Les phases de la crise
Charles Kindleberger
Charles Kindleberger (1910 - 2003) est un économiste et historien américain. Il met en évidence l'existence de cycles dans la sphère financière en s'appuyant sur l'étude des grandes crises de l'histoire. Selon lui, un cycle financier se décompose en cinq phases :
- L'essor : avant la crise, l'économie est en situation de croissance économique. Cette croissance engendre une expansion du crédit (les investissements sont rentables, et l'argent gagné est réinvesti), et la conjoncture optimiste favorise la hausse du prix des actifs (les agents ont confiance dans la continuation de la croissance).
- L'euphorie : dans une phase préparatoire au retournement de la crise, le prix des actifs augmente fortement, en déconnexion avec la valeur fondamentale de ces actifs. Cela est rendu possible par une hausse des crédits, qui suivent la hausse du prix des actifs. Il s'agit de bulles spéculatives, symptomatiques d'un emballement du système de crédit. Au cours de ce processus, les risques sont sous-évalués, ce qui fragilise la sphère financière.
- Le paroxysme et le retournement : il s'agit du début de la crise proprement dite. Brusquement, les anticipations des agents se renversent, et ils cessent de croire que les prix et la production continueront d'augmenter. Cela peut faire suite à un choc externe (une baisse des prix sur un segment du marché à cause d'un événement extérieur au marché, par exemple).
- Le reflux et l'instauration du pessimisme : suite au retournement de conjoncture, les agent cherchent à vendre leurs actifs et se débarrasser de leurs stocks de production rapidement, ce qui provoque une chute brutale des prix. Cette chute diminue le revenu des agents, qui deviennent pessimistes, et anticipent une baisse continue des cours.
- La déflation de la dette et la restructuration des bilans : les agents voient leurs revenus et leurs liquidités diminuer. Pour compenser cette diminution, ils cherchent à vendre leurs actifs, ce qui diminue encore les cours. Une baisse auto-entretenue du prix des actifs se met ainsi en place, en même temps qu'une disparition de la liquidité, car les agents, devenus méfiants, refusent de se prêter les uns aux autres ("credit crunch"). L'ensemble des marchés est touché, de même que la sphère réelle, car la consommation, la production et l'investissement diminuent. L'intervention publique devient nécessaire, en tant que prêteur en dernier ressort pour réinjecter des liquidités sur les marchés financiers, et avec une relance budgétaire pour relancer croissance, production et investissement.