L'outil technique chez Leroi-Gourhan Exercice fondamental

L'outil technique constitue chez Leroi-Gourhan une réalité d'un ordre particulier, qui permet de surmonter la distinction traditionnelle entre les êtres inertes étudiés par la physique (comme les pierres) et les êtres organisés (tout être vivant), qui sont du ressort de la biologie. Les outils techniques sont compris comme le signe de l'existence d'un troisième règne, celui des êtres "inorganiques" (non-vivants) "organisés" (instrumentaux). Les étudier nécessite ainsi de recourir aussi bien à la physique qu'à l'histoire et à l'anthropologie.

Les objets techniques ont en effet une histoire, car ils évoluent et se perfectionnent avec le temps. Par ailleurs, cette évolution, bien que dépendante des lois de la physique, ne s'explique pas entièrement par elles. Un outil doit respecter les lois de la physique pour fonctionner, ce qui explique que l'on ne retrouve pas les mêmes outils dans les différentes civilisations. Mais l'évolution correspond surtout à une "extériorisation" progressive de l'humain, qui se constitue par ses productions comme une espèce distincte des autres. L'humain et l'outil technique fonctionnent ensemble, dans ce que Leroi-Gourhan appelle une relation "transductive" : l'un n'existe pas sans l'autre. En effet, il n'y aurait pas d'outil sans l'humain, et pas d'humain sans l'outil.

Cette évolution technique permet l'émergence d'un type de mémoire spécifique. En effet, en se transmettant à travers les générations, la technique permet de créer une continuité que ne permet pas la mémoire individuelle, celle-ci disparaissant avec l'individu. Leroi-Gourhan appelle ce genre spécifique de mémoire la mémoire "épiphylogénétique".