Sommaire
IVoter sous les monarchies constitutionnellesAVoter sous la Restauration (1814-1830)BVoter sous la monarchie de Juillet (1830-1848)IIVoter sous la IIe République et le Second EmpireAVoter sous la IIe République (1848-1852)BVoter sous le Second Empire (1852-1870)En France, le XIXe siècle est marqué par une forte instabilité politique, avec la restauration de la monarchie, devenue constitutionnelle (1815-1848), puis la IIe République (1848-1852), à laquelle succède le Second Empire (1852-1870). Dans ce contexte et alors que la Déclaration des Droits de l'homme et du citoyen proclame la souveraineté du peuple, la mise en place d'un suffrage universel ne progresse que lentement, avec des avancées partielles ainsi que des reculs.
Comment se développe et s'exerce le droit de vote en France de 1814 à 1870 ?
Voter sous les monarchies constitutionnelles
En 1815, le Ier Empire se termine et la monarchie est restaurée en France : c'est la période de la Restauration, durant laquelle le droit de vote est très limité. Une révolution renverse Charles X en 1830, la monarchie de Juillet permet un élargissement du droit de vote.
Voter sous la Restauration (1814-1830)
La période de la Restauration correspond au retour de la monarchie en France. Le droit de vote est de nouveau limité. Toutefois, Louis XVIII est conscient qu'il ne peut pas rejeter tout l'héritage révolutionnaire. Il signe la Charte constitutionnelle qui donne un certain nombre de droits et de libertés aux Français.
Charte constitutionnelle
La Charte constitutionnelle est le texte qui définit et limite les pouvoirs du roi sous la Restauration et la monarchie de Juillet.
Après les révolutions de 1789-1792, une constitution est élaborée en 1793. Elle prévoit l'instauration d'un suffrage universel. Cette constitution n'est cependant jamais appliquée à cause de la mise en place de la Terreur.
Selon la Charte constitutionnelle, Louis XVIII doit partager ses pouvoirs avec deux assemblées. L'une d'elles, la Chambre des députés, est élue par les citoyens masculins âgés de plus de trente ans et qui paient le cens, donc les plus riches. Le suffrage est alors dit censitaire.
Cens
Le cens est un impôt en argent payé par une minorité de Français.
Le cens s'élève alors à 300 francs par an.
Suffrage censitaire
Le suffrage censitaire est le droit de vote réservé aux hommes qui ont un certain niveau de richesse et paient ainsi le cens.
Le principe du suffrage censitaire est de ne donner le droit de vote qu'à une minorité de citoyens actifs. On estime qu'un citoyen aisé est plus responsable qu'un citoyen pauvre. Le niveau de richesse témoignerait d'un certain niveau d'instruction et donc d'un certain degré de maturité politique. En réalité, il s'agit surtout de priver le peuple du droit d'expression politique et d'éviter toute tentation républicaine, les élites étant plus conservatrices.
Au début de la Restauration, seulement 1 % des Français ont le droit de vote : il y a seulement 110 000 électeurs en France.
Charles X arrive au pouvoir en 1824. Il tente de réduire le droit de vote. Cela conduit le peuple à se révolter. Lors de la révolution des 27, 28 et 29 juillet 1830, le peuple parisien se soulève et entraîne la fuite du roi, qui abdique.
Voter sous la monarchie de Juillet (1830-1848)
La monarchie de Juillet est une monarchie parlementaire qui se présente comme plus respectueuse des progrès obtenus par le peuple pendant la période révolutionnaire. Le drapeau tricolore est rétabli comme emblème national, le roi Louis-Philippe d'Orléans reprend le titre de « roi des Français » et la démocratisation progresse avec l'augmentation du nombre de Français qui obtiennent le droit de vote. Toutefois, le droit de vote reste censitaire.
Deux mesures sont mises en place sous la monarchie de Juillet :
- Le cens électoral est abaissé de 300 à 200 francs.
- L'âge pour voter est diminué à 25 ans, ce qui permet le doublement du nombre d'électeurs.
En 1846, il y a environ 240 000 électeurs.
La monarchie de Juillet permet d'élargir le corps électoral, mais pas suffisamment pour satisfaire les partisans du retour de la république et de l'instauration d'un suffrage universel.
Suffrage universel
Le suffrage universel est le droit de vote accordé à tous les citoyens.
Le régime est contesté et le peuple de Paris se révolte de nouveau en février 1848. La révolution parisienne, qui se déroule du 22 au 25 février 1848, entraîne l'abdication de Louis-Philippe d'Orléans le 24 février 1848 et la proclamation de la IIe République.
Voter sous la IIe République et le Second Empire
La proclamation de la république en 1848 s'accompagne de l'instauration du suffrage universel masculin. Il ne sera plus jamais remis en question même si le Second Empire de Napoléon III le limite de 1852 à 1870.
Voter sous la IIe République (1848-1852)
La IIe République est proclamée en 1848. Le premier président de l'histoire de France, Louis-Napoléon Bonaparte, est élu pour quatre ans. Les citoyens masculins âgés de plus de 21 ans participent à plusieurs élections au cours de la IIe République.
2 mars 1848
Suffrage universel masculin
Le suffrage universel masculin est instauré le 2 mars 1848.
Suffrage universel masculin
Le suffrage universel masculin est le droit de vote accordé à tous les citoyens hommes âgés de plus de 21 ans. Les femmes demeurent donc exclues du droit de vote.
Le suffrage universel masculin permet l'accession au droit de vote à plus de 9 millions de personnes en 1848.
Des élections législatives (élections pour choisir les députés qui votent les lois) ont lieu en avril 1848. Louis-Napoléon Bonaparte est élu président le 10 décembre 1848, pour un mandat de quatre ans, au terme duquel il n'est pas censé pouvoir se représenter.
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À la fin du mandat de Louis-Napoléon Bonaparte, l'Assemblée nationale, favorable à la bourgeoisie, souhaite limiter le suffrage universel masculin. Elle veut écarter du droit de vote les artisans et les ouvriers au profit des notables et des élites. En mai 1850, l'Assemblée nationale vote la loi qui supprime le droit de vote à tout homme installé dans une commune depuis moins de trois ans, ce qui exclut les personnes les plus modestes qui doivent se déplacer régulièrement pour trouver un emploi.
Avec cette loi, le nombre d'électeurs passe de 9 millions à moins de 7 millions de personnes.
Dans les faits, aucune élection n'est organisée dans les mois qui suivent. Mais Louis-Napoléon Bonaparte profite de cette loi qui rend impopulaire l'Assemblée nationale. L'Assemblée lui refuse le droit de se représenter en 1851. Il justifie alors son coup d'État qui se caractérise par la dissolution de l'Assemblée nationale.
2 décembre 1851
Dissolution de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale est dissoute le 2 décembre 1851.
Voter sous le Second Empire (1852-1870)
En décembre 1851, n'ayant pas le droit de se représenter aux élections présidentielles, Louis-Napoléon Bonaparte organise un coup d'État. Il instaure le Second Empire en 1852 et devient empereur. Il maintient le suffrage universel masculin pour obtenir le soutien du peuple, mais avec des restrictions.
Sous le Second Empire, Napoléon III maintient le suffrage universel masculin afin de conserver un lien direct avec le peuple, mais il adopte de nouvelles procédures pour maintenir son autorité et contrôler ceux qui s'opposent à son pouvoir, notamment les républicains.
Napoléon III fait approuver par les Français son coup d'État et le rétablissement de l'empire au moyen de plébiscites organisés en décembre 1851 et en novembre 1852.
Plébiscite
Un plébiscite est une élection au cours de laquelle les citoyens répondent par « oui » ou par « non » à une question posée par le chef d'État, afin de confirmer ou non leur confiance à l'égard de ce dirigeant.
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« Monsieur le Maire,
Le scrutin ouvre demain. J'ai l'honneur de vous rappeler que vous devez l'ouvrir immédiatement après la première messe ; que vous aurez sur le bureau un certain nombre de bulletins portant le nom de M. de Dalmas [candidat officiel] et pas d'autres ; qu'il est important que des personnes intelligentes et sûres, munies de bulletins portant le nom de Dalmas, occupent les abords de la mairie et protègent les électeurs si bien intentionnés de votre commune contre l'erreur et le mensonge […].
Faites voter en masse, M. Le Maire, pour M. de Dalmas, candidat du gouvernement, et, par votre conduite éclairée et patriotique, vous servirez à la fois le gouvernement de l'Empereur et l'intérêt général du pays. »
Lettre du sous-préfet de Fougères aux maires de son arrondissement
1859
Louis-Napoléon Bonaparte est proclamé empereur le 2 décembre 1852, avec un vote favorable de 7,5 millions d'électeurs (contre 650 000 qui votent « non »).
Le pouvoir organise des élections législatives, mais celles-ci sont étroitement contrôlées. Pour chacune de ces élections, le gouvernement présente ses « candidats officiels », qui sont favorisés pendant la campagne électorale.
Les affiches des candidats soutenant Napoléon sont financées. Elles sont les seules à être blanches afin d'être facilement identifiables par des électeurs souvent analphabètes.
Aux élections législatives de 1852, 253 candidats officiels sont élus contre seulement 8 candidats de l'opposition, puis 14 aux élections de 1857.
Il faut attendre les années 1860 pour que des élections plus libres soient organisées, ce qui permet à des députés opposés à Napoléon III d'être élus en 1863.