Expliquer la construction des mémoires officielles après la guerre Exercice fondamental

De 1954 à 1962 s'est déroulée la guerre d'Algérie, qui a été d'une violence inouïe. Des mémoires officielles ont été construites par les autorités françaises et algériennes dans l'immédiat après-guerre.

Du côté français, le conflit n'a pas été reconnu comme tel, ni au moment où il se déroulait ni dans les temps qui ont suivi. Cela s'explique par le fait que l'Algérie est considérée comme territoire français, et qu'il ne saurait y avoir de guerre sur un même territoire. De plus, le caractère traumatisant de l'expérience pour ceux qui en ont été les acteurs, et la volonté des autorités d'étouffer les exactions commises en font un tabou.
Plutôt que d'évoquer des activités de guerre, on parlait d'"opérations", les manifestations et les attentats étaient des "événements", les représailles militaires étaient des "opérations de maintien de l'ordre". Pourtant, il s'agissait bien d'une guerre. Environ 1,5 million d'appelés et de rappelés du contingent, effectuant leur service militaire, ont été mobilisés. Ils étaient confrontés quotidiennement à la violence.
Dès la fin de la guerre en 1962, les autorités instaurent "l'oubli officiel". La guerre est "ensevelie". Des décrets sont passés pour amnistier les combattants et progressivement tous les crimes de guerre. Les historiens, privés d'archives, peinent à établir les faits.

Du côté algérien, la mémoire est sélective et déformée, au service des héros de l'indépendance. Les Algériens n'étaient pas unis dans cette guerre. Une course meurtrière s'est engagée entre le FLN (Front de libération nationale) et le MNA (Mouvement national algérien) pour contrôler le mouvement indépendantiste. Certains Algériens se sont engagés au service de la France pour des raisons politiques, de subsistance ou encore pour protéger leurs familles contre les représailles de l'armée française. Par exemple, les harkis sont devenus des supplétifs dans l'armée française. Or, en Algérie, on exalte uniquement les héros indépendantistes du FLN, tous les autres acteurs algériens du drame étant laissés dans l'ombre.
Cela s'explique par le fait que la guerre était une guerre d'indépendance. Il s'agit donc d'en célébrer les héros. Elle a par ailleurs été menée par un "front" qui a progressivement pris le pas sur les autres courants politiques. Il en est ressorti une lecture unique de l'histoire où les autres figures du nationalisme algérien ont été effacées de la mémoire officielle. Cette lecture a trouvé d'autant plus d'écho que le FLN est devenu parti unique après le coup d'État d'Houari Boumédiène en 1965.

Il y a eu cependant quelques oppositions aux mémoires officielles, tant du côté français qu'algérien, pour évoquer les exactions commises ou souligner la dureté des violences qu'ont dû endurer les anciens combattants. En France, la mémoire de la guerre d'Algérie réapparaît épisodiquement, suscitant des bouffées mémorielles douloureuses. C'est notamment le cas lors des débats sur l'usage de la torture en Algérie.
Les anciens combattants se réunissent en associations, telle la FNACA (fédération nationale des anciens combattants en Algérie). Les partis et syndicats anticolonialistes (PCF, CGT) militent pour la reconnaissance du conflit. Des monuments aux morts, des plaques commémoratives sont érigés. En Algérie, de même, des associations d'anciens combattants luttent contre la mémoire unique.