Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Enfance
Nathalie Sarraute
© Gallimard, 1983
« Nous sommes passés par l'entrée du Grand Luxembourg qui fait face au Sénat et nous nous dirigeons vers la gauche, où se trouvent le Guignol, les balançoires, les chevaux de bois…
Tout est gris, l'air, le ciel, les allées, les vastes espaces pelés, les branches dénudées des arbres. Il me semble que nous nous taisons. En tout cas, de ce qui a pu être dit ne sont restés que ces mots que j'entends encore très distinctement : "Est-ce que tu m'aimes, papa ?…" dans le ton rien d'anxieux, mais quelque chose plutôt qui se veut malicieux… il n'est pas possible que je lui pose cette question d'un air sérieux, que j'emploie ce mot "tu m'aimes" autrement que pour rire… il déteste trop ce genre de mots, et dans la bouche d'un enfant…
— Tu le sentais vraiment déjà à cet âge ?
— Oui, aussi fort, peut-être plus fort que je ne l'aurais senti maintenant… ce sont des choses que les enfants perçoivent mieux encore que les adultes. Je savais que ces mots "tu m'aimes", "je t'aime" étaient de ceux qui le feraient se rétracter, feraient reculer, se terrer encore plus loin au fond de lui ce qui était enfoui… Et en effet, il y a de la désapprobation dans sa moue, dans sa voix… "Pourquoi me demandes-tu ça ?" Toujours avec une nuance d'amusement… parce que cela m'amuse et aussi pour empêcher qu'il me repousse d'un air mécontent, "Ne dis donc pas de bêtises"… j'insiste : Est-ce que tu m'aimes, dis-le-moi.
— Mais tu le sais…
— Mais je voudrais que tu me le dises. Dis-le, papa, tu m'aimes ou non ?… sur un ton, cette fois, comminatoire et solennel qui lui fait pressentir ce qui va suivre et l'incite à laisser sortir, c'est juste pour jouer, c'est juste pour rire… ces mots ridicules, indécents : "Mais oui, mon petit bêta, je t'aime." »
Quel temps domine dans le texte ?
Quel est le point de vue du narrateur dans cet extrait ?
À quel genre du récit de soi ce texte appartient-il ?
Dans les phrases suivantes, à quel moment de la vie de l'auteure les pronoms de la première personne mis en gras renvoient-ils ?
« Nous sommes passés par l'entrée du Grand Luxembourg qui fait face au Sénat et nous nous dirigeons vers la gauche »
« Je savais que ces mots "tu m'aimes", "je t'aime" étaient de ceux qui le feraient se rétracter »
Dans les phrases suivantes, à quel moment de la vie de l'autrice les pronoms de la première personne mis en gras renvoient-ils ?
« Il me semble que nous nous taisons. En tout cas, de ce qui a pu être dit ne sont restés que ces mots que j'entends encore très distinctement »
Quelle phrase montre que le souvenir est lointain pour l'autrice ?
Pourquoi la narratrice enfant demande-t-elle à son père s'il l'aime ?
Quelle phrase montre le regard porté par la narratrice adulte sur ce souvenir ?
Pourquoi le père de la narratrice n'aime-t-il pas dire « Je t'aime » à sa fille ?
Quels liens semblent unir le père et sa fille ?
Quelle est la particularité de ce récit autobiographique ?