Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Germinal
Émile Zola
1885
« Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d'une obscurité et d'une épaisseur d'encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. Devant lui, il ne voyait même pas le sol noir, et il n'avait la sensation de l'immense horizon plat que par les souffles du vent de mars, des rafales larges comme sur une mer, glacées d'avoir balayé des lieues de marais et de terres nues. Aucune ombre d'arbre ne tachait le ciel, le pavé se déroulait avec la rectitude d'une jetée, au milieu de l'embrun aveuglant des ténèbres. […]
Un chemin creux s'enfonçait. Tout disparut. L'homme avait à sa droite une palissade, quelque mur de grosses planches fermant une voie ferrée ; tandis qu'un talus d'herbe s'élevait à gauche, surmonté de pignons confus, d'une vision de village aux toitures basses et uniformes. Il fit environ deux cents pas. Brusquement, à un coude du chemin, les feux reparurent près de lui, sans qu'il comprit davantage comment ils brûlaient si haut dans le ciel mort, pareils à des lunes fumeuses. Mais, au ras du sol, un autre spectacle venait de l'arrêter. C'était une masse lourde, un tas écrasé de constructions, d'où se dressait la silhouette d'une cheminée d'usine ; de rares lueurs sortaient des fenêtres encrassées, cinq ou six lanternes tristes étaient pendues dehors, à des charpentes dont les bois noircis alignaient vaguement des profils de tréteaux gigantesques ; et, de cette apparition fantastique, noyée de nuit et de fumée, une seule voix montait, la respiration grosse et longue d'un échappement de vapeur, qu'on ne voyait point.
Alors, l'homme reconnut une fosse. »
Quel est le registre dominant dans ce texte ?
Le registre réaliste est dominant dans ce texte. Le registre réaliste concerne les récits qui présentent des situations, des personnages, ou des lieux comme s'ils pouvaient avoir réellement existés. Le paysage décrit correspond tout à fait aux paysages miniers du Nord de la France. De plus, le toponyme employé « la grande route de Marchiennes à Montsou » renforce l'impression de réalité.
À quelle saison le récit se déroule-t-il ?
Le récit se déroule en hiver : « les souffles du vent de mars », « rafales larges [...] glacées », « terres nues ».
Où l'histoire se déroule-t-elle ?
L'histoire se déroule dans le Nord de la France. La ville de Marchiennes est une ville qui existe réellement et qui se situe dans le Nord-Pas-de-Calais. De plus, les « champs de betteraves » et « l'immense horizon plat » sont typiques du Nord de la France.
Quel type de paysage est décrit dans le texte ?
C'est un paysage de type industriel qui est décrit et plus précisément un paysage minier. On retrouve le vocabulaire de l'usine « palissade »,« voie ferrée », « pignons confus », « les feux », « un tas écrasé de constructions », « silhouette d'une cheminée d'usine », « fenêtres encrassées », « échappement de vapeur ».
Quelle figure de style est utilisée dans l'extrait suivant ?
« au milieu de l'embrun aveuglant des ténèbres »
Il s'agit d'une antithèse. L'antithèse consiste à rapprocher, dans le même énoncé, deux termes, opposés pour créer un effet de contraste. Dans cet extrait, l'antithèse oppose « aveuglant » et « ténèbres ». Ici, ce n'est pas un oxymore car les deux mots ne sont pas consécutifs, ils sont séparés par « des ». L'antithèse souligne dans ce membre de phrase la très grande noirceur qui règne cette nuit-là.
Quelle figure de style est utilisée dans les deux extraits suivants ?
« cinq ou six lanternes tristes étaient pendues dehors »
« la respiration grosse et longue d'un échappement de vapeur »
Il s'agit d'une personnification. La personnification consiste à donner à un objet, à un animal ou à une idée des caractéristiques humaines. Les lanternes sont « tristes » et ressemblent à des pendus. La vapeur semble humaine à cause de sa « respiration ». Cela confère un aspect inquiétant au paysage.
Quelle image est donnée du paysage ?
C'est une image angoissante qui est donnée du paysage. Ce paysage est lugubre et étouffant. Le personnage est entouré par la noirceur. Les feux qu'il finit par apercevoir sont plus menaçants que rassurants : « ils brûlaient si haut dans le ciel mort, pareils à des lunes fumeuses ». Les métaphores et les personnifications présentes dans le texte contribuent à créer cette image angoissante.
Quelle image est donnée de l'homme qui marche ?
L'image de l'homme qui marche est celle d'un homme faible. Le marcheur semble bien faible et fragile face à cette nature hostile qui l'entoure : la noirceur, le froid. Totalement écrasé par le paysage minier qui se dessine (« village aux toitures basses et uniformes », « C'était une masse lourde, un tas écrasé de constructions »), le personnage semble suivre le chemin que le vent lui montre.
De quel registre la fin du texte se rapproche-t-elle ?
La fin du texte se rapproche du registre fantastique. Le registre fantastique a pour but de provoquer l'inquiétude du lecteur. Le lecteur doit hésiter entre une explication rationnelle et une explication surnaturelle des faits. Ce n'est pas le cas ici. L'atmosphère semble pourtant fantastique, surnaturelle et provoque une certaine angoisse chez le lecteur. Les personnifications donnent cette impression, ainsi que le champ lexical de la mort (« pendues », « apparition fantastique », « noyée », « fosse »).
Quelle représentation est donnée de la nature ?
Il s'agit de représenter une nature hostile. Tout le paysage qui entoure le personnage n'est que noirceur : « la nuit sans étoiles, d'une obscurité et d'une épaisseur d'encre », « il ne voyait même pas le sol noir », « ténèbres ». Le paysage que traverse le narrateur est inhospitalier (« plaine rase », « sol noir », « des lieues de marais et de terres nues »). La météo est, elle aussi, hostile (« rafales larges [...] glacées »).
Quelle relation de l'homme à la nature est mise en avant dans ce texte ?
La relation de l'homme à la nature mise en avant dans ce texte est une relation destructrice : l'homme exploite la nature. Au XIXe siècle, les révolutions industrielles transforment profondément les pays occidentaux. De nombreux écrivains décrivent les conséquences de ces révolutions sur l'environnement dont Émile Zola. Germinal est un roman sur le travail des mineurs. Le livre s'ouvre sur ce paysage désolé : la campagne a été totalement transformée par la construction des usines, ici liées aux mines. La nature a dû céder sa place à cet environnement industriel qui fait d'elle un lieu sombre, noir à cause de la fumée incessante des mines. Toute vie s'éteint dans ce « ciel mort » et ne subsiste qu'un seul « talus d'herbe ».