Sommaire
IRoman et nouvelle, les définitions du XVIIe siècleAEntre roman et nouvelle, une limite floueBLe thème central de l'amour dans les romans et nouvellesIILes critiques envers le roman et la nouvelleALe discours négatif des critiquesBÉcrire ou lire des romans et des nouvelles, un passe-temps fémininCLe métier d'écrivain, une occupation frivoleIIIUne reconnaissance croissante de la nouvelle et du roman au cours du XVIIe siècleALe développement de la nouvelle et du romanBL'influence du roman et de la nouvelle sur la vie mondaineIVLe mouvement précieuxAu XVIIe siècle, le classicisme règne, imposant ses codes en littérature. Toutefois, le roman et la nouvelle y échappent plus facilement car ils ne sont pas jugés "nobles". Ils ont de plus en plus de succès ; les nouvelles deviennent courantes. On se pose alors la question de la définition des deux genres, qui demeure assez floue. L'amour est souvent central dans ces récits, sa représentation est d'ailleurs jugée dangereuse, voire même amorale. De nombreuses critiques s'élèvent donc contre romans et nouvelles, particulièrement car de plus en plus de femmes prennent la plume ou se plongent dans la fiction. Toutefois, si au début le métier d'écrivain n'est pas jugé sérieux, bientôt le succès des romans et des nouvelles dans la vie mondaine finit par avoir raison des attaques morales, et une reconnaissance grandissante des genres se met en place.
Roman et nouvelle, les définitions du XVIIe siècle
Entre roman et nouvelle, une limite floue
Étymologiquement, le terme "roman" désigne un récit en prose écrit en langue vernaculaire (c'est-à-dire écrit en langue romane, le français populaire, et non en latin). Toutefois, au XVIIe siècle, la définition du roman en tant que genre littéraire se voit mêlée à celle de nouvelle. Les différences entre les deux restent floues. Ainsi, La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, aujourd'hui considéré comme un roman, est qualifié de nouvelle lors de sa parution.
Souvent, on définit la nouvelle comme étant un récit de fiction en prose mais plus court que le roman. Dans son ouvrage Le Roman au XVIIe, Nathalie Grande cite Scarron écrivant en 1655 que les nouvelles sont de "petites histoires". Il est néanmoins difficile de définir à quel moment "commence le court", et à quel moment "commence le long".
Pour le critique René Godenne, la nouvelle n'est rien d'autre qu'un "petit roman".
On date les origines de la nouvelle au milieu du XIVe siècle. En effet, c'est entre 1349 et 1351 que Boccace écrit Décaméron en Italie. Le genre arrive en France au XVIe siècle avec des ouvrages comme Cent Nouvelles nouvelles, publié en 1486 ou Heptaméron de Marguerite de Navarre, publié en 1558. C'est au XVIIe siècle que sont traduites en français les Nouvelles exemplaires de Cervantes, un classique du genre.
En général, dans ces recueils, on trouve une structure narrative identique :
- Un récit-cadre
- Plusieurs histoires rapportées par différents narrateurs, sans lien entre elles
Le récit-cadre permet d'unir les différentes histoires ou "nouvelles".
Dans Heptaméron de Marguerite de Navarre, des personnages se réunissent dans une abbaye dans les Pyrénées pour se protéger de violentes pluies. Afin de passer le temps, chacun d'eux raconte une anecdote différente.
La nouvelle se rapproche donc du roman, puisqu'il y a une tentative pour unifier les histoires entre elles, les nouvelles entre elles, même s'il s'agit d'un simple prétexte pour rapporter différents récits et créer des recueils. Toutefois, au XVIIe siècle, les nouvelles sont également publiées de façon indépendante dans des périodiques. Elles ne sont alors plus rattachées à un récit-cadre et se suffisent à elles-même.
On trouve plusieurs définitions du terme "nouvelle" au cours du XVIIe siècle. Ainsi, dans le Dictionnaire de Richelet en 1693, il est écrit qu'une nouvelle "raconte ce qui se passe de nouveau". Il faut le prendre ici dans le sens d'un récit d'aventures récentes, comme les nouvelles que l'on lit dans le journal. Le terme "nouvelle" permet d'ailleurs un rapprochement avec un cadre spatio-temporel proche des lecteurs et souligne le caractère récent ou même actuel des textes.
La nouvelle, par ses exigences de vraisemblance, de concision, de concentration des effets, a aussi entraîné les romanciers vers la forme du roman court, ce genre nouveau, véritablement classique, qui règne encore aujourd'hui, mais pour lequel, au XVIIe siècle, on ne disposait pas de nom particulier. Le roman court, qui tend à se généraliser à partir de 1670, est l'aboutissement d'un immense effort pour discipliner la forme du grand récit romanesque.
Jean Sgard
Le Roman français à l'âge classique 1600 - 1800
2000
La définition que Jean Sgard donne ici de la nouvelle prouve qu'au XVIIe siècle la différence entre roman et nouvelle n'est pas évidente. Toutefois, on peut noter que le "roman court", donc la nouvelle, est associé à la vraisemblance et la discipline.
La nouvelle se distingue du roman par le fait qu'elle est moins éloignée de la réalité, elle raconte souvent des faits plus proches du lecteur, elle paraît ainsi plus vraisemblable. D'ailleurs, dans Les Nouvelles françaises ou les Divertissements de la Princesse Aurélie, Segrais écrit en 1657 que les nouvelles rapportent les choses "comme elles sont". On peut ainsi souligner qu'au XVIIe siècle, la nouvelle est liée à une forme de réalisme. Madame de Lafayette est d'ailleurs reconnue pour apporter de la vraisemblance à ses récits. Dans Sentiments sur les lettres et sur l'histoire écrit en 1683, Du Plaisir attribue même aux nouvellistes le titre "d'historiens", soulignant l'aspect "réaliste" de leurs récits.
Ainsi, les différences entre roman et nouvelle restent floues, mais le roman est souvent considéré comme plus long et relatant des récits plus éloignés dans le temps que la nouvelle.
Nouvelle et roman sont souvent associés au XVIIe siècle, les critiques à l'encontre de l'un sont valables pour l'autre : ils font partie de la fiction en prose et sont moins considérés que le théâtre ou la poésie.
Le thème central de l'amour dans les romans et nouvelles
Le terme "roman" renvoie à un récit plein d'aventures et de rebondissements, centré sur une histoire d'amour. L'intrigue sentimentale est souvent au cœur des nouvelles et des romans. Elle peut même faire partie de la définition du roman ou de la nouvelle dans certains dictionnaires du XVIIe siècle.
[Les nouvelles sont des] livres fabuleux qui contiennent des histoires d'amour et de chevalerie, inventées pour divertir et occuper les fainéants.
Antoine Furetière
Dictionnaire de Furetière
1690
Ici, Antoine Furetière ne s'attarde pas simplement sur l'importance de l'amour dans les nouvelles, il les condamne en même temps comme étant uniquement une occupation pour "fainéants".
L'amour est parfois considéré comme le sujet essentiel du roman ou de la nouvelle.
[Les romans sont] des fictions d'aventures amoureuses, écrites en prose avec art, pour le plaisir et l'instruction des lecteurs. Je dis des fictions, pour les distinguer des histoires véritables. J'ajoute, d'aventures amoureuses, parce que l'Amour doit être le principal sujet du Roman.
Pierre-Daniel Huet
Traité de l'origine du roman
1670
Ici, Pierre-Daniel Huet insiste sur le caractère central de l'amour dans le roman, utilisant même le modal "devoir" pour renforcer son propos.
Il faut dire que le XVIIe siècle est celui de l'amour par excellence : amour précieux, amour galant, amour pastoral, toutes les formes d'amour sont discutées dans la littérature et dans les salons. Mademoiselle de Scudéry dessine d'ailleurs la célèbre "Carte de Tendre ou Carte du pays de Tendre". Il s'agit de la carte d'un pays imaginaire qui représente le sentiment amoureux et ses nuances. On y découvre les différentes formes d'amour, de l'amitié à l'indifférence, de la tendresse à la passion.
"Carte de Tendre ou Carte du pays de Tendre", Mademoiselle de Scudéry, XVIIe siècle
Dans les romans du début du XVIIe siècle, l'amour est d'abord vu comme positif. Il permet la rédemption des personnages qui peuvent accéder au bonheur.
Dans le roman pastoral d'Honoré d'Urfé L'Astrée (1607 - 1627), l'amour est représenté de façon positive. L'auteur raconte l'amour parfait qui lie Astrée et Céladon, leur permettant de résister à tous les obstacles.
La deuxième moitié du XVIIe siècle est davantage marquée par des romans dans lesquels l'amour provoque des désordres et mène à la perte des héros. En ce qui concerne les femmes, même si elles tentent de rester vertueuses, elles sont victimes du désir que les hommes leur porte. La passion est destructrice, incontrôlable et la vertu ne suffit pas à être protégée. Ainsi dans La Princesse de Clèves roman de Madame de La Fayette, l'héroïne quoique très vertueuse souffrira de la lutte entre ses convictions morales et la passion. C'est le cas des récits de Madame de Lafayette qui met toujours en garde contre l'amour.
Dans "La Princesse de Montpensier", l'amour éloigne l'héroïne Marie de l'idéal de vertu et lui fait prendre des décisions qui s'avèrent dramatiques pour sa réputation.
Les critiques envers le roman et la nouvelle
Le discours négatif des critiques
Le discours critique autour du roman et de la nouvelle au XVIIe siècle est surtout négatif. En effet, ils se voient condamnés car ils ne répondent pas aux exigences de pureté de la morale chrétienne. On leur reproche particulièrement de faire l'apologie de l'amour profane. Le père Bourdaloue les accuse ainsi de porter l'amour jusqu'à une idolâtrie destructrice.
Qu'est-ce, à le bien définir, que le roman ? Une histoire, disons mieux une fable proposée sous la forme d'histoire, où l'amour est traité par art et par règles ; où la passion dominante et le ressort de toutes les autres passions, c'est l'amour ; où l'on affecte d'exprimer toutes les faiblesses, tous les transports, toutes les extravagances de l'amour ; où l'on ne voit que maximes d'amour, où il n'y a point d'intérêt qui ne soit immolé à l'amour, fût-ce l'intérêt le plus cher selon les vues humaines, qui est celui de la gloire ; où un homme ne se gouverne plus que par l'amour : tellement que l'amour est toute son occupation, toute sa vie, tout son objet, sa fin, sa béatitude, son Dieu.
Louis Bourdaloue
Sermons pour les dimanches depuis Pâques jusques à La Pentecôte, "Sermon pour le troisième dimanche après Pâques. Sur les divertissements du monde."
1716 - 1726
Louis Bourdaloue accuse le roman de n'avoir qu'une seule valeur, destructrice, l'amour.
Les censeurs du XVIIe siècle reprochent au roman et à la nouvelle de donner trop de liberté à l'imagination des lecteurs, les éloignant des valeurs véritables et de la morale. Les passions décrites dans les récits fictifs sont dangereuses, les histoires mensongères, le lecteur est corrompu par la fiction littéraire. Finalement, on accepterait ces récits s'ils étaient moraux, s'ils défendaient les idéaux chrétiens, la bienséance, s'ils poussaient le lecteur à la vertu, ce qu'ils sont accusés, dans leur ensemble, de ne pas faire.
La fin principale du roman […] est l'instruction des lecteurs, à qui il faut toujours faire voir la vertu couronnée et le vice châtié.
Abbé Huet
Lettre à Monsieur de Segrais : De l'origine des romans.
1678
Dans cette citation, l'abbé Huet signifie bien que le roman doit avoir un but, et ce but est de condamner le vice et de louer la vertu. Le genre romanesque peut être valorisé mais seulement s'il défend la morale chrétienne.
En 1671, Charles Sorel parle des nouvelles dans De la connaissance des bons livres comme de "petites histoires détachées qu'on a appelées des nouvelles ou des historiettes". Il leur reproche d'être "folles" et "impertinentes", proposant un "libertinage horrible" car "toutes les passions et tous les vices sont en leur règne". On comprend bien que les critiques contre le roman et la nouvelle sont morales, on craint qu'ils "pervertissent" les lecteurs, leur donnant une fausse idée du monde, des sentiments et des valeurs. Cela est d'autant plus vrai que les lecteurs se composent d'un grand nombre de femmes, le "beau sexe", mais aussi le "sexe faible". On estime qu'il faut les préserver de toutes les possibles "tentations".
Écrire ou lire des romans et des nouvelles, un passe-temps féminin
Le XVIIe siècle est particulièrement important en littérature car de plus en plus de femmes se mettent à écrire. Elles le font surtout dans le genre du roman et de la nouvelle qui ne sont pas considérés comme nobles, bien qu'elles prennent souvent des pseudonymes masculins ou publient anonymement.
Si de plus en plus de femmes se mettent à écrire, c'est parce que bon nombre d'entre elles tiennent salon régulièrement. Ces intellectuelles, intéressées par les choses de l'esprit, ont compris que pour demeurer libres, elles devaient de pas faire étalage de leurs connaissances. Dans les salons, centrées autour de la maîtresse de maison, elles côtoient des hommes et abordent de nombreux sujets littéraires, philosophiques ou scientifiques, lisent des poèmes ou des textes littéraires. Cependant, ces femmes doivent toujours rester sur leurs gardes et veiller à ne pas trop briller en public. Mademoiselle de Scudéry, dans son ouvrage Artamène ou le grand Cyrus, oppose la femme savante qui fait l'étalage de ses connaissances, devenant ainsi insupportable, et Sapho, une femme intelligente, douce, et sachant s'adapter à tous et à toutes les situations sans jamais s'imposer.
Madame de Villedieu est, avec Mademoiselle de Scudéry et Madame de Lafayette, l'une des femmes de lettres à succès du XVIIe siècle.
D'ailleurs, de plus en plus de romans et nouvelles ont pour personnages principaux des héroïnes. Leurs rôles sont souvent valorisés.
Le XVIIe siècle voit la naissance de nombreuses héroïnes en littérature : celles de Madame de Lafayette, la princesse de Montpensier et la princesse de Clèves, en sont d'éclatants exemples.
Si les femmes prennent la plume et deviennent centrales dans les récits de fiction, c'est parce que le lectorat change. En effet, les lecteurs sont de plus en plus nombreux. Ils appartiennent surtout à la noblesse, qui a le loisir de lire et les moyens d'acheter des livres. Mais surtout, dès le XVIIe siècle, plusieurs contemporains soulignent que les lecteurs sont surtout des lectrices. C'est le cas de Jean Chapelain qui affirme, dans une lettre datée du 8 novembre 1660 à Georges Scudéry, que le lectorat est surtout constitué de "gens de cœur et femmes délicates". C'est également le cas de Charles Sorel, déplorant dans De la connaissance des bons livres, en 1671, que l'oisiveté conduise "les femmes et les filles" à s'adonner à la lecture de romans.
Cette prédominance du féminin inquiète plus qu'elle ne plaît. Écrire des romans, lire des romans, deviennent des occupations féminines, jugées ainsi moins nobles que d'autres. C'est d'ailleurs parce que de nombreuses femmes lisent que le discours critique à l'égard du roman et de la nouvelle se fait sévère : cela entraîne à la rêverie, la mélancolie, et peut même pervertir l'esprit.
Au XVIIe siècle naît d'ailleurs le courant de la "préciosité", mouvement dans lequel les femmes se trouvent au centre, raison pour laquelle l'amour galant et la délicatesse sont au cœur de nombreux récits. En effet, dans leurs salons, les précieuses exigent des récits à la hauteur d'un idéal de perfection et de pureté.
Le métier d'écrivain, une occupation frivole
Au début du XVIIe siècle, le métier d'écrivain est jugé assez sévèrement, écrire n'apporte pas de considérations sociales, on juge l'occupation frivole. C'est d'ailleurs pour cette raison que de nombreux auteurs pratiquent l'anonymat ou utilisent des pseudonymes. En général, leurs contemporains savent qui a écrit telle ou telle œuvre, mais dans la pratique, les noms réels des auteurs n'apparaissent pas, en particulier si ce sont des femmes.
En 1662, Madame de Lafayette publie "La Princesse de Montpensier" de façon anonyme. En 1670, elle publie Zayde sous le nom de son ami Jean Regnault de Segrais. En 1678, La Princesse de Clèves est publié anonymement.
Madame de Villedie accepte que son nom figure sur les romans qu'elle publie. Elle fait partie des rares écrivains du XVIIe siècle qui le font.
Le titre même de "romancier" n'est pas attribué aux écrivains. En effet, au XVIIe siècle, l'auteur de romans est appelé "romaniste". Dans le Dictionnaire de Furetière, on réalise ainsi que le titre de "romancier" est donné uniquement aux auteurs de romans de chevalerie. Par ailleurs, lorsque les romanciers écrivent des préfaces, ils se justifient souvent, s'excusent pour les éventuelles fautes d'impression, comme s'il fallait à tout prix faire passer le message que le roman et la nouvelle ne sont pas des genres très importants, que tout cela n'est qu'une occupation anodine.
Une reconnaissance croissante de la nouvelle et du roman au cours du XVIIe siècle
Les petites histoires ont entièrement détruit les grands romans. Cet avantage n'est l'effet d'aucun caprice. Il est fondé sur la raison, et je ne pourrais assez m'étonner de ce que les fables à dix ou douze volumes aient si longtemps régné en France, si je ne savais que c'est depuis peu seulement que l'on a inventé les nouvelles.
Du Plaisir
Sentiments sur les lettres et sur l'histoire
1683
Dans cet extrait, Du Plaisir témoigne du succès du genre de la nouvelle qui a fini par s'imposer au XVIIe siècle.
Le développement de la nouvelle et du roman
Les différents genres liés au roman et à la nouvelle se développent particulièrement au XVIIe siècle. On trouve ainsi :
- Les histoires tragiques qui traitent de crimes abominables.
- Le roman comique qui s'intéresse particulièrement au cocuage.
- Le roman baroque qui mêle de nombreuses intrigues.
- Les nouvelles historiques et galantes qui s'inspirent de l'Histoire.
- Les historiettes qui rapportent essentiellement des ragots.
Les Rencontres funestes ou Fortunes infortunées de notre temps écrit par Jean-Pierre Camus et sorti en 1644 est un recueil contenant des histoires tragiques.
L'un des plus célèbres romans comiques du XVII est Le Roman comique de Paul Scarron, publié en 1651.
Les Aventures de Télémaque de Fénelon est un roman baroque qui paraît en 1699.
La Princesse de Clèves est un roman historique et galant de Madame de Lafayette publié en 1678.
Les contes de fées se développent particulièrement au XVIIe siècle. Si l'on retient surtout Perrault, les femmes sont pourtant nombreuses à avoir brillamment investi le genre. Ainsi, Marie-Catherine d'Aulnoy s'est illustrée avec de nombreux contes comme "La Biche au bois" ou "L'Oiseau bleu". Les contes de fées sont parfois associés à des nouvelles dans les écrits du XVIIe siècle.
Les nouvelles ont du succès car leur narration repose sur la simplicité et se concentre sur une intrigue, un temps de crise précis. En effet, le roman baroque qui est populaire au XVIIe siècle est un genre touffu voire complexe dans lequel le lecteur suit de multiples intrigues, de multiples personnages, et dont l'histoire est souvent fort peu vraisemblable. Les nouvelles permettent de revenir à quelque chose de plus simple. Par ailleurs, relatant particulièrement des sujets plus récents et proches des lecteurs, les nouvelles suscitent d'autant plus leur intérêt.
La nouvelle est également prisée par les écrivains car elle est un laboratoire dans lequel s'élaborent des thèmes et des techniques de narration nouveaux. Ainsi, on peut dire que le XVIIe siècle prépare toutes les formes que va développer ensuite le genre romanesque. Cette liberté explique pourquoi le roman et la nouvelle ne sont pas considérés comme des genres nobles et échappent au devoir de célébrer les mérites du roi Louis XIV. Ils sont beaucoup moins codifiés par exemple que la comédie et la tragédie au théâtre.
Par ailleurs, si le genre a de plus en plus de succès, c'est également car les lecteurs sont de plus en plus nombreux. Ils font partie de la noblesse et de la grande bourgeoisie, mais également de la moyenne bourgeoisie. Cette évolution correspond à l'évolution sociale des romanciers, mais également à la baisse du prix des livres. En effet, au début du siècle le livre est un article de luxe, mais il devient de plus en plus accessible. La baisse de qualité du papier et l'impression et la reliure de petits formats dits "in-douze" (16 cm x 9 cm) permettent cette baisse de prix.
Au XVIIe siècle, les critiques se réfèrent particulièrement à Poétique d'Aristote pour définir les règles de la littérature. Le roman a été exclu de cet ouvrage. D'ailleurs, même lorsque Nicolas Boileau rédige son Art poétique en 1674, il n'aborde pas le genre romanesque. Le vers prime à l'époque classique, raison pour laquelle le roman, en prose, est souvent dédaigné.
Les nouvelles ont également du succès car le lectorat préfère les histoires véritables et se détourne des romans nobles ou des romans fleuves qui s'inspirent de la tradition de l'épopée.
Le roman pastoral d'Hornoré d'Urfé, L'Astrée, compte plus de cinq milles pages et développe près de quarante histoires.
L'influence du roman et de la nouvelle sur la vie mondaine
Les romans et les nouvelles connaissent un tel succès qu'ils influencent beaucoup la vie mondaine. En effet, certains essaient de parler comme dans les livres. C'est le cas notamment de Mlle de Scudéry. De nombreux salons se développent dans lesquels on traite de culture et de littérature. C'est le cas des salons de :
- Madame d'Auchy, qui propose d'ailleurs de fonder une "académie femelle".
- Madame de Rambouillet qui est devenue célèbre pour son salon dans la "chambre bleue".
- Madame de Sablé qui souhaite vivement traiter de la façon dont les sentiments sont évoqués en littérature.
Les romans passent de main en main, les nouvelles sont échangées, les mondains parlent beaucoup de littérature et débattent des sujets qui y sont abordés.
Le succès de ces deux formes de littérature coïncide avec le succès de la revue Le Mercure galant. Ce magazine de divertissement culturel est fondé en 1672 par Jean Donneau de Visé et paraît mensuellement. On y trouve :
- L'actualité politique avec les chroniques de la cour, les nominations et promotions des personnages de cour, l'état des campagnes militaires, etc.
- La rubrique mondaine avec les naissances, les mariages, les décès, les dates des bals et autres mondanités, etc.
- Les comptes-rendus détaillant les spectacles, la mode, les nouveaux jeux, les publications récentes, etc.
Cette revue permet la publication d'un grand nombre de nouvelles. En effet, entre sa fondation en 1672 et la mort de son fondateur en 1710, l'équivalent de 370 nouvelles sont publiées. Très populaire, Le Mercure galant popularise la nouvelle qui devient un sujet de discussions mondaines. Il faut d'ailleurs noter que les nouvelles s'inspirent souvent d'un événement mondain.
Le mouvement précieux
Le XVIIe siècle est particulièrement marqué par le mouvement précieux. L'autre grand courant du XVIIe siècle est le classicisme, qui cherche à codifier la littérature et valorise une langue structurée, naturelle et vraisemblable, en insistant sur la morale. La préciosité reprend ces codes, mais le mouvement se concentre surtout sur la femme et cherche à lui donner une place plus importante dans la société.
La préciosité, si l'on prend le terme dans son sens le plus strict, est un mouvement d'idées qui se développe à Paris au milieu du XVIIe, plus précisément entre 1650 et 1660. Sa croissance est aussi rapide que son déclin.
R. Bray
Article "préciosité" dans le Dictionnaire des Lettres françaises XVIIe
1996
Les précieux entendent également se distinguer par le langage. Ainsi, de nombreux néologismes ont été créés comme :
- Enthousiasmer
- Encanailler
- Bravoure
- Pommade
- Incontestable
De nombreuses périphrases propices à l'exagération sont trouvées :
- "Les commodités de la conversation" pour "le fauteuil"
- "Le siège de Vulcain" pour "la cheminée"
Ces expressions feront l'objet de railleries dans la comédie de Molière Les Précieuses ridicules.
L'auteur précieux s'attache à ciseler particulièrement son récit. Le précieux entend néanmoins se libérer de certaines règles trop rigides afin de trouver son idéal.
L'esprit précieux marque la revanche de l'imagination, trop bridée par l'idéal classique ; c'est le baroque à côté de la pureté et de la sobriété ; c'est l'imagination romanesque face à la raison classique ; c'est l'esprit de finesse opposé à l'esprit de géométrie.
Georges Mongrédien
La Vie littéraire au XVIIe siècle
1947
L'auteur précieux se plaît à parler des passions, à décrire avec sensibilité les mouvements de l'âme, toujours en essayant de rendre le texte aussi épuré que possible.
Être précieux, c'est désespérer alors qu'on espère toujours, c'est brûler de plus de feux que l'on n'en alluma, c'est tresser autour des mots révérés une toile avec mille fils et dès qu'on souffle, une pensée l'effleure, c'est le cœur qui s'élance du plus noir de sa cachette, la tue, suce son doux sang. C'est Mademoiselle de Rambouillet couvrant de sa blanche main tous les mots cruels et nous les rendant ensuite, le mot courroux, le mot barbare, inoffensifs, comme les détectives qui changent le revolver du bandit en un revolver porte-cigares.
Jean Giraudoux
Suzanne et le Pacifique
1921
C'est de 1654 à 1661 que le mouvement précieux est à son apogée. À l'origine, on trouve des auteurs qui veulent réformer le langage et des femmes qui exigent des textes traitant de l'amour de façon idéal, avec une langue galante et épurée. C'est une recherche de la distinction, de l'idéal.
Les textes de Madame de Lafayette sont qualifiés de précieux. Ainsi, dans La Princesse de Clèves, lorsque la princesse renonce à Nemours et se retire du monde, Madame de Lafayette répond aux normes précieuses : il faut que l'amour reste pur et idéal.
Le mouvement précieux a été critiqué pour plusieurs raisons :
Si les sujets peuvent être moraux (c'est le cas avec Madame de Lafayette), les salons qui se développent avec le mouvement sont jugés douteux, car femmes et hommes y sont très proches.
- L'amour y est peint de façon idéale mais souvent ridicule.
- Intellectuellement, les sujets ne semblent pas sérieux mais restent superficiels.
- La langue est jugée empruntée et les clichés foisonnent.
- Le mouvement est jugé essentiellement féminin.
Molière se moque particulièrement des précieuses avec sa pièce Les Précieuses ridicules mettant en scène deux provinciales qui, voulant passer pour des précieuses, poussent l'absurde à ses extrémités.