Pistes de réflexion
Piste 1
Chez Shakespeare, le débat d'idées prend souvent la forme d'un conflit entre personnages, ce qui permet au dramaturge de substituer la violence verbale à la violence physique avec autant voire plus de force et d'intensité dramatique. Ainsi, les personnages se battent au moyen de mots acérés et de réparties incisives au lieu du fleuret ou de l'épée.
“RICHARD Here. (〈She〉 spits at him.) Why dost thou spit at me?
ANNE Would it were mortal poison for thy sake. […]
Though I wish thy death/I will not be thy executioner”
Shakespeare
Richard III, Act 1, Scene 2
1592
Dans ce dialogue entre Richard et Anne dans Richard III, Anne explique à Richard, qui la courtise alors qu'il a assassiné son mari, comment elle se vengerait si elle le pouvait. Ces paroles laissent au spectateur la liberté d'imaginer l'acte décrit. Bien qu'animées d'une haine et d'un désir de vengeance aussi prononcés que les personnages masculins, les personnages féminins chez Shakespeare font rarement usage de violence physique car cela eût été jugé malséant et peu crédible à l'époque.
Piste 2
Dans les pièces de Shakespeare, les disputes entre deux personnages peuvent se transformer en débats d'idées qui mettent en scène des conflits sociaux ou politiques. Ces joutes verbales permettent la confrontation de points de vue et d'arguments divergents sur une même problématique.
Piste 3
Le débat d'idées qui oppose deux personnages donne l'occasion d'incarner un dilemme éthique ou moral auquel le spectateur a été confronté. Par le biais d'un effet miroir, celui-ci est alors placé face à ses contradictions et conflits intérieurs personnifiés par les personnages sur scène.
“I'm twixt will and will not” ou le double dilemme d'Angelo et d'Isabella dans Measure for Measure, lorsque celui-ci tente de la convaincre de devenir sa maîtresse en échange de l'amnistie de son frère, condamné à mort. Cette dernière, qui hésite à céder et se sacrifier pour une juste cause, se raisonne elle-même en cherchant à le convaincre que sa proposition est illégitime. Ils incarnent ainsi la voix conscience et la voix de la tentation l'un de l'autre.
Piste 4
Dans de nombreuses comédies de Shakespeare, la joute amoureuse constitue une stratégie de séduction. Les amoureux se provoquent en duel verbal, se défient et se jaugent pour apprendre à mieux se connaître.
Le dialogue de Kate et Petruchio dans The Taming of the Shrew (Act 2, scene 2) ou la dispute entre Beatrix et Benedict dans Much Ado About Nothing (pièce et adaptation cinématographique de Kenneth Branagh).
Piste 5
Les débats d'idées s'insèrent parfois, chez Shakespeare, dans des dialogues entre des personnages liés par un rapport d'autorité de type père-fille. S'opposent alors les valeurs d'un ordre établi incarné par un personnage masculin et celles revendiquées par le personnage, souvent féminin, qui rejette et remet en question la légitimité de la figure d'autorité.
Dans la scène d'ouverture A Midsummer Night's Dream, Hermia tient tête à son père Egeus qui refuse qu'elle épouse Lysander et lui désobéit en prenant la fuite avec son bienaimé : “So will I grow, so live, so die, my lord, / Ere I will yield my virgin patent up / Unto his Lordship” Hermia oppose à l'autorité du père la toute-puissance de l'amour qui la lie à Lysander.
Othello débute par le mariage clandestin du protagoniste éponyme avec Desdemone, après que cette dernière ait bravé l'autorité paternelle pour épouser l'homme qu'elle aime en dépit des préjugés de classe et de race. Elle ébranle ainsi l'ordre patriarcal séculaire en obéissant à ses propres désirs, plutôt qu'à son père.
Piste 6
Chez Shakespeare, le débat d'idées peut remplir une fonction didactique en définissant, par le biais du dialogue, des notions abstraites telles que la justice ou la jalousie.
IAGO : O beware, my lord, of jealousy :
It is the green-eyed monster which doth mock
The meat it feeds on. That cuckold lives in bliss
Who certain of his fate loves not his wronger ;
But O, what damned minutes tells he o'er
Who dotes, yet doubts, suspects, yet fondly loves ?
OTHELLO : O misery !
IAGO : Poor and content is rich, and rich enough;
But riches fineless is as poor as winter
To him that ever fears he shall be poor,
Good God, the souls of all my tribe defend
From jealousy.
OTHELLO : Why, why is this ?
Think'st thou I'd make a life of jealousy,
To follow still the changes of the moon
With fresh suspicions? No, to be once in doubt
Is once to be resolved. Exchange me for a goat
When I shall turn the business of my soul
To such exsufflicate and blown surmises
Matching thy inference. 'Tis not to make me jealous
To say my wife is fair, feeds well, loves company,
Is free of speech, sings, plays, and dances well :
Nor from mine own weak merits will I draw
The smallest fear or doubt of her revolt,
For she had eyes and chose me. No, Iago
I'll see before I doubt; when I doubt, prove ;
And on the proof, there is no more but this :
Away at once with love or jealousy !
Shakespeare
Othello, Acte III, scène 3
1604
Dans cet extrait de la pièce Othello, Iago et Othello débattent des conséquences de la jalousie au sein du couple et discutent de la stratégie la plus efficace pour y remédier.
Suggestion de plan
I. Le débat comme conflit et confrontation
II. La joute amoureuse
III. Débats politiques et philosophiques