Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
« L'huître », Le Parti pris des choses
Francis Ponge
© Poésie Gallimard, 1942
« L'huître, de la grosseur d'un galet moyen, est d'une apparence plus rugueuse, d'une couleur moins unie, brillamment blanchâtre. C'est un monde opiniâtrement clos. Pourtant on peut l'ouvrir : il faut alors la tenir au creux d'un torchon, se servir d'un couteau ébréché et peu franc, s'y reprendre à plusieurs fois. Les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles : c'est un travail grossier. Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe de ronds blancs, d'une sorte de halos.
À l'intérieur l'on trouve tout un monde, à boire et à manger : sous un firmament (à proprement parler) de nacre, les cieux d'en-dessus s'affaissent sur les cieux d'en-dessous, pour ne plus former qu'une mare, un sachet visqueux et verdâtre, qui flue et reflue à l'odeur et à la vue, frangé d'une dentelle noirâtre sur les bords.
Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner. »
Quel est le type de ce texte ?
Francis Ponge décrit l'huître. Il emploie le champ lexical des cinq sens pour que le lecteur se représente au mieux l'huître. Il emploie également le vocabulaire de l'univers. Ponge fait ainsi ressortir l'aspect prosaïque, c'est-à-dire banal de l'huître tout en soulignant son aspect noble.
Quel est le genre littéraire de ce texte ?
Ce texte est un poème en prose. De nombreux éléments le distinguent de la prose traditionnelle cependant et en font un véritable poème. Les nombreuses figures de style comme les comparaisons, l'oxymore, les personnifications, mais aussi les jeux sonores tels les allitérations et les assonances inscrivent ce texte dans le genre poétique. On repère aussi une homéotéleute (figure de style consistant à répéter des finales de mots) : « noirâtre », « blanchâtre », « verdâtre » qui fonctionnent presque comme des rimes.
Quelle partie de l'huître est décrite dans le premier paragraphe ?
Dans le premier paragraphe, le poète décrit l'extérieur de l'huître. Elle est comparée à un « galet ». Il ressort qu'elle est solide et qu'il est difficile de l'ouvrir. Puis Francis Ponge propose une sorte de mode d'emploi pour réussir à l'ouvrir.
Quelle partie de l'huître est décrite dans le second paragraphe ?
Dans le second paragraphe, Francis Ponge décrit l'intérieur de l'huître. Il n'utilise qu'une seule phrase. Les nombreuses juxtapositions montrent que l'intérieur de l'huître est constitué de nombreuses parties complètement différentes.
Quelle partie de l'huître est décrite dans la dernière ligne du poème ?
Le dernier paragraphe, constitué d'une seule phrase, décrit enfin la perle. Mais il faut analyser cela au sens figuré, la perle représentant la création poétique, issue de l'univers clos de l'huître « Parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner ».
Quelle figure de style est utilisée dans l'expression « brillamment blanchâtre » ?
L'oxymore est une figure de style qui réunit deux mots en apparence contradictoires. En effet, « blanchâtre » connote un côté terne, non brillant, qui s'oppose à « brillamment ». Ici, Francis Ponge montre que l'intérieur de cette huître présente des contrastes et des contraires qui, associés, forment un tout.
Quelle figure de style est utilisée dans les extraits suivants ?
« c'est un monde opiniâtrement clos », « un couteau [...] peu franc », « leur gosier de nacre »
La personnification consiste à donner à un objet, à un animal ou à une idée des caractéristiques humaines. L'opiniâtreté est une qualité humaine, c'est la capacité à être persévérant, tenace. Les termes « peu franc » sont associés au couteau alors qu'ils ont une connotation morale. Enfin, l'huître, contrairement à l'homme, n'a pas de gosier. Ces personnifications donnent un aspect différent à l'huître que l'on voit alors autrement.
Quel jeu de sonorités est utilisé dans les extraits suivants ?
« les doigts curieux s'y coupent, s'y cassent les ongles », « Les coups qu'on lui porte marquent son enveloppe ».
« parfois très rare une formule perle à leur gosier de nacre, d'où l'on trouve aussitôt à s'orner ».
« les cieux d'en-dessus s'affaissent sur les cieux d'en-dessous ».
« visqueux et verdâtre »
« flue et reflue à l'odeur et à la vue ».
L'allitération est la répétition d'un même son consonantique. Les allitérations participent, par le son, à décrire l'huître. Les allitérations en [k] et [r] produisent des sons durs, brefs, violents et explosifs. Ils symbolisent la dureté de l'huître. Les allitérations en [s] et [f] produisent des sons doux et fluides qui évoquent le vent et le mouvement de l'eau. Enfin, l'allitération en [v] produit un effet de dégoût face à la consistance et à la couleur de l'huître.
Quel jeu de sonorités est utilisé dans l'extrait suivant ?
« flue et reflue à l'odeur et à la vue »
L'assonance est la répétition d'un même son vocalique. Le son [u] a une connotation inquiétante par l'effet désagréable qu'il produit à l'oreille associé à l'allitération en [f].
Que crée Francis Ponge dans ce poème ?
Au XXe siècle, de nombreux poètes choisissent des objets du quotidien comme sujet poétique. Ils souhaitent donner une nouvelle vision du monde qui nous entoure et le réinventent ainsi. Les poètes créent un nouveau monde en jouant avec les mots et les sons. Ils partagent leur vision imaginaire des choses de la réalité avec le lecteur. Pour cela, les poètes s'écartent de la tradition de la poésie lyrique basée essentiellement sur l'expression des sentiments pour s'intéresser au quotidien et aux objets. Le poète donne ainsi à voir toutes les caractéristiques de l'objet que l'on ne voit pas, que l'on ne voit plus. Dans ce poème, Francis Ponge décrit précisément l'huître. Il donne les caractéristiques extérieures et intérieures des deux coquilles. Il décrit l'animal « huître » qui vit à l'intérieur. En décrivant ainsi l'huître, le poète recrée un monde : il décrit les deux coquilles comme étant deux parties de l'Univers, le monde d'en haut (« les cieux d'en-dessus ») et le monde d'en bas (« les cieux d'en-dessous »).