Polynésie, 2014, voie L
À l'occasion de la réédition de Paul et Virginie, un critique littéraire propose une analyse moqueuse du paradis décrit par Bernardin de Saint-Pierre et lui oppose un jardin d'Éden plus conforme aux aspirations du XXIe siècle. Vous rédigerez cet article en un minimum de cinquante lignes.
Texte B : Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie
1788
Visitant la montagne qui s'élève derrière le Port-Louis de l'Île-de-France (l'actuelle île Maurice), le narrateur y remarque les ruines de deux petites cabanes. Un vieil habitant lui raconte alors l'histoire de leurs anciens habitants, Mme de La Tour et Marguerite, deux mères infortunées devenues de grandes amies, qui ont élevé sur cette terre paradisiaque leurs enfants, Virginie et Paul. Cette petite colonie cultivait alors ses terres dans la plus grande harmonie.
Du haut de l'escarpement de la montagne pendaient des lianes semblables à des draperies flottantes, qui formaient sur les flancs des rochers de grandes courtines1 de verdure. Les oiseaux de mer, attirés par ces retraites paisibles, y venaient passer la nuit. Au coucher du soleil, on y voyait voler le long des rivages la mer le corbigeau et l'alouette marine, et au haut des airs la noire frégate, avec l'oiseau blanc du tropique, qui abandonnaient, ainsi que l'astre du jour, les solitudes de l'océan indien. Virginie aimait à se reposer sur les bords de cette fontaine, décorée d'une pompe2 à la fois magnifique et sauvage. Souvent elle y venait laver le linge de la famille à l'ombre des deux cocotiers. Quelquefois elle y menait paître ses chèvres. Pendant qu'elle préparait des fromages avec leur lait, elle se plaisait à leur voir brouter des capillaires3 sur les flancs escarpés de la roche, et se tenir en l'air sur une de ses corniches comme sur un piédestal. Paul, voyant que ce lieu était aimé de Virginie, y apporta de la forêt voisine des nids de toute sorte d'oiseaux. Les pères et les mères de ces oiseaux suivirent leurs petits, et vinrent s'établir dans cette nouvelle colonie. Virginie leur distribuait de temps en temps des grains de riz, de maïs et de millet : dès qu'elle paraissait, les merles siffleurs, les bengalis, dont le ramage est si doux, les cardinaux, dont le plumage est couleur de feu, quittaient leurs boissons ; des perruches vertes comme des émeraudes descendaient des lataniers4 voisins ; des perdrix accouraient sous l'herbe : tous s'avançaient pêle-mêle jusqu'à ses pieds comme des poules. Paul et elle s'amusaient avec transport de leurs jeux, de leurs appétits, et de leurs amours.
Aimables enfants, vous passiez ainsi dans l'innocence vos premiers jours en vous exerçant aux bienfaits !
1 Courtines : rideaux
2 Pompe : riche décoration
3 Capillaires : fougères ressemblant à des cheveux
4 Lataniers : palmiers
Qu'est-ce qu'une parodie ?
Que devez-vous faire ?
Texte B : Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie
1788
Visitant la montagne qui s'élève derrière le Port-Louis de l'Île-de-France (l'actuelle île Maurice), le narrateur y remarque les ruines de deux petites cabanes. Un vieil habitant lui raconte alors l'histoire de leurs anciens habitants, Mme de La Tour et Marguerite, deux mères infortunées devenues de grandes amies, qui ont élevé sur cette terre paradisiaque leurs enfants, Virginie et Paul. Cette petite colonie cultivait alors ses terres dans la plus grande harmonie.
Du haut de l'escarpement de la montagne pendaient des lianes semblables à des draperies flottantes, qui formaient sur les flancs des rochers de grandes courtines1 de verdure. Les oiseaux de mer, attirés par ces retraites paisibles, y venaient passer la nuit. Au coucher du soleil, on y voyait voler le long des rivages la mer le corbigeau et l'alouette marine, et au haut des airs la noire frégate, avec l'oiseau blanc du tropique, qui abandonnaient, ainsi que l'astre du jour, les solitudes de l'océan indien. Virginie aimait à se reposer sur les bords de cette fontaine, décorée d'une pompe2 à la fois magnifique et sauvage. Souvent elle y venait laver le linge de la famille à l'ombre des deux cocotiers. Quelquefois elle y menait paître ses chèvres. Pendant qu'elle préparait des fromages avec leur lait, elle se plaisait à leur voir brouter des capillaires3 sur les flancs escarpés de la roche, et se tenir en l'air sur une de ses corniches comme sur un piédestal. Paul, voyant que ce lieu était aimé de Virginie, y apporta de la forêt voisine des nids de toute sorte d'oiseaux. Les pères et les mères de ces oiseaux suivirent leurs petits, et vinrent s'établir dans cette nouvelle colonie. Virginie leur distribuait de temps en temps des grains de riz, de maïs et de millet : dès qu'elle paraissait, les merles siffleurs, les bengalis, dont le ramage est si doux, les cardinaux, dont le plumage est couleur de feu, quittaient leurs boissons ; des perruches vertes comme des émeraudes descendaient des lataniers4 voisins ; des perdrix accouraient sous l'herbe : tous s'avançaient pêle-mêle jusqu'à ses pieds comme des poules. Paul et elle s'amusaient avec transport de leurs jeux, de leurs appétits, et de leurs amours.
Aimables enfants, vous passiez ainsi dans l'innocence vos premiers jours en vous exerçant aux bienfaits !
1 Courtines : rideaux
2 Pompe : riche décoration
3 Capillaires : fougères ressemblant à des cheveux
4 Lataniers : palmiers
De quel point de vue le texte doit-il être écrit ?
Texte B : Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie
1788
Visitant la montagne qui s'élève derrière le Port-Louis de l'Île-de-France (l'actuelle île Maurice), le narrateur y remarque les ruines de deux petites cabanes. Un vieil habitant lui raconte alors l'histoire de leurs anciens habitants, Mme de La Tour et Marguerite, deux mères infortunées devenues de grandes amies, qui ont élevé sur cette terre paradisiaque leurs enfants, Virginie et Paul. Cette petite colonie cultivait alors ses terres dans la plus grande harmonie.
Du haut de l'escarpement de la montagne pendaient des lianes semblables à des draperies flottantes, qui formaient sur les flancs des rochers de grandes courtines1 de verdure. Les oiseaux de mer, attirés par ces retraites paisibles, y venaient passer la nuit. Au coucher du soleil, on y voyait voler le long des rivages la mer le corbigeau et l'alouette marine, et au haut des airs la noire frégate, avec l'oiseau blanc du tropique, qui abandonnaient, ainsi que l'astre du jour, les solitudes de l'océan indien. Virginie aimait à se reposer sur les bords de cette fontaine, décorée d'une pompe2 à la fois magnifique et sauvage. Souvent elle y venait laver le linge de la famille à l'ombre des deux cocotiers. Quelquefois elle y menait paître ses chèvres. Pendant qu'elle préparait des fromages avec leur lait, elle se plaisait à leur voir brouter des capillaires3 sur les flancs escarpés de la roche, et se tenir en l'air sur une de ses corniches comme sur un piédestal. Paul, voyant que ce lieu était aimé de Virginie, y apporta de la forêt voisine des nids de toute sorte d'oiseaux. Les pères et les mères de ces oiseaux suivirent leurs petits, et vinrent s'établir dans cette nouvelle colonie. Virginie leur distribuait de temps en temps des grains de riz, de maïs et de millet : dès qu'elle paraissait, les merles siffleurs, les bengalis, dont le ramage est si doux, les cardinaux, dont le plumage est couleur de feu, quittaient leurs boissons ; des perruches vertes comme des émeraudes descendaient des lataniers4 voisins ; des perdrix accouraient sous l'herbe : tous s'avançaient pêle-mêle jusqu'à ses pieds comme des poules. Paul et elle s'amusaient avec transport de leurs jeux, de leurs appétits, et de leurs amours.
Aimables enfants, vous passiez ainsi dans l'innocence vos premiers jours en vous exerçant aux bienfaits !
1 Courtines : rideaux
2 Pompe : riche décoration
3 Capillaires : fougères ressemblant à des cheveux
4 Lataniers : palmiers
Quel type de texte devez-vous rédiger ?
Texte B : Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie
1788
Visitant la montagne qui s'élève derrière le Port-Louis de l'Île-de-France (l'actuelle île Maurice), le narrateur y remarque les ruines de deux petites cabanes. Un vieil habitant lui raconte alors l'histoire de leurs anciens habitants, Mme de La Tour et Marguerite, deux mères infortunées devenues de grandes amies, qui ont élevé sur cette terre paradisiaque leurs enfants, Virginie et Paul. Cette petite colonie cultivait alors ses terres dans la plus grande harmonie.
Du haut de l'escarpement de la montagne pendaient des lianes semblables à des draperies flottantes, qui formaient sur les flancs des rochers de grandes courtines1 de verdure. Les oiseaux de mer, attirés par ces retraites paisibles, y venaient passer la nuit. Au coucher du soleil, on y voyait voler le long des rivages la mer le corbigeau et l'alouette marine, et au haut des airs la noire frégate, avec l'oiseau blanc du tropique, qui abandonnaient, ainsi que l'astre du jour, les solitudes de l'océan indien. Virginie aimait à se reposer sur les bords de cette fontaine, décorée d'une pompe2 à la fois magnifique et sauvage. Souvent elle y venait laver le linge de la famille à l'ombre des deux cocotiers. Quelquefois elle y menait paître ses chèvres. Pendant qu'elle préparait des fromages avec leur lait, elle se plaisait à leur voir brouter des capillaires3 sur les flancs escarpés de la roche, et se tenir en l'air sur une de ses corniches comme sur un piédestal. Paul, voyant que ce lieu était aimé de Virginie, y apporta de la forêt voisine des nids de toute sorte d'oiseaux. Les pères et les mères de ces oiseaux suivirent leurs petits, et vinrent s'établir dans cette nouvelle colonie. Virginie leur distribuait de temps en temps des grains de riz, de maïs et de millet : dès qu'elle paraissait, les merles siffleurs, les bengalis, dont le ramage est si doux, les cardinaux, dont le plumage est couleur de feu, quittaient leurs boissons ; des perruches vertes comme des émeraudes descendaient des lataniers4 voisins ; des perdrix accouraient sous l'herbe : tous s'avançaient pêle-mêle jusqu'à ses pieds comme des poules. Paul et elle s'amusaient avec transport de leurs jeux, de leurs appétits, et de leurs amours.
Aimables enfants, vous passiez ainsi dans l'innocence vos premiers jours en vous exerçant aux bienfaits !
1 Courtines : rideaux
2 Pompe : riche décoration
3 Capillaires : fougères ressemblant à des cheveux
4 Lataniers : palmiers
- Ce sujet n'est pas évident, il y a une double consigne. On doit écrire comme si on était un critique littéraire. On doit se moquer du paradis tel que le décrit Bernardin de Saint-Pierre. On attend donc une parodie de la vision de l'auteur. Par ailleurs, il faut aussi décrire le paradis tel que le critique l'imagine pour le XXIe siècle. Il faut donc bien répondre à ces deux impératifs.
- Il faut pouvoir tourner en dérision le texte de Bernardin de Saint-Pierre. Il s'agit donc d'une sorte de réécriture parodique du texte. On peut reprendre les images et les tourner en dérision. Trouver le style démodé, dépassé, etc.
- Il faut imaginer une description du paradis du XXIe siècle. Il est important que cette description s'oppose à celle de Bernardin de Saint-Pierre. Quel est le paradis pour un homme d'aujourd'hui ? En quoi la vision de l'auteur est-elle dépassée, ridicule ?
- C'est un article publié dans le journal. On attend une adresse au lecteur.
- Il ne faut pas oublier le contexte, une nouvelle édition de Paul et Virginie vient de sortir.
- Le langage doit être soutenu.
Ah ! Paul et Virginie ! Une nouvelle édition vient de paraître chez les Éditions Renouveau. Quel renouveau, justement ! Comme le texte est moderne ! Comme c'est essentiel aujourd'hui de relire cette œuvre ! Comme nous avons besoin de redécouvrir tant de mièvrerie, tant de longueurs pour dire la langueur, tant de niaiseries pour défendre la nature, l'importance de rester en contact avec elle, et l'amour, ah ! oui, l'amour...
Non, soyons sérieux lecteur. Le roman a ses qualités, mais tout de même, il est fort dépassé. Prenons pour exemple le passage où Bernardin de Saint-Pierre se lance dans une description du jardin paradisiaque dans lequel évoluent les deux amants. C'est tellement affecté ! Des lianes, cher lecteur, il y a des lianes "semblables à des draperies flottantes"! Voyez-vous cela ! Des lianes qui deviennent de précieux draps ! Rien ne nous est épargné, il faut aussi que les oiseaux peuplent ce jardin, et ils vivent tous en harmonie, bien sûr ! On trouve un beau coucher de soleil, bien rouge et doré, et parce que l'auteur se fait romantique avant l'heure, on nous parle de la solitude, du silence... Ah, être en contact avec les profondeurs de son âme, souffrir de sa condition d'être humain ! Voilà qui est neuf ! Voilà qui est original ! Virginie est une âme si douce d'ailleurs qu'elle trouve charmante une petite fontaine "magnifique et sauvage". Oui, voyez-vous, la fontaine est parfaitement décorée par l'homme, mais fort sauvage tout de même ! L'antithèse peuple cette description où l'Éden devient un tranquille coin de terre bien maîtrisé par les mains humaines. Les lianes n'étant pas suffisantes pour marquer le caractère exotique, voilà qu'on nous ajoute des cocotiers. Oui, des lianes, des cocotiers, mais avec une petite fontaine, quelque chose d'antique peut-être aussi, là, dans le coin. Pourquoi pas ! Dans ce paysage un peu farfelu, des chèvres se promènent. Grotesque ! Cocotiers et chèvres, exotisme et campagne française !
Ah, la petite Virginie ! Bergère innocente ! Elle fait des petits fromages, évidemment. Il faut bien passer le temps ! Mais on vous rassure, cher lecteur, ses mains restent blanches et délicates ! D'ailleurs, Paul n'est pas en reste. C'est grâce à lui qu'il y a pleins d'oiseaux dans le jardin. Tout et n'importe quoi. Il déplace les nids, pas de problème les parents retrouvent les œufs ! Tout cela est parfaitement naïf et désuet.
À qui cela peut-il parler aujourd'hui ? Un paradis artificiel maîtrisé par l'Homme ? Une sorte de hameau de la reine, comme Marie-Antoinette en rêvait ! Avec d'autres personnes, dans l'ombre, pour s'occuper des tâches ingrates. Lorsque l'on sait ce que l'Homme fait de la nature aujourd'hui... Le paradis n'est plus ce qu'il était. Le paradis, c'est un lieu où l'Homme n'a aucune prise. Pas de petits oiseaux mignons qu'on ramène de n'importe où. Aujourd'hui, on constate bien le mal que cela fait à la nature quand l'Homme s'amuse à déplacer des espèces. On rompt la chaîne alimentaire ! On massacre des lignées entières de petites bêtes ! On détruit le paysage ! Le paradis, ce sont des animaux sauvages qu'on ne peut approcher, c'est la forêt vierge et libre où poussent des végétaux immenses et terrifiants. Le paradis, ce sont des fruits à foison, aux formes étranges et bizarres, loin du calibrage des supermarchés. Le paradis, c'est l'herbe folle partout, le vent qui hurle et jamais ne caresse. C'est un lieu où la nature est libre, où l'homme est absent. Ce ne sont pas des petites chèvres, mais des lions rugissants. Le paradis, c'est un lieu que l'on regarde de loin, sans jamais pouvoir y entrer. Et sûrement pas un petit Éden bien propret contrôlé gentiment par Paul et Virginie. Le paradis, ce n'est pas lieu où d'innocentes âmes expriment les balbutiements de leur amour. Le paradis, c'est le coin de terre inconnu de l'Homme, caché de l'Homme, où nulle fontaine jamais n'a pu être créée.