerre mondiale ?
Les mutations liées à la seconde révolution industrielle
Un nouvel essor industriel dans les années 1870
L'industrialisation de la société
Dans les années 1870, un nouvel essor industriel a lieu et la seconde phase de l'industrialisation commence. La part de la production industrielle dans l'économie atteint son point culminant : la société est transformée.
L'évolution de la productivité en France
L'industrialisation de la société s'explique :
- Par une politique de grands travaux menée par l'État avec le plan Freycinet adopté en 1878. Cette politique a pour objectif de minimiser les effets de la crise financière venue d'Autriche-Hongrie. Le poids de l'État dans l'économie passe ainsi de 10,3 % à 18,9 %.
- Par la modernisation et la concentration de l'industrie française qui entraîne la fin des petits ateliers dispersés au profit des grands bassins industriels très spécialisés.
L'industrialisation touche plusieurs secteurs :
- l'industrie automobile ;
- l'industrie du textile ;
- l'industrie sidérurgique ;
- l'industrie chimique.
L'industrie automobile se développe et la France devient le premier exportateur d'automobiles, notamment grâce aux usines Citroën et Michelin.
De nouvelles sources d'énergie
La découverte de nouvelles sources d'énergie, comme le pétrole et l'électricité, révolutionne les techniques industrielles.
Le charbon et la vapeur restent les sources d'énergie principales, mais l'électricité et le pétrole deviennent les piliers du nouveau dynamisme de l'économie. Elles donnent naissance aux secteurs de l'industrie électrique et de la chimie. Ces énergies sont mises en valeur dans les différentes expositions universelles organisées à la fin du XIXe siècle et surtout celles de Paris en 1889 et 1900.
Photographie du trottoir roulant fonctionnant à l'électricité lors de l'Exposition de 1900 à Paris
© Wikimedia Commons
C'est lors de l'Exposition universelle de 1889 que la tour Eiffel de Gustave Eiffel est présentée.
Une transformation profonde de l'espace
L'essor des villes
Le phénomène de l'urbanisation est ancien, mais la seconde révolution l'accélère. L'activité économique et industrielle se trouve dans les villes. Le taux d'urbanisation en France passe ainsi de 31 % en 1870 à 44 % en 1911.
Cet essor se fait :
- par l'agrandissement de villes anciennes qui se dotent souvent de banlieues ouvrières ;
- par la création de villes entièrement tournées vers l'industrie.
Paris passe de 1 053 000 habitants en 1850 à 2 714 000 en 1900.
Le Creusot est une ville entièrement tournée vers l'industrie. C'est la famille Schneider, et en particulier Henri Schneider, qui en fait un grand centre sidérurgique.
Évolution de la population de la ville du Creusot
D'après C. Devilliers, Le Creusot, naissance et développement d'une ville industrielle, © Champ Vallon, Seyssel, 1977
Le déclin des campagnes
L'essor des villes entraîne un déclin dans les campagnes. Les habitants rejoignent la ville pour y trouver du travail.
Les agriculteurs sont soumis à une forte variation des prix des produits de leur travail et leurs difficultés s'accroissent avec la Grande Dépression des années 1873–1896. Cette crise entraîne un fort exode rural. Les paysans fuient leurs conditions de vie difficiles à la campagne pour devenir ouvriers dans les villes. Certains villages, proches des villes, se vident peu à peu.
On passe de 443 communes rurales de moins de 100 habitants en 1851 à 720 en 1882.
La Paye des moissonneurs, tableau de Léon Lhermitte réalisé en 1882 et conservé au musée d'Orsay
© Wikimedia Commons
La population française reste en majorité rurale tout au long du XIXe siècle et les agriculteurs constituent encore 40 % de la population active à la veille de la Première Guerre mondiale.
Les mutations de la population active
La population active française est passée de 13 millions d'actifs en 1815 à 17 millions d'actifs en 1870 puis à 20 millions en 1911.
La hausse du salariat et le développement des administrations
Cette augmentation de la population active s'explique en partie par la hausse du salariat et le développement des administrations.
- La hausse du salariat : l'activité industrielle entraîne une hausse du salariat. En 1900, 58 % des actifs sont ainsi salariés.
- Le développement de l'administration : il y a de plus en plus d'administrations en France. En 1914, on compte 460 000 fonctionnaires.
Le travail des femmes
L'augmentation de la population active s'explique également par la hausse du travail des femmes. Le taux d'activité des femmes passe de 30 % vers 1850 à 35 % en 1911.
On voit ainsi apparaître la figure de l'ouvrière dans la société française, aux côtés de la paysanne et de la servante. La littérature s'empare de cette « nouveauté » et de nombreux romans mettent en scène des femmes qui travaillent.
Dans L'Assommoir, Émile Zola raconte l'histoire de Gervaise, blanchisseuse à Paris.
De nombreux métiers s'ouvrent aux femmes, notamment dans des secteurs « réservés aux hommes » : les femmes artistes et journalistes sont de plus en plus nombreuses.
L'État adopte une série de mesures ayant pour but de protéger les femmes d'un travail trop difficile.
Les mesures autour du travail des femmes
L'évolution de l'emploi des femmes entre 1836 et 1911
Le rôle des immigrés et des étrangers
En raison du faible dynamisme démographique, la France fait appel à une main-d'œuvre étrangère qui fait partie de la population active.
Les immigrés et les étrangers acceptent un faible salaire et n'ont pas de revendications, ils constituent donc une main-d'œuvre avantageuse. Ils sont surtout d'origine européenne : ce sont des Belges, des Italiens et des Espagnols.
La modernisation de la société
Une réorganisation de la société
Les nouvelles élites
La noblesse continue de peser dans la politique et la haute administration, mais c'est la bourgeoisie qui profite de l'industrialisation. Elle devient la classe sociale dominante à la fin du XIXe siècle.
La bourgeoisie bâtit sa fortune sur l'industrie, le commerce et l'activité bancaire. Elle mène une vie aisée et luxueuse.
Le budget d'une famille de la bourgeoisie (17 000 francs par an)
La naissance de la classe moyenne
Le XIXe siècle voit l'émergence de la classe moyenne.
Le mode de vie de la classe moyenne est fondé sur l'épargne. C'est une classe qui promeut le travail et l'école comme moyen de réussir.
L'appellation « classe moyenne » a progressivement désigné les petits indépendants, la petite-bourgeoisie, ou encore l'atelier et la boutique. Il existe également une petite-bourgeoisie constituée de fonctionnaires et de membres de professions libérales modestes.
Le budget d'une famille de la classe moyenne
L'essor de la classe ouvrière
L'essor de la classe ouvrière est très important. En 1911, on dénombre 4,7 millions d'ouvriers.
Les ouvriers vivent souvent au seuil de la misère à la fin du XIXe siècle, et restent soumis aux aléas de la vie. De plus, ils n'ont aucun espoir de promotion sociale.
Le budget d'une famille ouvrière (2 500 francs par an)
L'amélioration du niveau de vie
Un enrichissement global de la population
On observe un enrichissement global de la population pendant la seconde révolution industrielle. En France, le revenu national double entre 1850 et les années 1920.
Le pouvoir d'achat des ouvriers augmente de 40 % entre 1870 et 1890.
Cet enrichissement provoque une hausse de la consommation, rendue possible par l'augmentation des productions et la baisse des prix, mais également par un engouement pour l'épargne ou l'investissement.
L'évolution du budget d'une famille ouvrière parisienne
D'après les chiffres de J. Singer-Kérel et A. Daumard, Le Coût de la vie à Paris de 1840 à 1954, dans Annales. Économies, sociétés, civilisations, n° 3, 1962
Une société de consommation et de loisirs
Cet enrichissement se manifeste par un changement dans le budget des ménages. La population consomme davantage de produits de luxe et surtout elle souhaite s'amuser.
La part de l'alimentation et du logement diminue dans les dépenses. Le « luxe » fait son apparition dans l'habillement et l'alimentation, quelle que soit la classe sociale.
Surtout, la société de loisirs naît : on sort au théâtre, au cinéma (mis au point en 1895 par les frères Lumière) on va danser aux guinguettes ou on fait du sport.
La bicyclette devient un objet courant avec 1,5 million d'exemplaires vendus en 1890. Les courses cyclistes comme le Paris-Roubaix suscitent un fort engouement populaire.
Affiche de 1901 pour la course Paris – Brest – Paris
© Wikimedia Commons
La permanence des inégalités
La seconde révolution industrielle connaît aussi des crises liées à la surproduction et au manque de débouchés qui entraînent une baisse des prix. La Grande Dépression s'installe à partir de 1873. Les inégalités persistent : les ouvriers et les immigrés vivent pauvrement, les femmes ne sont pas émancipées.
Les conditions de vie des ouvriers
Même si les salaires des ouvriers ne font que croître entre 1850 et 1900, ils ne suffisent pas à les extraire de la misère. Les ouvriers restent soumis à des conditions de vie très difficiles.
Le travail des ouvriers est répétitif, fatiguant et mal payé. Des organisations ouvrières sont formées, elles exigent des améliorations, et plusieurs manifestations et grèves ont lieu. Le 1er mai 1891, des manifestants défilent à Fourmies, une petite ville industrielle du Nord de la France. Ils réclament la journée de 8 heures de travail. Les soldats sont envoyés sur place et tirent sur la foule, faisant 9 morts et une centaine de blessés.
Une du Petit Parisien sur les événements de Fourmies
Les syndicats continuent de se battre et obtiennent des avancées sociales, mais celles-ci restent insuffisantes pour sortir les plus pauvres de la misère.
Les intellectuels s'intéressent à cette classe ouvrière et peignent ses souffrances. C'est le cas dans Les Misérables de Victor Hugo, mais aussi dans les œuvres de Balzac, Sue et Zola.
Les conditions de vie des immigrés
La plupart des immigrés servant de main-d'œuvre vivent dans les mêmes conditions que les ouvriers, mais ils sont en plus victimes de xénophobie.
Les immigrés vivent dans des quartiers souvent à l'écart. Ils continuent à parler leur langue natale. Il sont souvent victimes d'actes xénophobes, notamment dans les périodes de crise.
À Lyon, en 1894, des Italiens sont agressés suite à l'assassinat du président Sadi Carnot par un anarchiste italien.
La mise en place de la législation du droit du sol, en 1889, va peu à peu les intégrer en permettant à leurs enfants de devenir Français.
L'émancipation relative des femmes
Si les femmes peuvent désormais travailler, leur émancipation reste très relative. Elles sont toujours inférieures aux hommes dans les lois et exploitées dans le monde du travail.
Les femmes sont jugées plus faibles que les hommes, raison pour laquelle elles n'ont pas le droit de voter. Dans le mariage, la femme doit obéissance à son mari. C'est lui qui peut travailler et qui contrôle les revenus du ménage, même si la réalité prouve plutôt le contraire.
De nouveaux droits sont accordés petit à petit aux femmes, mais comme les droits accordés aux ouvriers, ils restent limités et ne leur permettent pas de s'émanciper.