Sommaire
ILa mobilité sociale et sa mesureALes différentes formes de mobilité sociale1Les mobilités géographique, professionnelle et intergénérationnelle2Les différentes trajectoires de mobilité socialeBLes tables de mobilité sociale1Les tables de destinée2Les tables de recrutementCLes limites des tables de mobilitéIILes caractéristiques de la mobilité socialeALa mobilité nette et la fluidité socialeBLa mobilité masculine et la mobilité féminineIIILes déterminants de la mobilité socialeAL'évolution des structures de la société1L'évolution de la structure socioprofessionnelle2Le paradoxe d'AndersonBLe rôle de la famille et de l'école dans la mobilité et la reproduction sociale1L'école et le niveau de formation2Les configurations et ressources familialesLa mobilité sociale est le phénomène de circulation des individus d'une catégorie sociale à une autre. En sociologie, on étudie principalement la mobilité intergénérationnelle, c'est-à-dire la différence de position sociale entre parents et enfants. Pour la mesurer, on utilise des tables de mobilité. La mobilité sociale, différente selon les genres, est due à la fois aux évolutions de la structure socioprofessionnelle (mobilité structurelle) et à la fluidité sociale (égalité des chances). L'école et la famille peuvent être des facteurs de mobilité comme de reproduction sociale.
La mobilité sociale et sa mesure
La mobilité sociale désigne le changement de position sociale des individus au sein d'une société et revêt différentes formes. On analyse principalement la mobilité sociale intergénérationnelle qui permet de rendre compte de la possibilité de changer de position sociale par rapport à celle de ses parents. Les tables de mobilité sont l'outil d'analyse principal de la mobilité sociale : tables de recrutement et tables de destinée.
Les différentes formes de mobilité sociale
Il existe différents types de mobilité, qui amènent à diverses trajectoires (horizontale, verticale ascendante, verticale descendante). En sociologie, on s'intéresse particulièrement au phénomène de mobilité intergénérationnelle, c'est-à-dire à l'évolution de la position sociale d'une personne par rapport à celle de ses parents. L'immobilité sociale est aussi appelée reproduction sociale.
Les mobilités géographique, professionnelle et intergénérationnelle
Dans notre société, les positions sociales ne sont pas figées. Les individus changent de lieu de vie (mobilité géographique), ou de travail (mobilité professionnelle ou intragénérationnelle). Lorsqu'un individu change de statut social par rapport à celui de ses parents, on parle de mobilité intergénérationnelle.
Dans la plupart des sociétés contemporaines, les positions sociales ne sont pas entièrement fixes. Les individus changent de mode de vie, de niveau de vie, de profession ou de lieu de vie selon des trajectoires personnelles.
Cependant, les positions sociales ne sont pas distribuées au hasard. Elles dépendent étroitement de l'origine sociale des personnes. Elles varient aussi en fonction de certains événements qui jalonnent leur existence, en particulier la fréquentation de l'école et l'insertion professionnelle.
On étudie différents types de mobilité des individus. La mobilité géographique désigne le déplacement physique des individus sur un territoire.
Mobilité géographique
La mobilité géographique désigne le changement de lieu de résidence d'un individu.
Lorsqu'un individu change de position sociale, on parle de mobilité sociale.
Mobilité sociale
La mobilité sociale désigne le changement de position sociale d'un individu ou d'un groupe d'individus.
On distingue la mobilité intragénérationnelle et la mobilité intergénérationnelle.
- La mobilité intragénérationnelle désigne la mobilité sociale au cours du parcours d'un individu, lorsqu'il change de profession : on parle aussi de mobilité professionnelle.
- La mobilité intergénérationnelle correspond à la différence de position sociale entre deux individus d'une génération à l'autre.
Mobilité intragénérationnelle (ou professionnelle)
La mobilité intragénérationnelle, ou mobilité professionnelle, est une mobilité sociale en cours de carrière, lorsqu'un individu change de statut socioprofessionnel au cours de son existence d'adulte.
Mobilité intergénérationnelle
La mobilité intergénérationnelle est une mobilité sociale qui se déroule entre deux générations d'un même groupe social. Le statut d'un individu est donc différent du statut de son milieu d'origine. On mesure souvent cette mobilité en comparant le statut professionnel d'un enfant avec celui de ses parents.
Les différentes trajectoires de mobilité sociale
La mobilité sociale peut être horizontale (changement de position sans changement de statut) ou verticale (changement de statut social). On s'intéresse principalement à la mobilité sociale verticale, qui peut être ascendante ou descendante (déclassement). Une situation d'immobilité correspond à la reproduction sociale : lorsque les enfants ont la même position sociale que leurs parents.
Les différents types de mobilité possibles donnent lieu à une typologie établie par les sociologues. En premier lieu, on distingue mobilité verticale et mobilité horizontale.
Mobilité horizontale
La mobilité horizontale correspond à une situation dans laquelle le changement de position sociale ne détermine pas une progression ou une régression décisive dans la hiérarchie sociale.
Dans une usine productrice de vélos, lorsqu'un ouvrier change d'entreprise pour devenir contremaître dans un abattoir, il connaît une mobilité horizontale.
Mobilité verticale
La mobilité verticale correspond à un changement de position dans la structure sociale qui a pour effet une progression ou une régression dans la hiérarchie sociale.
Dans une usine productrice de vélos, lorsqu'un ouvrier devient contremaître (superviseur du travail des autres), il connaît une mobilité verticale (ascendante).
Selon que l'on observe une élévation dans la hiérarchie sociale ou au contraire un déclassement le long de l'échelle sociale, on parle de mobilité sociale verticale ascendante ou descendante.
Un individu dont les parents sont instituteurs et qui devient professeur des universités connaît une mobilité sociale intergénérationnelle ascendante. S'il quitte ensuite son poste pour devenir enseignant dans un collège, il connaît une mobilité intragénérationnelle descendante.
Lorsqu'on observe la mobilité sociale, la plupart du temps on s'intéresse à la verticale. Elle permet de voir les changements de statut social au sein de la société au fil des générations. On observe ainsi si les positions sociales se reproduisent ou non.
On peut rencontrer trois situations :
- La mobilité sociale ascendante correspond à une élévation du niveau social de la personne par rapport à ses parents. On parle aussi d'ascension sociale.
- La mobilité sociale descendante désigne une situation de déclassement : lorsque les enfants ont un statut social moins élevé que leurs parents.
- La reproduction sociale est une situation dans laquelle les enfants occupent la même position sociale que leurs parents.
Une fille dont la mère est médecin et qui devient elle-même médecin connaît une situation de reproduction sociale.
Un fils de cadre qui devient ouvrier est dans une situation de déclassement, ou de mobilité sociale descendante.
Les tables de mobilité sociale
La mobilité sociale intergénérationnelle peut se mesurer à l'aide de tableaux à double entrée que l'on appelle tables de mobilité sociale. Ces tableaux permettent de comparer la PCS d'une personne avec celle de ses parents (on compare souvent le fils et le père). Il en existe 2 principales : les tables de destinée et les tables de recrutement. Elles permettent d'observer des situations de mobilité et de reproduction sociale.
Les tables de destinée
Les tables de destinée permettent de mesurer le devenir social des membres d'un groupe socioprofessionnel donné. Elles permettent de répondre à la question suivante : que deviennent les fils de telle catégorie sociale ? En diagonale, on observe la reproduction sociale.
Les tables de destinée renseignent sur ce que deviennent les fils issus d'un groupe socioprofessionnel donné. Elles sont construites à partir des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). Elles se lisent de la manière suivante : que deviennent 100 fils issus d'une certaine catégorie sociale ?
L'origine est le plus souvent lue en ligne et la destinée en colonne.
Dans une table de destinée, les nombres sur la diagonale représentent le nombre de fils qui ont eu la même destinée que leur père. La proportion d'individus sur la diagonale indique donc le degré de reproduction sociale.
France métropolitaine, hommes âgés de 30 à 59 ans qui travaillent ou ont déjà travaillé à la date de l'enquête.
D'après l'Insee, enquête FQP 2014-2015
Les tables de destinée (comme les tables de recrutement) permettent de montrer la mobilité sociale, verticale ou horizontale. Ainsi, si l'on considère que les PCS ouvriers et employés donnent accès à un statut social similaire, le passage d'une catégorie à l'autre correspond à la mobilité sociale horizontale.
Le passage d'une PCS comme employé ou ouvrier à une PCS comme profession intermédiaire ou cadre est considéré comme une ascension sociale : c'est de la mobilité sociale ascendante.
10 % des fils d'ouvriers sont devenus cadres ou de professions intellectuelles supérieures. 23,1 % sont de professions intermédiaires.
Inversement, lorsqu'un fils de cadre devient ouvrier, on parle de déclassement, ou mobilité sociale descendante.
Dans la table, les données peuvent être inversées : on peut trouver les PCS des fils en lignes et des pères en colonnes. Dans ce cas, la lecture est inversée.
Les tables de recrutement
À l'inverse des tables de destinée, les tables de recrutement permettent de mesurer l'origine sociale d'un groupe socioprofessionnel donné. Elles répondent à la question : quelle est l'origine sociale de telle catégorie sociale ?
Les tables de recrutement renseignent sur la position sociale des pères des individus composant un groupe socioprofessionnel, c'est-à-dire sur l'origine sociale. Elles se lisent de la manière suivant : que faisaient les pères de 100 agriculteurs ?
Dans les tables de recrutement, la lecture se fait par colonne. Les colonnes indiquent la position occupée par les fils, tandis que chaque ligne correspond à ce que faisaient leurs pères. La diagonale répertorie les immobiles, c'est-à-dire ceux qui occupent une position sociale identique à celle de leur père (reproduction sociale).
France métropolitaine, hommes âgés de 30 à 59 ans qui travaillent ou ont déjà travaillé à la date de l'enquête.
D'après l'Insee, enquête FQP 2014-2015
Les limites des tables de mobilité
L'utilisation des tables de mobilité pour mesurer la mobilité sociale présente un certain nombre de limites. Les catégories prises en compte sont les PCS, mais celles-ci sont peu hiérarchisées et peuvent cacher des mouvements internes. Les tables de mobilité ne permettent pas de rendre compte de la mobilité perçue (le ressenti) et ont du mal à représenter la mobilité sociale des femmes.
Les tables de mobilité se basent sur l'appartenance à une PCS, mais ces catégories ont des faiblesses. Il est en effet difficile d'établir une hiérarchie stricte entre les PCS. Pendant longtemps, être employé était plus prestigieux qu'être ouvrier. Aujourd'hui, les distances entre ces catégories sont si réduites qu'il est difficile d'établir si le passage d'ouvrier à employé constitue une légère ascension sociale ou une mobilité sociale horizontale. Il est aussi difficile de situer certaines catégories très hétérogènes comme « artisans, commerçants, chefs d'entreprise ».
Les PCS peuvent ne pas faire apparaître certaines trajectoires de mobilité sociale, car elles cachent les déplacements au sein d'une même catégorie : d'ouvrier non qualifié à ouvrier qualifié par exemple. Le type de contrat de travail n'est pas pris en compte non plus, alors qu'il est un facteur important du statut socioprofessionnel.
Un fils d'ouvrier, dont le père était en contrat à durée indéterminée, qui est lui-même ouvrier, mais par intérim, connaît un déclassement que les tables de mobilité ne permettent pas d'observer.
Les tables ne permettent pas de prendre en compte le ressenti personnel, alors que c'est lui qui donne des indications sur l'égalité perçue. La mobilité subjective dépend ainsi des trajectoires individuelles et familiales, ainsi que du niveau de vie et du statut attachés aux professions.
Les tables de mobilité permettent difficilement de rendre compte de la mobilité sociale des femmes. Jusqu'à une date récente, la plupart des enquêtes de mobilité sociale ne portaient que sur les hommes. En effet, dans les sociétés occidentales d'après-guerre, les femmes sont souvent inactives, ou actives seulement à certaines périodes de leur vie, avec des interruptions lors du mariage ou de la naissance des enfants.
Malgré la forte augmentation de l'emploi féminin, les tables de mobilité sont plus difficiles à interpréter pour les femmes. Ainsi, comparer la profession des femmes à celle de leur mère est difficile, puisqu'une proportion importante des mères n'avait pas d'emploi. Lorsqu'on rapporte la profession des femmes à celle de leur père, les tables de mobilité sont différentes, puisque la structure de l'emploi n'est pas la même pour les femmes et pour les hommes.
Les caractéristiques de la mobilité sociale
À partir de la mobilité observée sur les tables de mobilité, on peut caractériser la mobilité sociale. La mobilité structurelle est due aux changements dans la structure sociale. La fluidité sociale correspond à la facilité avec laquelle un individu peut changer de position sociale, c'est-à-dire à l'égalité des chances. La mobilité des femmes est moins souvent ascendante que celle des hommes par rapport à leur père, du fait de l'inégalité d'accès au marché du travail.
La mobilité nette et la fluidité sociale
La mobilité sociale observée, qui apparaît sur les tables de mobilité, provient de deux phénomènes : la mobilité structurelle, c'est-à-dire le changement de la structure professionnelle, et la fluidité sociale, c'est-à-dire l'ouverture d'une société à la mobilité. La fluidité sociale désigne les probabilités pour un individu d'atteindre diverses positions sociales, indépendamment de son origine sociale.
La mobilité observée, ou mobilité totale, est la mobilité d'une société telle qu'on peut la voir dans les tables de mobilité.
Mobilité observée
La mobilité observée est la mobilité totale d'une société, elle correspond à l'ensemble des changements de positions sociales mis en évidence par les tables de mobilité.
Une partie de la mobilité observée provient des changements de la structure professionnelle. C'est la mobilité structurelle.
Mobilité structurelle
La mobilité structurelle est la mobilité qui s'explique par les modifications de la structure socioprofessionnelle de la société.
Le phénomène de tertiarisation de l'économie provoque une diminution du nombre d'agriculteurs et d'ouvriers. Ainsi, d'une génération à l'autre, il y a de moins en moins d'emplois dans l'agriculture, et structurellement, de nombreux fils d'agriculteurs sont poussés à changer de métier.
La mobilité structurelle n'est pas liée à la volonté des individus, mais aux changements dans la structure de l'économie et des emplois.
Afin de mesurer la possibilité pour les individus de changer de position sociale, on s'intéresse à la fluidité sociale. La fluidité sociale est la facilité avec laquelle les individus peuvent changer de milieu social, indépendamment des changements de structures. Elle permet de mesurer l'égalité (ou l'inégalité) des chances d'accéder à une position.
Fluidité sociale
La fluidité sociale représente la force du lien entre origine et position sociale, indépendamment de l'évolution de la structure socioprofessionnelle. Elle mesure la probabilité pour un groupe social d'accéder à une position sociale, par rapport à un autre groupe social.
Une société parfaitement fluide est une société où la position sociale des individus n'est pas déterminée par leur origine sociale. Il s'agit d'une société où tous les individus ont la même probabilité d'atteindre les diverses positions sociales, indépendamment de leur origine. Plus une société est fluide et moins les positions socioprofessionnelles sont héréditaires.
Afin de mesurer la fluidité sociale, on utilise des odds ratios, c'est-à-dire des rapports de chances relatives.
En 2003, un fils de cadre avait 29 fois plus de chances qu'un fils d'ouvrier d'être cadre plutôt qu'ouvrier.
La mobilité sociale observée et la fluidité sociale ne sont pas toujours liées. Une société très mobile peut être très peu fluide si l'essentiel de la mobilité s'explique par la mobilité structurelle.
La mobilité sociale est un enjeu politique. La fluidité sociale correspond ainsi au principe d'égalité des chances. Cependant, une société parfaitement fluide ne signifie pas une égalité entre tous les citoyens : même si les chances d'accéder aux positions sont les mêmes pour tous, cela ne signifie pas que ces positions sont égales.
La mobilité masculine et la mobilité féminine
La mobilité sociale n'est pas la même pour les femmes et pour les hommes. Les hommes connaissent plutôt des trajectoires de mobilité verticale ascendante courtes, tandis que le sentiment de déclassement se développe. Les femmes, qui ont moins accès aux emplois supérieurs sur le marché du travail, ont une mobilité sociale moins ascendante que les hommes par rapport à leur père, voire descendante. Par rapport à leurs mères, qui étaient souvent peu qualifiées ou inactives, les femmes connaissent une forte ascension sociale.
La mobilité verticale masculine est majoritairement ascendante. L'ascension sociale reste cependant à une distance assez réduite.
Une mobilité verticale ascendante des employés et ouvriers non qualifiés aux employés et ouvriers qualifiés est assez courante.
Le déclassement masculin est en hausse mais reste une situation minoritaire. Le sentiment de déclassement est en forte hausse et touche près d'un quart des hommes.
Les femmes connaissent une mobilité sociale ascendante forte par rapport à leur mère. Elle est même plus ascendante que celle des hommes par rapport à leur père, car l'accès des femmes au marché du travail a augmenté plus récemment. Les mères étaient moins présentes sur le marché du travail et occupaient des emplois peu qualifiés.
Lorsqu'on rapporte la PCS des filles par rapport à leur père, la mobilité sociale est différente.
Les tables de mobilité des filles par rapport à leur père font apparaître plus de mobilité descendante que pour les fils, car le marché de l'emploi féminin est moins ouvert aux emplois supérieurs.
Par rapport aux hommes, les femmes occupent un emploi plus souvent peu qualifié (employées ou ouvrières), et moins souvent un emploi de cadre. L'écart selon le genre se réduit progressivement mais reste important.
Les femmes connaissent un sentiment de déclassement plus élevé que les hommes par rapport à leur père, dû aux inégalités de genre sur le marché du travail.
On lit que 34 % des femmes dont le père appartient à la PCS « cadres ou professions intellectuelles supérieures » appartiennent aussi à cette catégorie, contre 47 % pour les hommes.
Les déterminants de la mobilité sociale
La mobilité sociale dépend de plusieurs facteurs. L'évolution de la structure socioprofessionnelle explique la mobilité structurelle. Les configurations familiales déterminent en partie les trajectoires des individus, tandis que l'école et le niveau de diplôme sont un facteur d'ascension sociale pour les catégories les moins favorisées. Cependant, le système scolaire contribue aussi à la reproduction sociale, tandis que la massification de l'enseignement a mené à la dévalorisation des diplômes.
L'évolution des structures de la société
L'un des déterminants majeurs de la mobilité sociale des individus est l'évolution des structures de la société dans laquelle ils vivent. La modification de la structure socioprofessionnelle détermine la mobilité structurelle. La massification scolaire peut aboutir à un paradoxe entre niveau de diplôme et trajectoire sociale : c'est le paradoxe d'Anderson.
L'évolution de la structure socioprofessionnelle
Une partie de la mobilité sociale s'explique non pas par des comportements individuels mais par l'évolution de l'économie et la répartition des professions.
L'évolution de la structure socioprofessionnelle renvoie à la mobilité structurelle. Les structures de production évoluent, ce qui fait nécessairement évoluer la structure sociale.
La diminution du groupe ouvrier découle de la diminution de l'industrie dans le paysage productif français et de la tertiarisation, qui favorise en retour le groupe des employés, des professions intermédiaires et des cadres.
Cette mobilité s'explique donc par les impératifs liés à l'évolution de la structure productive et non pas par des stratégies des individus qui voudraient changer de catégorie.
Alors que l'évolution de la structure socioprofessionnelle a favorisé une mobilité structurelle ascendante, le ralentissement de la création des postes qualifiés (professions intermédiaires et cadres) freine la mobilité sociale.
Le paradoxe d'Anderson
Du fait de l'évolution de la structure de l'économie et des diplômes, un paradoxe concernant la relation entre niveau de diplôme et emploi peut s'observer. C'est le « paradoxe d'Anderson » : un diplôme supérieur à celui de ses parents ne garantit pas nécessairement une position sociale supérieure.
Dans les sociétés modernes, le diplôme est un facteur-clé de l'accès à l'emploi. Cependant, les générations nées dans les années 1960 et après ont connu la massification scolaire. Le nombre de diplômés a augmenté plus rapidement que le nombre d'emplois auxquels ils donnaient accès dans les catégories supérieures (cadres et professions intellectuelles supérieures notamment).
Des diplômés de l'enseignement supérieur ont donc dû trouver des emplois qui demandaient un niveau de diplôme moins élevé que celui qu'ils avaient, en devenant par exemple employés. Ils ont donc pu avoir une position sociale identique à celle de leurs parents, alors même qu'ils avaient obtenu des diplômes de niveau supérieur. C'est le paradoxe d'Anderson.
Paradoxe d'Anderson
Le paradoxe d'Anderson énonce que pour un individu, l'acquisition d'un diplôme supérieur à celui de son père ne garantit pas une position sociale supérieure. Un individu peut obtenir un diplôme plus élevé que celui de son père et aboutir à une position sociale inférieure.
Le paradoxe d'Anderson invite à s'intéresser à la fois à la structure des emplois et à celle des diplômes pour comprendre les évolutions de la mobilité sociale.
Le rôle de la famille et de l'école dans la mobilité et la reproduction sociale
La famille et l'école jouent un rôle primordial dans la mobilité sociale. Bien que l'école soit censée offrir les mêmes chances de réussite sociale à tous les individus, on observe un phénomène de reproduction scolaire qui est accentué par le rôle que joue la famille dans la transmission de savoirs et de valeurs.
L'école et le niveau de formation
L'école est un facteur déterminant de la mobilité sociale. Un niveau de diplôme élevé donne généralement accès à une position sociale élevée : le diplôme est donc un facteur de mobilité ascendante pour les enfants de parents peu qualifiés. Cependant, les chances de réussites scolaires sont inégalement réparties entre les individus en fonction de leur milieu social. De plus, à diplôme équivalent, la position sociale est différente selon l'origine sociale.
Il y a généralement un lien entre niveau de diplôme et position sociale. Cela fait du diplôme un instrument de mobilité sociale ascendante pour les enfants de parents peu qualifiés. Pour les enfants de parents qualifiés, le diplôme est souvent nécessaire contre le déclassement (mais pas toujours suffisant, comme le montre le paradoxe d'Anderson).
L'accès à l'éducation est censé assurer la fluidité de la société et l'égalité des chances. L'école est en effet vue comme le lieu où tous les individus peuvent avoir accès aux mêmes apprentissages et aux mêmes ressources, ce qui devrait permettre à tous d'avoir la même probabilité d'occuper les diverses positions sociales, quelle que soit l'origine des individus.
Pourtant, l'école ne réussit pas à empêcher la reproduction des positions sociales. Selon les sociologues, c'est dû à la fois à une différence de résultats scolaires selon le milieu d'origine et à une différence de choix d'orientation scolaire qui fait que les enfants des milieux favorisés choisissent des filières plus prestigieuses.
L'école contribue donc aussi à la reproduction sociale : on parle alors de « reproduction scolaire ».
De plus, pour un même niveau de diplôme, la position sociale de deux individus sera différente selon leur origine sociale, ce qui marque l'importance de la famille et du milieu d'origine.
Les configurations et ressources familiales
Le milieu social d'origine des individus, et en premier lieu la famille, a une forte influence sur leur trajectoire sociale. Les configurations familiales influencent la mobilité sociale. Les ressources économiques, sociales et culturelles des familles interviennent fortement dans la réussite scolaire et la mobilité des individus.
Les configurations familiales ont une influence sur la mobilité sociale.
De manière générale, plus le nombre de frères et sœurs est élevé, plus on constate de l'immobilité sociale.
Les différentes compositions familiales ont aussi un impact sur la réussite scolaire des enfants, et ainsi sur leur position sociale.
Les ressources familiales sont aussi un déterminant-clé de la mobilité sociale. La possession de ressources économiques (notamment nécessaires au financement des études), sociales (comme des contacts professionnels) ou culturelles (qui interviennent dans la réussite scolaire) influence la réussite scolaire et professionnelle des enfants. Par la transmission de ces ressources, la famille peut largement favoriser la reproduction sociale.
Pour le sociologue Pierre Bourdieu, la famille est une institution reproductrice dans la société, car en transmettant des capitaux différents, elle contribue au maintien des statuts existants. Cela passe notamment par l'école, car le capital culturel transmis par les parents à leurs enfants explique en grande partie la réussite à l'école.