Le mouvement pour mesurer le temps
Aristote
Aristote
Physique
IVe siècle avant J.-C.
Dans Physique, Aristote définit sa notion du temps. Il décrit le monde comme étant en devenir, puisque la nature est constamment en mouvement, tout change perpétuellement. Le temps est donc le moteur de la vie. Aristote écrit que le temps est "le nombre du mouvement selon l'avant et l'après". Cela signifie que le temps est ce qui est mesurable entre deux moments dans les changements observables dans la nature.
Pour Aristote, l'homme peut mesurer le changement entre deux instants donnés. Par exemple, il voit le matin qu'une rose a tous ses pétales, et le soir qu'elle n'en a plus aucun. Il y a eu un changement en une journée. Ce changement symbolise le temps qui passe.
Il est intéressant d'examiner les relations de l'âme et du temps, et de se demander pourquoi le temps paraît être présent en tout être, dans la terre, la mer et le ciel. N'est-ce pas parce qu'il est une détermination et une disposition du mouvement, lui qui en est le nombre, et que toutes ces choses sont en mouvement ? Car elles sont toutes en un lieu ; et le temps et le mouvement vont de pair, aussi bien selon la puissance que selon l'acte. Ce qui fait encore problème, c'est de savoir si oui ou non, en l'absence de l'âme, le temps pourrait être. Car s'il est impossible qu'existe un nombrant quelconque, il est du même coup impossible qu'existe un nombrable, pas plus, évidemment qu'un nombre : le nombre est, en effet, soit le nombré, soit le nombrable. Mais si la nature n'accorde qu'à l'âme la faculté de nombrer, et plus précisément à cette partie de l'âme qu'est l'intellect, il est impossible que le temps soit l'âme, sauf quant à son substrat, au sens où l'on dit que le mouvement peut-être sans l'âme. Et l'antériorité et la postériorité se trouvent dans le mouvement, et constituent le temps dans la mesure où elles sont nombrables.
Aristote
Physique, trad. Pierre Pellegrin, Paris, GF Flammarion (1999)
IVe siècle avant J.-C.
Même si seul l'homme semble capable de mesurer le temps, pour Aristote il est indéniable que le temps est une chose concrète, mesurable, un nombre.
La durée
Henri Bergson
Henri Bersgon
Essai sur les données immédiates de la conscience
1889
Dans le chapitre II de son Essai sur les données immédiates de la conscience, Bergson s'intéresse à la distinction entre le temps objectif, c'est-à-dire le temps marqué par les horloges, et le temps subjectif, c'est-à-dire le temps tel qu'il est vécu par la conscience d'un sujet. Ce qu'il met en évidence, c'est que la dimension propre de temporalité appartient à la conscience : le temps mesuré par les horloges ne mesure en réalité que de l'espace parcouru, et seul un sujet conscient peut lier l'espace parcouru par les aiguilles et affirmer que du temps a passé. Ainsi, Bergson découvre que le temps est propre à la conscience. C'est ce temps de la conscience qu'il nomme durée.
La crainte de la mort
Épicure
Épicure
Lettre à Ménécée
IVe siècle avant J.-C.
Pour Epicure dans la Lettre à Ménécée, la crainte de la mort est d'ailleurs l'une des craintes qui empêchent l'homme d'être heureux. Épicure souligne que cette crainte est infondée : la mort n'est pas à craindre car elle ne peut pas nous faire de mal. En effet, soit je suis vivant, et je ne la connais pas, soit je suis mort, alors je ne suis plus, et je ne connais donc pas la mort. Pour Épicure, qui est un philosophe matérialiste et atomiste, la mort n'est rien de plus qu'une dispersion des atomes qui composent un être : il n'y a pas de vie après la mort. Ainsi, puisque je n'existe plus lorsque je suis mort, la mort ne peut me causer de mal : un événement ne peut pas faire de mal à quelqu'un qui n'existe plus.
La mort, n'est rien pour nous : tant que nous existons nous-mêmes, la mort n'est pas ; quand la mort existe, nous ne sommes plus.
Épicure
Lettre à Ménécée, trad. Pierre-Marie Morel, Paris, GF Flammarion (2009)
IVe siècle av. J.-C.
L'angoisse de la mort
Martin Heidegger
Martin Heidegger
Être et Temps
1927
Dans Être et Temps, Heidegger théorise le Dasein, c'est-à-dire "l'être-là". Le Dasein est un concept inventé par le philosophe, qui symbolise l'homme dans ce qu'il a de plus particulier, son existence et la conscience qu'il a de cette existence. Le Dasein, c'est aussi l'homme qui, tout en étant enfermé dans sa solitude, est toujours "au monde", toujours en contact avec les autres et les choses. Pour Heidegger, la conscience que l'homme a de sa propre existence et de sa fin entraîne son angoisse.
L'homme est jeté dans le monde, il est livré à sa mort prochaine. Il se sent abandonné, il vit une certaine solitude morale qui se traduit par l'angoisse. Cette angoisse est une expérience du rien et du nulle part, l'homme angoissé est tenté de penser que l'existence est absurde.
La mort est en tant que fin de la réalité humaine dans l'être de cet existant qui existe pour sa fin.
Martin Heidegger
Être et Temps, (Sein und Zeit), trad. François Vezin, Paris, éd. Gallimard, coll. "Bibliothèque de philosophie" (1990)
1927
Pour vivre de façon authentique, l'homme doit dépasser cette angoisse. Heidegger rappelle que la mort est un événement ordinaire. Elle arrive à tous les hommes, mais tant qu'on vit il ne faut pas s'en soucier. Toutefois, il ne faut pas pour autant ne pas penser à la mort. Refuser d'y penser, c'est refuser l'angoisse qui caractérise l'homme. La mort reste le noyau de la vie. Elle est d'autant plus fondamentale qu'on ne peut pas partager sa propre mort, elle est unique à chaque individu. Toute mort est solitaire, et l'homme ne peut vivre de façon authentique que s'il accepte cette mort et refuse de s'en cacher.
L'inattention des hommes au présent
Pascal
Pascal
Pensées
1669
Dans ses Pensées, Pascal souligne la tendance de l'homme à ne pas vivre le présent. En effet, les pensées des hommes semblent toujours occupées par le passé, ou bien tournées vers l'avenir. Or cette attitude empêche les hommes d'apprécier pleinement le seul temps sur lequel ils peuvent agir, qui est le présent. Dans la perspective du bonheur, il faut donc que l'homme tente de ne pas rechercher le bonheur dans un passé idéalisé, ou dans un futur incertain, mais tâche d'apprendre à vivre le présent.
Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir. Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais.
Pascal
Pensées, publié dans Revue des deux Mondes
1669
Si l'homme entend trouver le bonheur au cours de son existence, il doit donc apprendre à être attentif au présent : seule dimension de son existence sur laquelle il peut agir.