Sommaire
IHernani ou "l'honneur castillan"AL'honneur, une fatalité dans la tragédie classiqueBAppropriation et renouvellement de l'honneur dans la pièce1Les caractéristiques du sens de l'honneur2Les différentes manifestations de l'honneur dans HernaniIIL'amour passionnel comme ressort essentiel de la tension dramatiqueAL'opposition entre la raison et la passion dans la tragédie classiqueBAppropriation et renouvellement de l'amour passionnel dans la pièce1L'amour secret d'Hernani et Doña Sol2La relation entre Doña Sol et Don Carlos3La relation entre Doña Sol et Don Ruy GomezLa question de l'honneur et de l'amour dans Hernani est centrale. Le sous-titre de la pièce de Victor Hugo, "l'honneur castillan", insiste sur l'honneur, alors que le premier sous-titre choisi, "Une pour trois", insistait davantage sur l'amour. Le sens de l'honneur et le sens de l'amour confrontent les personnages à la fois à leur grandeur et à leurs faiblesses. Victor Hugo réussit, en faisant de l'honneur et de l'amour une question centrale, à donner de la profondeur à ses personnages et à les complexifier afin de mettre en valeur leur humanité.
Hernani ou "l'honneur castillan"
L'honneur, une fatalité dans la tragédie classique
Dans la tragédie classique, le héros est soumis à la fatalité. Les dieux choisissent son destin, il ne peut être épargné et meurt par devoir et par honneur.
Dès la scène 3 de l'acte I de la pièce de Jean Racine, l'héroïne Phèdre est condamnée.
PHÈDRE :
Puisque Vénus le veut, de ce sang déplorable
Je péris la dernière et la plus misérable.
Jean Racine
Phèdre, Acte I, scène 3
1677
Le personnage de Phèdre, dont Vénus, la déesse de l'amour, s'est jouée, est tombée amoureuse de son beau-fils Hippolyte. L'honneur de Thésée, son époux disparu à la guerre, est bafoué. Phèdre sait que seule la mort peut réparer ce déshonneur.
Ainsi le héros racinien est un héros qui subit le déshonneur. Il en meurt. Dans la tragédie, l'honneur a davantage de prix que la vie. La mort répare l'honneur perdu.
En 1637, avec Le Cid, Corneille enrichit cette représentation du héros en lui donnant davantage de libertés par rapport à son destin. La mort n'est plus inéluctable dans la tragi-comédie. En revanche, la question de l'honneur reste primordiale. Le héros cornélien est fier et héroïque, conscient de sa propre valeur. Très orgueilleux, il appartient à l'aristocratie et aime montrer sa puissance. Contrairement au héros romantique, révolté et marginal, le héros cornélien appartient à un groupe social (la noblesse, dans Le Cid). Son âme n'est plus partagée comme le héros tragique entre l'honneur et la mort, mais entre l'amour et l'honneur. C'est le célèbre "choix cornélien". Le héros incarne un idéal, respectable, loyal, capable de combattre ses passions par sens de l'honneur.
DON RODRIGUE :
Il faut venger un père, et perdre une maîtresse :
L'un m'anime le cœur, l'autre retient mon bras.
Réduit au triste choix ou de trahir ma flamme,
Ou de vivre en infâme,
Des deux côtés mon mal est infini.
Ô Dieu, l'étrange peine !
Faut-il laisser un affront impuni ?
Faut-il punir le père de Chimène ?
Pierre Corneille
Le Cid, Acte I, scène 6
1637
Le père de Don Rodrigue vient d'être humilié par celui de Chimène, sa fiancée. Dans cette scène, il demande à Rodrigue de venger son honneur en tuant le père de celle qu'il aime. Ce texte est extrait du monologue délibératif de Don Rodrigue au cours duquel il doit faire une choix cornélien : venger son père et trahir Chimène, ou ne pas le venger et perdre son propre honneur.
Dans la tragédie comme dans la tragi-comédie, l'honneur est rétabli lors du dénouement. Par la mort, le personnage tragique lave ses péchés, répare les erreurs de sa famille. Dans la tragi-comédie, la question de l'honneur permet d'éprouver le héros et de l'inscrire dans une fin heureuse.
Dans Le Cid, Don Rodrigue répare l'honneur de son père en tuant celui de Chimène. Celle-ci ne peut lui pardonner et il doit affronter des épreuves pour racheter la culpabilité et le déshonneur d'avoir tué le père de celle qu'il aime. Le roi finit par apporter la récompense ultime. Par lui seul, le héros peut voir ses fautes expiées.
DON FERNAND :
Espère en ton courage, espère en ma promesse ;
Et possédant déjà le cœur de ta maîtresse,
Pour vaincre un point d'honneur qui combat contre toi,
Laisse faire le temps, ta vaillance et ton roi.
Pierre Corneille
Le Cid, Acte V, scène 7
1637
En partant à la guerre faire ses preuves, le héros peut rétablir son honneur et revenir auprès de Chimène.
Appropriation et renouvellement de l'honneur dans la pièce
Les caractéristiques du sens de l'honneur
Le sous-titre de l'œuvre, "l'honneur castillan", indique qu'il s'agit là d'un thème essentiel dans la pièce. Les caractéristiques du sens de l'honneur dans Hernani sont les suivantes :
- Les personnages sont nobles ou ont appartenu à la noblesse et chacun souhaite inscrire ses actions dans les codes implicites de l'honneur.
- La tension dramatique est importante car le spectateur ne sait pas quelle décision va prendre le personnage poussé par ce que le sens de l'honneur lui dicte.
- Les désirs profonds des personnages ne sont pas forcément en adéquation avec la conduite imposée par leur sens de l'honneur.
- L'honneur, dans le drame romantique, est un choix avant d'être une obligation.
- Les différentes promesses faites par les personnages sont souvent contradictoires et servent à éprouver le sens de l'honneur de chacun d'entre eux.
- Tous les personnages sont soumis au sens de l'honneur, il ne s'agit pas que du héros.
- Tous les personnages sont dignes d'admiration par leur constance et leurs choix. Le spectateur ne peut pas les mépriser puisqu'ils respectent un code de l'honneur, même Don Gomez quand il pousse Hernani à la mort.
Les personnages mélangent grotesque et sublime dans leur sens de l'honneur.
Don Gomez a pu faire preuve d'un grand sens de l'honneur quand il a caché Hernani dans son château, il s'agit là d'une marque du sublime. Il manifeste également son sens de l'honneur quand il fait respecter la promesse d'Hernani, même s'il le pousse à la mort. Il s'agit dans ce cas d'une marque du grotesque.
Le sens de l'honneur se caractérise par des lois morales que s'imposent tous les personnages. Ils assument leur sens de l'honneur dans sa beauté comme dans sa laideur. Victor Hugo montre ainsi que le personnage est soumis aux mêmes contradictions internes que l'homme dans la réalité. Le personnage du drame romantique est défini par son humanité, à la fois dans sa grandeur et sa faiblesse. Selon Victor Hugo, c'est dans cette dualité que naît l'émotion artistique et que le personnage romantique acquiert toute sa profondeur et sa complexité.
Les différentes manifestations de l'honneur dans Hernani
Lorsque Don Gomez protège Hernani au moment de l'arrivée du roi au château, il manifeste un profond sens de l'honneur. Les droits de l'hospitalité dépassent tous les autres.
DON RUY GOMEZ :
Frère, à toucher ta tête ils risqueraient la leur.
Fusses-tu Hernani, fusses-tu cent fois pire,
Pour ta vie, au lieu d'or, offrît-on un empire,
Mon hôte ! Je te dois protéger en ce lieu,
Même contre le roi, car je te tiens de Dieu !
S'il tombe un seul cheveu de ton front, que je meure !
Victor Hugo
Hernani, Acte III, scène 3
1830
Don Ruy Gomez vient de découvrir l'identité du pèlerin à qui il a offert l'hospitalité. Le sens de l'honneur se traduit ici par le sens de la parole donnée. Il ne peut revenir sur sa propre promesse. Les phrases exclamatives marquent toute l'émotion provoquée par ce conflit interne : Don Ruy Gomez veut se débarrasser d'Hernani son rival. Pourtant son sens de l'honneur est plus fort, il est prêt à mourir pour sauver son ennemi.
Lorsque Hernani décide de boire le poison, il manifeste son attachement au sens de l'honneur, à la promesse faite, même si celle-ci le condamne à mort.
HERNANI, lui présentant le cor qu'il ôte de sa ceinture :
Écoute, prends ce cor. Quoi qu'il puisse advenir,
Quand tu voudras, seigneur, quel que soit le lieu, l'heure,
S'il te passe à l'esprit qu'il est temps que je meure,
Viens, sonne de ce cor, et ne prends d'autres soins ;
Tout sera fait.
Victor Hugo
Hernani, Acte V, scène 6
1830
Alors qu'Hernani pourrait échapper à la mort, vivre heureux marié à Doña Sol, cette promesse faite semble plus forte que tout.
HERNANI
Duc, arrêtez.
(À Doña Sol)
Hélas ! Je t'en conjure,
Veux-tu me voir faussaire, et félon, et parjure ?
Veux-tu que partout j'aille avec la trahison
écrite sur le front ? Par pitié, ce poison,
Rends-le-moi ! Par l'amour, par notre âme
Immortelle…
Victor Hugo
Hernani, Acte V, scène 6
1830
L'anaphore "par" vient intensifier la demande d'Hernani de mourir dans une forme de gradation allant de la pitié à l'amour puis à l'immortalité.
Le sens de l'honneur se manifeste également dans la fidélité amoureuse. La mort des amoureux rappelle la mort de Roméo et Juliette ou d'Antigone et d'Hémon dans la tragédie. Hernani meurt pour une promesse faite. Doña Sol boit le poison pour sauver son honneur.
DOÑA SOL, échevelée et se dressant à demi sur son séant :
Mort ! Non pas !… nous dormons.
Il dort ! C'est mon époux, vois-tu, nous nous aimons,
Nous sommes couchés là. C'est notre nuit de noce…
Victor Hugo
Hernani, Acte V, scène 6
1830
La fidélité de Doña Sol la mène à vivre sa nuit de noce à tout prix. Si la mort attend son mari, son sens de l'honneur la pousse à le suivre. Il est inconcevable qu'il meure sans elle puisqu'ils sont liés par le mariage et l'amour.
Les personnages suivent les codes de l'honneur à tout prix, même s'ils ne le souhaitent pas : c'est cela qui crée l'effet tragique. Toutefois, il n'y a pas de "pathos", les personnages font le choix de leur destin. Ils suivent les règles qui dépassent leur propre volonté mais qu'ils incarnent par choix. Ce n'est pas la fatalité qui rend les personnages dignes de pitié, c'est la contradiction entre leurs différentes promesses. Chacune est légitime.
La volonté d'Hernani d'accomplir sa vengeance est respectable.
Le désir de Don Carlos d'arrêter des rebelles qui sévissent dans son pays relève de son devoir.
On ne peut pas blâmer Don Gomez de réclamer la mort d'Hernani puisque ce dernier s'était engagé à mourir.
Le geste de Doña Sol est louable, puisqu'il consiste à accompagner son mari par honneur et dignité jusque dans la mort.
L'amour passionnel comme ressort essentiel de la tension dramatique
L'opposition entre la raison et la passion dans la tragédie classique
Dans la tragédie classique, l'expression de l'amour des personnages atteint souvent la démesure. La tragédie dépeint avec un raffinement subtil les sentiments amoureux. La métaphore du feu est souvent employée pour comparer l'amour à un feu dévorant. La mort est alors associée à l'amour, le héros tragique peut "mourir d'aimer". La passion, au contraire de la raison, est irrépressible, elle est incontrôlable et peut s'exprimer par la violence. Le héros tragique peut aimer sans être aimé et finit par en devenir fou. Lorsque l'amour est réciproque, les sentiments sont doux, tendres et purs mais engendrent toujours une forme de jalousie violente. Le héros tragique doit lutter entre raison et amour. Seule la mort apporte le réconfort et permet à la raison de l'emporter. L'amour passionnel est donc un ressort essentiel de la tension dramatique.
Mais l'amour passionnel peut également être un amour démesuré du pouvoir.
Chez Racine, Néron est un empereur fou qui veut le pouvoir à tout prix dans Britannicus. La crise, raison d'État, s'amplifie graduellement jusqu'à l'issue fatale.
La passion relève de l'ordre de la pathologie dans le théâtre classique, comme un mal qui ronge l'âme et la détruit. Privé de sa raison, le héros ne peut lutter contre ses pulsions et le spectateur sait que la fin est inéluctable. Tout est joué d'avance puisque la passion est engendrée par les dieux, aliénant le héros à leur volonté. Le dénouement rétablit l'ordre des choses. Le spectateur compatit mais apprend à ne pas se laisser dominer par ses passions. Le héros représente alors une forme d'anti-modèle.
Appropriation et renouvellement de l'amour passionnel dans la pièce
L'amour secret d'Hernani et Doña Sol
Dans Hernani, l'amour a une grande importance. On retrouve les tirades lyriques passionnées de la tragédie ou de la tragi-comédie mais l'amour que ressentent les personnages n'est plus lié à une volonté des dieux. Le personnage de Doña Sol est l'objet de tous les désirs. Son nom lui-même, "sol", qui signifie en espagnol "soleil", le sous-entend. C'est autour d'elle que gravite la tension dramatique amoureuse.
Doña Sol et Hernani ont déjà succombé à un amour secret, interdit, ils sont amants avant même le début de la pièce. La scène d'ouverture présente d'emblée la problématique amoureuse puisque la tension dramatique naît des premières interrogations de la duègne qui attend l'amant de sa maîtresse. Alors qu'elle s'attend à introduire Hernani chez Doña Sol, c'est le roi Don Carlos qui emprunte le passage dérobé.
DOÑA JOSÉFA, seule. Elle ferme les rideaux cramoisis de la fenêtre et met en ordre quelques fauteuils. On frappe à une petite porte dérobée à droite. Elle écoute. On frappe un second coup :
Serait-ce déjà lui.
(Un nouveau coup.)
C'est bien à l'escalier
Dérobé.
(Un quatrième coup.)
Vite, ouvrons.
(Elle ouvre la petite porte masquée. Entre don Carlos, le manteau sur le visage et le chapeau sur les yeux.)
Bonjour, beau cavalier.
(Elle l'introduit. Il écarte son manteau, et laisse voir un riche costume de velours et de soie à la mode castillane de 1519. Elle le regarde sous le nez et recule.)
Quoi ! Seigneur Hernani, ce n'est pas vous ! — Main-forte !
Au feu !
Victor Hugo
Hernani, Acte I, scène 1
1830
Cet amour secret rencontre de nombreux obstacles liés aux contraintes de la société et non plus aux dieux. Hernani a plusieurs rivaux de taille dans la conquête de cet amour et chacun des prétendants semble légitime pour obtenir la main de Doña Sol. Parmi eux, Hernani représente la loi du cœur car Doña Sol l'aime en retour. Seulement elle est promise à son oncle, et elle ne peut pas épouser un homme qui n'est pas de son rang.
La pièce semble structurée par les grandes scènes d'amour que l'on retrouve à chaque acte et qui marquent un changement dans la situation des amants. L'amour passionnel construit l'action et permet aux acteurs de progresser au cœur de cette action.
L'union d'Hernani et Doña Sol est d'abord envisagée mais s'avère compromise dans l'acte II après la confrontation entre Hernani et le roi.
DOÑA SOL :
Hernani ! Dieu ! Je tremble !
Eh bien ! Hâtons-nous donc alors, fuyons ensemble !
HERNANI :
Ensemble ! Non, non ; l'heure en est passée ! Hélas !
Doña Sol, à mes yeux quand tu te révélas,
Bonne, et daignant m'aimer d'un amour secourable,
J'ai bien pu vous offrir, moi, pauvre misérable,
Ma montagne, mon bois, mon torrent ; — ta pitié
M'enhardissait, — mon pain de proscrit, la moitié
Du lit vert et touffu que la forêt me donne ;
Mais t'offrir la moitié de l'échafaud ! Pardonne,
Doña Sol ! L'échafaud, — c'est à moi seul !
Victor Hugo
Hernani, Acte II, scène 4
1830
Hernani refuse une fuite à deux comme ils l'avaient initialement prévue car il s'apprête à être poursuivi par le roi puis tué. Il ne veut pas entraîner celle qu'il aime dans sa chute.
À l'acte III, les amants se rapprochent et se répètent leur flamme dans l'énergie du désespoir, tels des héros tragiques prêts à être séparés.
DOÑA SOL, se jetant à son cou :
Vous êtes mon lion, superbe et généreux !
Je vous aime.
HERNANI :
Ah ! L'amour serait un bien suprême
Si l'on pouvait mourir de trop aimer !
DOÑA SOL :
Je t'aime !
Monseigneur ! Je vous aime, et je suis toute à vous.
(Hernani laisse tomber sa tête sur son épaule.)
HERNANI :
Oh ! Qu'un coup de poignard de toi me serait doux !
Victor Hugo
Hernani, Acte III, scène 3
1830
Enfin, à l'acte V, les amants sont réunis dans la mort. Le topos tragique de l'union mortuaire est repris. Mais par la mort, les amants n'effacent pas leurs péchés comme dans la tragédie puisqu'ils sont devenus légitimes par le mariage. Au contraire, leur mort confère à leur passion une forme d'humanité et d'éternité.
DOÑA SOL :
Calme-toi. Je suis mieux. — Vers des clartés nouvelles
Nous allons tout à l'heure ensemble ouvrir nos ailes.
Partons d'un vol égal vers un monde meilleur.
Un baiser seulement, un baiser !
(Ils s'embrassent.)
Victor Hugo
Hernani, Acte V, scène 6
1830
Les scènes d'amour enflammé entre les deux amoureux structurent la chronologie du drame.
La relation entre Doña Sol et Don Carlos
Don Carlos est roi. Il est amoureux de Doña Sol mais ce n'est pas réciproque.
On peut établir un parallèle entre Hernani et Don Carlos. En effet, la scène où Don Carlos se cache dans l'armoire dans l'acte I et aide Hernani à sortir du palais sous une fausse identité est comparable à l'acte III dans lequel Hernani se cache à son tour après avoir prêté son manteau au roi pour dissimuler son identité dans l'acte II.
Le roi finit par unir Hernani et Doña Sol. Dans l'acte IV, pourtant intitulé "Le tombeau", les problèmes des amoureux semblent se résoudre. Le roi accepte cette union, vouant inconsciemment cette relation nouée dans les catacombes à un destin funeste.
La relation entre Doña Sol et Don Ruy Gomez
Don Ruy Gomez a pour lui la légitimité familiale. Sa tirade sur la vieillesse, malgré son ton pathétique, évoque le type même du vieux barbon présent dans les comédies de Molière, comme le personnage d'Arnolphe dans L'École des femmes. L'amour qu'il ressent pour la jeune femme est authentique et il ressent une forte jalousie qui le pousse à faire mourir l'homme qu'elle aime.
Pourtant Doña Sol préfère la mort à un mariage avec lui. Elle cache une dague dans son écrin de mariée, projetant de se donner la mort avant l'union, rappelant des héroïnes tragiques comme Andromaque.
DOÑA SOL va au coffret, y fouille et en tire un poignard :
Vous n'allez pas au fond.
(Hernani pousse un cri et tombe prosterné à ses pieds.)
C'est le poignard, qu'avec l'aide de ma patronne,
Je pris au roi Carlos lorsqu'il m'offrit un trône,
Et que je refusai pour vous qui m'outragez !
Victor Hugo
Hernani, Acte III, scène 3
1830
Doña Sol révèle à Hernani la présence de la dague dans son écrin de mariée et ce dernier comprend alors qu'elle n'avait nullement l'intention de le trahir.
L'architecture ne sera plus l'art social, l'art collectif, l'art dominant. Le grand poème, le grand édifice, la grande œuvre de l'humanité ne se bâtira plus, elle s'imprimera.
Victor Hugo
Notre-Dame de Paris
1840
L'amour passionnel est donc un des sujets principaux de la pièce et un ressort de la tension dramatique. Il permet à l'intrigue d'avancer et relie les différentes actions entre elles. Les scènes d'amour permettent l'expression d'un lyrisme très poétique rendant chaque personnage plus profond et humain. En reprenant des éléments de la tragédie et en les enrichissant par des éléments plus prosaïques, le drame romantique réinvente les codes de l'amour passionnel. La célébration de l'amour invincible sublime le drame. Le roi Don Carlos décède symboliquement en renaissant sous les traits de l'empereur Charles Quint pendant que les trois autres personnages meurent sur la scène, dans un funeste trio. L'expression de cet amour passionnel au cours du drame entre Hernani et Doña Sol ancre leur histoire au-delà de la mort, leur conférant une dimension profondément humaine. Victor Hugo a témoigné avoir l'ambition de créer des œuvres mettant en scène des personnages "humains" afin de conférer à l'art une dimension plus proche des lecteurs, les interrogeant sur leurs propres choix et leur propre humanité.