Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Caligula
Albert Camus
© Gallimard, 1944
« CALIGULA.
Écoute bien. Premier temps : tous les sénateurs, toutes les personnes de l'Empire qui disposent de quelque fortune – petite ou grande, c'est exactement la même chose – doivent obligatoirement déshériter leurs enfants et tester sur l'heure en faveur de l'État.
L'INTENDANT.
Mais César…
CALIGULA.
Je ne t'ai pas encore donné la parole. À raison de nos besoins, nous ferons mourir ces personnages dans l'ordre d'une liste établie arbitrairement. À l'occasion, nous pourrons modifier cet ordre – toujours arbitrairement. Et nous hériterons.
CAESONIA, se dégageant.
Qu'est-ce qui te prend ?
CALIGULA, imperturbable.
L'ordre des exécutions n'a en effet aucune importance. Ou plutôt ces exécutions ont une importance égale, ce qui entraîne qu'elles n'en ont point. D'ailleurs, ils sont aussi coupables les uns que les autres. (Rudement à l'intendant) Tu exécuteras ces ordres sans délai. Les testaments seront signés dans la soirée par tous les habitants de Rome, dans un mois au plus tard par tous les provinciaux. Envoie des courriers.
L'INTENDANT, de plus en plus abruti.
César, tu ne rends pas compte.
CALIGULA.
Non, c'est toi. (Avec violence.) Écoute-moi bien. Si le Trésor a de l'importance, alors la vie humaine n'en a pas. J'ai décidé d'être logique. Vous allez voir ce que la logique va vous coûter. J'ai le pouvoir. J'exterminerai les contradicteurs et les contradictions. S'il le faut, je commencerai par toi. Ton premier mot pour saluer mon retour a été le Trésor. Je te le répète, on ne peut pas mettre le Trésor et la vie humaine sur le même plan. Augmenter l'un, c'est démonétiser l'autre. Toi, tu as choisi. Moi, j'entre dans ton jeu. Je joue avec tes cartes. (Un temps – avec calme.) D'ailleurs mon plan par sa simplicité est génial. Tu as trois secondes pour disparaître. Je compte : un... »
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Le genre littéraire de ce texte est théâtral. Cette pièce intitulée Caligula est écrite par Albert Camus.
Comment nomme-t-on les mots écrits en italique ?
Les mots écrits en italique s'appellent des didascalies. Ce sont des informations destinées aux lecteurs et au metteur en scène. Elles renseignent sur les gestes, les mouvements, les déplacements (« se dégageant ») des personnages, sur les émotions à laisser paraître (« imperturbable »), sur l'intonation de leurs paroles (« Rudement à l'intendant »). Elles servent donc au jeu des comédiens.
Quels sont les personnages de cet extrait ?
Les personnages de cet extrait sont Caligula, l'Intendant, Caesonia. Caligula est l'empereur, Caesonia, son épouse et l'Intendant est le conseiller. Les noms des personnages sont visibles grâce à l'utilisation des majuscules pour introduire leur nom avant chaque réplique.
Quel est le sujet de cet extrait de Caligula ?
Le sujet de cet extrait de Caligula est que les riches doivent déshériter leurs enfants et les faire mourir comme le suggère la première parole de l'empereur : « Premier temps : tous les sénateurs, toutes les personnes de l'Empire qui disposent de quelque fortune – petite ou grande, c'est exactement la même chose – doivent obligatoirement déshériter leurs enfants et tester sur l'heure en faveur de l'État. » Puis viendra le temps des exécutions de ces personnes afin de libérer la place : « À raison de nos besoins, nous ferons mourir ces personnages dans l'ordre d'une liste établie arbitrairement. »
Par quel moyen l'empereur Caligula assoit-il son autorité à l'égard de son Intendant ?
L'empereur Caligula assoit son autorité à l'égard de son Intendant en lui donnant des ordres soit en utilisant l'impératif présent (« Écoute bien », « Écoute-moi bien ») soit en utilisant le futur de l'indicatif (« Tu exécuteras ces ordres sans délai. ») Il fait preuve de violence dans ses paroles comme le suggèrent les didascalies : « (Avec violence.) », « (Rudement à l'intendant) ». Caligula affirme également son pouvoir de manière catégorique et ferme : « J'ai le pouvoir. »
Quelle est la valeur de ce verbe au futur de l'indicatif « exécuteras » dans la phrase « Tu exécuteras ces ordres sans délai. » ?
La valeur de ce verbe au futur de l'indicatif « exécuteras » dans la phrase « Tu exécuteras ces ordres sans délai. » est l'ordre. Une fois encore, Caligula exerce son autorité pour imposer son pouvoir.
Quelle est la valeur de ce verbe à l'impératif présent « Écoute bien » ?
La valeur de ce verbe à l'impératif présent « Écoute bien » est l'ordre. Caligula ordonne de manière autoritaire à son Intendant de l'écouter afin qu'il mette bien à exécution son plan d'extermination.
De quelle manière peut être qualifié le raisonnement mené par Caligula ?
Le raisonnement mené par Caligula peut être qualifié de contradictoire, d'arbitraire et d'absurde. Le choix des exécutions repose sur « une liste établie arbitrairement » tout comme les exécutions qui n'ont aucun sens : « L'ordre des exécutions n'a en effet aucune importance. Ou plutôt ces exécutions ont une importance égale, ce qui entraîne qu'elles n'en ont point. D'ailleurs, ils sont aussi coupables les uns que les autres. » Il semble peu logique et donc contradictoire d'éliminer les personnes qui peuvent rapporter de l'argent au royaume, c'est-à-dire les riches : « tous les sénateurs, toutes les personnes de l'Empire qui disposent de quelque fortune – petite ou grande, c'est exactement la même chose – doivent obligatoirement déshériter leurs enfants et tester sur l'heure en faveur de l'État. » En disant tout et son contraire, Caligula est dans une contradiction perpétuelle qui montre la non validité de son raisonnement. Malgré la gratuité de ce dernier, Caligula va commettre des crimes. Son raisonnement est absurde. L'empereur romain Caligula exerce donc sa tyrannie en poussant la logique aux limites de l'absurde.
L'absurde ici utilisé répond aux idées du courant littéraire, culturel, artistique qui porte le même nom. Né au milieu du XXe siècle, l'absurde répond à une angoisse existentielle nourrie par les horreurs des deux guerres mondiales, par le totalitarisme.
Quel est le suffixe de l'adverbe « arbitrairement » ?
Le suffixe de cet adverbe « arbitrairement » est -ment, il est ajouté au radical « arbitraire ». Le suffixe renseigne sur la manière dont Caligula va procéder ici, à savoir de manière totalement injuste et illogique.
Quel est le type de la phrase « Qu'est-ce qui te prend ? » ?
« Qu'est-ce qui te prend ? » est une phrase interrogative, comme le prouvent la présence du point d'interrogation et l'inversion sujet-verbe dans l'outil interrogatif « qu'est-ce que ». Cette interrogation traduit l'étonnement et la profonde incompréhension de l'Intendant aux mots de Caligula.