Sommaire
ILes récits de création dans les textes polythéistesALes différents textes polythéistes1L'Épopée de Gilgamesh2Les mythesBLes thèmes abordés dans les textes polythéistes1La création du monde2La création de l'homme et de la femme3Le Déluge4L'origine des phénomènes naturelsIILes récits de création dans les textes monothéistesALes textes monothéistes1La Torah et la Bible2Le CoranBLes thèmes abordés dans les récits monothéistes1La création du monde2L'origine de l'homme et de la femme3Le DélugeIIILes récits de création dans les textes poétiquesALa poésie : une parole de créationBLes thèmes abordés dans la poésie1La création du monde et de l'homme : réécriture poétique2Le rôle du poète3La célébration de la naturePlusieurs textes dans le patrimoine mondial culturel et littéraire rendent compte que l'homme s'est toujours interrogé sur l'origine du monde et sur l'humanité. Ces questionnements se retrouvent dans des récits de création du monde appelés encore « cosmogonies » en faisant référence à la naissance d'un ordre (cosmos) là où avant régnait le désordre (chaos). Ces récits de création sont présents dans les textes polythéistes, dans les textes monothéistes et dans les textes poétiques. Les thèmes abordés sont la création du monde, l'origine de l'homme et de la femme, le Déluge, la célébration de la nature. Avec des points communs et des différences, tous ces récits de création abordent des questions fondamentales propres à l'homme comme l'origine du monde, la place de l'être humain dans la nature et dans l'Univers, le comportement des êtres humains.
Quelles visions de la création du monde sont données par ces récits de création ? Quelles réponses à des questions fondamentales sont apportées par de tels textes ?
Les récits de création dans les textes polythéistes
Les récits de création forment un ensemble de textes que l'on appelle des « cosmogonies ». Les textes polythéistes sont les textes de religions polythéistes, donc de religions dans lesquelles il y a plusieurs dieux. Les thèmes abordés sont la création du monde, l'origine de l'homme et de la femme, le Déluge.
Les différents textes polythéistes
Les textes polythéistes les plus connus sont l'Épopée de Gilgamesh et les mythes antiques.
L'Épopée de Gilgamesh
L'Épopée de Gilgamesh est le plus ancien récit connu.
L'Épopée de Gilgamesh a été découverte et déchiffrée à la fin du XIXe siècle. Les premiers épisodes ont été écrits en 2500 av. J.-C. L'écriture des récits de l'Épopée de Gilgamesh a connu des modifications et des ajouts jusqu'à environ 1000 av. J.-C. Les archéologues ont retrouvé environ deux tiers de la totalité du texte sur des tablettes d'argiles en écriture cunéiforme, l'écriture qui était pratiquée en Babylonie (actuellement l'Irak).
L'Épopée de Gilgamesh est un long poème qui raconte les aventures et les exploits de Gilgamesh, le roi du pays de Sumer situé en Mésopotamie. Il est reconnu pour être le cinquième roi après le Déluge. Il aurait régné vers 2600 av. J.-C. sur Uruk, une ville fondée au Ve millénaire av. J.-C. C'est un roi divinisé.
L'histoire de Gilgamesh était très connue dans cette partie du monde : les auteurs de la Bible en ont eu certainement connaissance et ils l'ont reprise, avec des modifications, dans la Genèse. L'Épopée de Gilgamesh apparaît donc comme le texte source de tous les textes fondateurs. Il traverse les frontières et les siècles pour parvenir en Palestine et en Grèce, inspirant à la fois la mythologie gréco-romaine et la Bible.
Les mythes
Les mythes antiques du monde gréco-romain abordent également le récit de la création du monde et des hommes. Les dieux jouent un rôle très important. On retrouve des mythes partout dans le monde.
Mythe
Un mythe est un récit qui explique les phénomènes naturels comme l'origine de l'Univers ou les grands sentiments humains comme l'angoisse, le désir.
Les mythes illustrent et justifient les règles de conduite à suivre et à respecter pour assurer une bonne organisation de la vie collective.
Les mythes antiques sont écrits par des auteurs comme Virgile et Tite-Live ou encore Ovide qui en a repris plusieurs dans les Métamorphoses. Les Métamorphoses, écrits en vers et en latin par le poète Ovide entre le IIe siècle et le VIIIe siècle apr. J.-C., est un vaste recueil de plus de deux cents récits mythologiques. Chaque mythe est fondé sur une métamorphose.
Métamorphose
Le mot « métamorphose » vient du préfixe grec méta- qui indique un changement, et du nom morphê qui signifie « forme ». La métamorphose est donc le passage d'une forme à une autre.
Chaque civilisation humaine a créé ses mythes. On distingue ainsi :
- Les mythes des habitants de l'Europe du Nord : ils sont réunis dans l'Edda poétique qui constitue la plus importante source des connaissances sur la mythologie de l'Europe du Nord. Le plus célèbre de ses poèmes s'intitule « Völuspá ».
- Les textes des premiers habitants d'Australie : les Aborigènes proposent des récits de création. Le « temps du rêve » explique les origines de leur monde, de l'Australie et de tous ses habitants.
Les thèmes abordés dans les textes polythéistes
Les thèmes les plus abordés dans les textes polythéistes sont la création du monde, la création de l'homme et de la femme, le Déluge mais également l'origine des phénomènes naturels.
La création du monde
Les textes polythéistes racontent la création du monde et le rôle des dieux.
Les différents textes polythéistes, l'Épopée de Gilgamesh et les mythes de diverses civilisations abordent la question de la création du monde. C'est une question essentielle qui permet d'expliquer pourquoi les êtres humains existent.
« Un dieu, si ce n'est la bienfaisante Nature elle-même, mit fin à cette lutte, en séparant la terre du ciel, l'eau de la terre, et l'air le plus pur de l'air le plus épais. Quand il eut débrouillé ce chaos et séparé les éléments en indiquant à chacun d'eux la place qu'il devait occuper, il établit entre eux une éternelle harmonie. Puis il façonna d'abord la terre encore inégale par certains côtés, et l'arrondit en un globe immense.
Le dieu crée ensuite les vents, les cours d'eau, les montagnes, une région brûlante au milieu du globe, des régions éternellement enneigées aux pôles et entre elles des régions tempérées. »
Ovide
Métamorphoses
Ier siècle apr. J.-C.
La création du monde suit un ordre logique et précis : une mise en ordre générale pour sortir la Terre du chaos, la séparation de chaque partie, la création des éléments et des régions avec des climats différents. La création se fait en plusieurs étapes qui sont toutes liées et qui permettent d'obtenir un résultat harmonieux.
La création de l'homme et de la femme
Les textes polythéistes racontent l'histoire de la création de l'homme et de la femme par les dieux.
Les différents textes polythéistes, l'Épopée de Gilgamesh et les mythes de diverses civilisations, abordent la question de la création de l'homme et de la femme.
« Un animal plus noble, doté d'une intelligence plus élevée, et fait pour commander aux autres, manquait encore. L'homme naquit : soit que l'ouvrier sublime, qui a créé l'Univers à partir du chaos, l'ait formé à partir d'une semence divine ; soit que le fils de Japet ; détrempant avec de l'eau l'argile de la terre, l'ait façonné à l'image des dieux. Tandis que les autres animaux courbent la tête et regardent la terre, l'homme porta ses regards vers les cieux. Ainsi la terre, qui n'était auparavant qu'une masse informe et grossière, donna naissance au premier des humains. »
Ovide
Métamorphoses, livre I
Ier siècle apr. J.-C
Suite à la création du monde vient la création de l'homme. L'homme est supérieur à toutes les autres créatures comme le suggèrent le comparatif de supériorité « d'une intelligence plus élevée » et la locution conjonctive de comparaison « tandis que ». Ovide propose deux hypothèses à l'origine de l'homme sans pour autant évoquer la naissance de la femme :
- L'homme est créé par le dieu tout-puissant, « l'ouvrier céleste », à l'aide d'une « semence divine ».
- L'homme est créé par le fils de Japet, c'est-à-dire Prométhée, à l'aide de l'eau et de la terre.
Dans les deux cas, l'homme est créé à l'image des dieux et en tire ainsi une idée de perfection.
Le Déluge
On retrouve souvent le thème du Déluge dans les textes polythéistes. Le Déluge est une punition contre les hommes orgueilleux et désobéissants.
Le thème du Déluge est un thème fondateur dans de nombreuses civilisations. Il apparaît dans l'Épopée de Gilgamesh et dans les mythes. Le Déluge est décidé par les dieux pour punir le mauvais comportement des hommes, leur orgueil démesuré, leur désobéissance.
« "Voici ce que tu vas faire. Commence par démolir ton palais et récupères-en le bois. […] Utilise-le pour construire ton refuge : une Arche, en forme de cubes, de soixante mètres d'arête. Répartis sa hauteur sur sept étages, autour d'un mât central qui servira de support. Aménage neuf chambres par niveau où tu entreposeras tout ce qu'il te faut pour vivre, à ta femme et à toi. Ensuite, attends mon signal. […] La fin du monde est proche."
Tu imagines mon trouble, après une telle révélation ! ajoute Outa-naphisti. […]
Le compte à rebours était lancé. Nous attendions le grand commencement.
Tout se figea soudain. Les bêtes et les choses savaient et se taisaient.
Alors un choc sourd, au fin fond de l'espace, fracassa les digues du ciel et toutes ses réserves d'eau douce roulèrent en grondant, déchiquetèrent la voûte céleste et s'abattirent sur la terre.
Les villes furent balayées d'un coup et les hommes, hachés comme de la paille. Rien ne résista. Tout fut broyé, battu, liquéfié. »
Jacques Cassabois
Le Premier Roi du monde : l'épopée de Gilgamesh, Paris, © Le Livre de poche jeunesse
2008
Commandé par les dieux, le Déluge ressemble à un gigantesque tsunami qui engloutit tout sur son passage : nature, animaux, villes et hommes. Comme dans les religions monothéistes, un homme est sauvé parce qu'il est bon et juste : il s'appelle Outa-naphisti. Ce dernier aidera, par sa bonté, sa générosité, sa franchise, son calme, sa confiance, à reconstruire une civilisation humaine pour faire comprendre aux hommes le bon comportement à adopter pour vivre heureux.
L'origine des phénomènes naturels
Les récits de création renseignent également sur l'origine des phénomènes naturels.
Dans les récits de création datant de l'Antiquité, on trouve de nombreux textes expliquant l'origine de phénomènes naturels comme la pluie, le tonnerre, les tempêtes, les éclairs, les tremblements de terre, etc. Les récits expliquent leur origine. Ces phénomènes sont l'œuvre des dieux tout-puissants, créateurs du monde. Par ces phénomènes, les dieux cherchent également à punir les hommes de leurs défauts comme l'orgueil, la jalousie, la coquetterie, l'avarice.
« Jupiter enferma l'Aquilon, le vent capable d'écarter les nuages, et libéra le Notus, le vent du sud qui amène la pluie. Le Notus lève son visage effrayant, aussi sombre que la poix. Il déploie ses ailes, il secoue sa barbe blanche, ses cheveux ruisselants. D'une main, il presse le ventre des nues, et des cataractes se déversent. Aussitôt Iris, la messagère des dieux à la robe d'arc-en-ciel, aspire l'eau pour en nourrir les nuages. »
Françoise Rachmül (adaptation), Ovide,
16 Métamorphoses d'Ovide, © Flammarion Jeunesse
2010
Le dieu des dieux, Jupiter, convoque d'autres dieux afin de créer une tempête. L'auteur nous donne ainsi les détails et les différentes étapes de cette création : le vent apparaît, le Notus, l'eau abondante est délivrée et retourne aux nuages grâce à Iris. La pluie, soutenue par le vent, peut ainsi s'abattre sur le monde.
Les récits de création dans les textes monothéistes
Les textes monothéistes sont les textes de religions monothéistes, donc de religions dans lesquelles il n'y a qu'un seul dieu. Les thèmes abordés sont les mêmes que ceux des textes polythéistes : la création du monde, l'origine de l'homme et de la femme et le Déluge.
Les textes monothéistes
Les textes monothéistes sont la Torah, la Bible et le Coran. La présentation de ces textes se fait dans une perspective culturelle et littéraire et non dans celle d'un enseignement religieux et moral.
La Torah et la Bible
La Torah est composée de 39 livres, c'est le texte sacré des juifs. La Bible rassemble 73 livres, c'est le texte sacré des chrétiens.
Le texte sacré des juifs, la Torah, comprend 39 livres. Torah signifie « la Loi »en hébreu. Ce texte raconte la création du monde, la chute de l'homme et la vie des Hébreux. On y trouve les épisodes comme la chute d'Adam et Ève, le Déluge et les vies de divers saints comme Noé, Abraham, Moïse et Salomon.
Le texte sacré des chrétiens est la Bible. Elle est composée de 73 livres divisés en deux parties :
- L'Ancien Testament raconte ce qui s'est passé avant la naissance de Jésus-Christ. Ce texte reprend en grande partie la Torah. Il comprend 46 livres.
- Le Nouveau Testament concerne les événements de la vie de Jésus-Christ, les récits des Apôtres, les quatre Évangiles (ceux de Matthieu, Marc, Luc et Jean) ainsi que des lettres de Paul.
Le mot « Bible » vient du grec biblia qui signifie « livres ». La Bible est un ensemble de livres écrits par plusieurs auteurs, connus ou anonymes. La plupart des récits bibliques sont transmis oralement avant d'être rapportés par écrit : les plus anciens datent d'environ 1800 av. J.-C. et n'ont été écrits que bien plus tard.
La Torah et la Bible sont des livres très anciens qui s'interrogent sur la création du monde et de l'humanité. Ces histoires peuvent être lues et découvertes en dehors de toute croyance religieuse. Elles invitent à la réflexion et au questionnement et ont inspiré de nombreux artistes en Occident : peintres, musiciens, écrivains, etc.
Le Coran
Le Coran est le texte sacré de l'islam. Il a été rédigé au VIIe siècle apr. J.-C. Il est composé de différentes sourates.
Le mot « coran » signifie « récitation » en arabe. Les musulmans considèrent que le Coran a été dicté au prophète Mahomet (ou Mohammed) par Dieu afin qu'il le transmette aux hommes. Ne voulant transmettre la parole sacrée qu'oralement, le prophète Mahomet l'a récité entre 610 et 632, c'est-à-dire jusqu'à sa mort. Le Coran a été fixé à l'écrit quelques années plus tard.
Le Coran forme un seul livre. Il est écrit en arabe poétique. On retrouve dans le Coran de nombreuses allusions aux passages de la Bible : cela prouve que le prophète Mahomet connaissait ces textes.
Les chapitres du Coran sont divisés en « sourates ». Chaque sourate est elle-même divisée en versets, qui ressemblent à de petits paragraphes dans un récit ou à des strophes dans un poème.
Comme la Torah ou la Bible, le Coran est un texte fondamental qui a inspiré de nombreux artistes, notamment en Orient dans le monde musulman. La culture orientale repose en grande partie sur ce texte et le Coran influence différentes formes artistiques : peintures, architectures, livres, etc.
Les thèmes abordés dans les récits monothéistes
Les trois thèmes les plus abordés dans les textes monothéistes sont la création du monde, la création de l'homme et de la femme et le Déluge.
La création du monde
La Bible et le Coran sont deux textes sacrés qui abordent le thème de la création du monde avec des points communs et des différences.
Dans la Bible, le récit de la création du monde se situe dans la Genèse, dans l'Ancien Testament. Le mot « genèse » vient du grec genesis et signifie « naissance, origine ».
« Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. […] Dieu dit : "Que la lumière soit !" Et la lumière fut. […] Dieu dit : "Qu'il y ait une étendue entre les eaux, et qu'elle sépare les eaux d'avec les eaux." […] Dieu dit : "Que les eaux qui sont au-dessous du ciel se rassemblent en un seul lieu, et que le sec apparaisse." Et cela fut ainsi. […] Puis Dieu dit : "Que la terre produise de la verdure, de l'herbe et des arbres fruitiers et qu'ils aient en eux leur semence pour se reproduire." Et cela fut ainsi. […] Dieu dit : "Que la terre produise des animaux vivants selon leur espèce, du bétail, des reptiles et des animaux terrestres, selon leur espèce." Et cela fut ainsi. Puis Dieu dit : "Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il commande les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les reptiles qui rampent sur la terre." »
La Bible, Genèse
Pour créer les éléments et les êtres vivants, Dieu se sert de sa parole. La puissance du Verbe permet la création comme le suggère la répétition de formules utilisant l'expression de l'ordre avec le subjonctif.
Dans le Coran, la création du monde est évoquée dans différentes sourates.
« Votre Seigneur est ce Dieu qui créa les cieux et la terre en six jours ; puis il s'assit en majesté sur le trône.
Il enveloppe le jour avec la nuit, et la nuit poursuit le jour sans arrêt.
Il créa le soleil et la lune et les étoiles, soumis par son ordre à certaines lois.
La création et le gouvernement de toutes choses ne lui appartiennent-ils pas ?
Béni soit Dieu, maître de l'Univers. »
Le Coran, sourates 7 et 25
La place de Dieu est primordiale : comme dans la Bible, il est maître et responsable de la création. Il la fait de manière juste et ordonnée en six jours comme dans la Genèse pour garder le septième jour en repos et contempler son œuvre. Cependant, la force de la parole créatrice est moins mise en évidence.
L'origine de l'homme et de la femme
L'origine de l'homme et de la femme est centrale dans les récits monothéistes. Dans ces récits, la création des humains est liée à un seul dieu. Le ton y est souvent plus solennel que dans les récits polythéistes. L'être humain est fait à l'image de Dieu. Les notions du bien et du mal apparaissent dès la création d'Adam et Ève, les deux premiers humains : la faute qu'ils ont commise justifie les souffrances actuelles de la race humaine.
La Bible et le Coran proposent tous deux des récits concernant la création de l'homme et de la femme en prenant des personnages communs, Adam et Ève.
« Yahvé Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Éden pour qu'il le cultive et le garde. Yahvé Dieu donna cet ordre à l'homme : "Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras."
Yahvé Dieu dit : "Il n'est pas bon que l'homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui." Yahvé Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel et il les fit venir vers l'homme pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme. Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais, il ne trouva pas d'être semblable à lui. Alors Yahvé Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit ; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. Yahvé Dieu, avec la côte qu'il avait prise à l'homme, forma une femme qu'il amena vers l'homme. Et l'homme dit : "Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l'appellera "femme", parce qu'elle a été prise de l'homme." C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, s'attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair. »
La Bible, Genèse, 2
Dieu se soucie du bonheur et du bien-être de l'homme. Il le recommande afin qu'il se comporte bien et qu'il ne mange pas de fruit de l'arbre de la connaissance. Dieu sait que la solitude n'est pas épanouissante pour l'homme et ne permet pas de peupler la terre. Il lui donne donc une femme pour partager sa vie, pour l'accompagner et pour procréer.
Contrairement aux dieux des textes polythéistes, le dieu des textes monothéistes établit, avec les hommes, une relation précise fondée sur les notions de bien et de mal. Dès la création du monde et des êtres vivants, Dieu les prévient de ne pas commettre le mal s'ils ne veulent pas souffrir et être chassés du Paradis. Ainsi, le texte sur l'origine de l'être humain répond à une question fondamentale que se pose l'homme sur sa propre condition : pourquoi souffre-t-il ? Comment doit-il se comporter ? C'est la désobéissance d'Adam et d'Ève qui explique les souffrances des êtres humains et leur condition de mortels.
Le Coran raconte la création d'Adam et d'Ève et, immédiatement, il raconte leur châtiment. Ils ont commis une faute, celle d'avoir goûté au fruit défendu de l'arbre de la connaissance. Ils sont donc immédiatement chassés du Jardin d'Éden. (Le Coran, sourate 7, v. 28-38)
Le Déluge
Le thème du Déluge apparaît également dans les textes monothéistes. Toutefois, contrairement aux récits polythéistes, un personnage sauve l'humanité : il s'agit de Noé.
Les récits du Déluge de la Bible et du Coran partagent de nombreux points communs avec les textes polythéistes. Ainsi, le Déluge sert également de punition : Dieu se rend compte que les hommes sont mauvais et choisit de les faire disparaître avec le Déluge.
Toutefois, Dieu décide de sauver un homme bon, Noé, et sa famille. Noé va ainsi sauver non seulement l'humanité mais également les animaux en transportant dans son bateau, l'Arche de Noé, un couple d'animaux de chaque espèce.
« Yahvé dit : "J'exterminerai de la surface de la terre l'homme que j'ai créé, ainsi que le bétail, les reptiles et les oiseaux du ciel, car je regrette de les avoir faits." Mais Noé, un homme juste et honnête, trouva grâce à ses yeux. »
La Bible, Genèse
La colère de Dieu est très grande comme le suggère le verbe « exterminerai ». Les qualités de Noé sont mises en évidence par l'apposition « un homme juste et honnête ». Noé est le sauveur de l'humanité.
Les récits de création dans les textes poétiques
Les poètes se sont emparés des thèmes présents dans les récits de création soit en restant proches du texte religieux, soit en en proposant une réécriture. La poésie est donc une parole de création qui reprend les thèmes des récits de création.
La poésie : une parole de création
La parole poétique est une autre manière de dire le monde et sa création. Les poètes utilisent les différentes ressources du langage poétique et jouent avec les mots.
Le mot « poésie » vient du grec poiein qui signifie « faire, créer ». Le mot « poète » vient du grec poiêtês qui signifie le « fabricant », le « créateur ». L'étymologie de ces deux mots de la même famille souligne l'idée de création propre à la poésie.
Le poète se sert de toutes les ressources que la langue lui offre :
- les jeux sur les mots ;
- les jeux sur les sonorités : rimes, assonances, allitérations ;
- les jeux sur les images poétiques : figures de style ;
- les règles poétiques : vers, rimes, strophes, sonnets, formes fixes, régularité des vers, etc.
Le poète est doté d'une sensibilité particulière qui lui permet de voir et de dire le monde autrement. Il écrit des poèmes pour montrer comment les mots peuvent créer un monde, à l'image de Dieu qui a utilisé le verbe et sa force pour créer le monde et les hommes.
Joseph Paul Schneider, dans son poème « Tu dis » issu du recueil Entre l'arbre et l'écorce (1965), utilise l'anaphore « tu dis ». Elle est suivie immédiatement par la création de l'élément prononcé comme le sable, la forêt. La parole poétique est donc remplie d'une force et d'une puissance créatrices comme dans la Bible.
Les thèmes abordés dans la poésie
La poésie reprend des thèmes abordés dans les récits religieux et les mythes mais en propose des réécritures. Le poète détient un rôle fondamental : il est celui qui éclaire les hommes et leur dévoile le monde. Enfin, la poésie exalte la création : elle permet de faire l'éloge de la nature.
La création du monde et de l'homme : réécriture poétique
La poésie reprend le thème de la création du monde et des hommes. Le poète s'en inspire et en propose une réécriture voire une réinterprétation poétique.
La poésie est un autre moyen pour répondre aux questions fondamentales que l'homme se pose sur l'origine du monde et sur sa propre origine. La poésie reprend différents thèmes aux textes mythiques ou religieux comme la création du monde, l'origine de l'homme et de la femme, le Déluge.
Le poète peut s'inspirer des textes religieux et des mythes antiques et en rester très proches tout en proposant quelques adaptations. Il fait alors une réécriture.
« Le Déluge
Tous les vents mugissaient, les montagnes tremblèrent,
Des fleuves arrêtés les vagues reculèrent,
Et du sombre horizon dépassant la hauteur,
Des vengeances de Dieu l'immense exécuteur,
L'océan apparut. Bouillonnant et superbe,
Entraînant les forêts comme le sable et l'herbe,
De la plaine inondée envahissant le fond,
Il se couche en vainqueur dans le désert profond. […] »
Alfred de Vigny
« Le Déluge », Poèmes antiques et modernes
1838
Le thème du Déluge est visible dès le titre du poème et dans les phénomènes climatiques indiqués dans le poème. La nature se déchaîne : « mugissaient », « tremblèrent ». La vague du Déluge entraîne tout sur son passage et est bien le résultat, comme dans les textes polythéistes et monothéistes, d'une vengeance de Dieu : « Des vengeances de Dieu l'immense exécuteur ». En revanche, le poète donne une vision esthétique du Déluge comme le suggère l'adjectif qualificatif « superbe ».
Le poète peut s'inspirer des textes religieux et des mythes antiques mais s'en éloigner. Le thème devient un prétexte à une réécriture du texte source pour le remettre en question ou donner un autre point de vue.
Dans son poème « Réécritures, Adam et Ève (quatre points de vue), II » issu du recueil Démêlés, poèmes 2003-2007, Jacques Réda s'inspire du récit de la création de l'homme et de la femme pris aux différents textes des cosmogonies religieuses. On retrouve les personnages d'Adam et d'Ève, la présence du serpent, le fruit défendu, la naissance d'Ève par la « côte » d'Adam. Mais dans sa réécriture, le poète donne un caractère moins soumis à Ève en rappelant la nécessité de l'amour entre l'homme et la femme. Ce serait ainsi le message véhiculé par le serpent à travers le fruit défendu.
Le rôle du poète
Le poète joue un rôle important : il est celui qui montre aux hommes les beautés de la création et qui répond aux questions que l'on se pose. Le poète est un voyant, un sauveur ou un porte-parole. La poésie aide l'homme à mieux cerner sa place au sein du monde.
Le poète est comme un dieu qui crée des récits de création. Il dévoile le monde à ses lecteurs de différentes manières.
Dans La Nuit respire publié en 1987, Jean-Pierre Siméon compare la poésie à des lunettes aidant à mieux voir. La poésie éclaire l'homme sur le monde qui l'entoure. Il compare également la poésie à des vitamines qui donnent une bonne santé et une bonne constitution à l'homme.
Le poète devient un véritable guide pour l'homme dans sa vie personnelle, sociale et politique en attirant son attention sur l'importance des sentiments, sur les comportements à adopter, sur la vision du monde à avoir.
« Le poète
[…]
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir !
Peuples ! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé. […]
Il rayonne ! il jette sa flamme
Sur l'éternelle vérité !
Il la fait resplendir pour l'âme
D'une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs ;
À tous d'en haut il la dévoile ;
Car la poésie est l'étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs ! »
Victor Hugo
« La Fonction du poète », Les Rayons et les Ombres
1840
Dans ce poème, Victor Hugo décrit avec beaucoup d'enthousiasme et d'exaltation la mission du poète qui est de soutenir les hommes, de les éclairer, de les guider dans leur vie comme le suggère l'abondant champ lexical de la lumière : « torche », « flamboyer », « éclairé », « rayonne », « flamme », « une merveilleuse clarté », « lumière », « l'étoile ».
Le poète est celui qui apporte aux hommes une vision nouvelle du monde. Il permet aux hommes de mieux voir et de mieux comprendre le fonctionnement de la nature.
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent,
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d'autres, corrompus, riches et triomphants.
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens. »
Charles Baudelaire
« Spleen et Idéal », Les Fleurs du Mal
1857
Baudelaire voit la nature comme un lieu sacré. La métaphore du vers 1 (« La Nature est un temple où de vivants piliers ») établit cette correspondance entre la nature et un lieu sacré. Le complément circonstanciel de lieu « à travers des forêts de symboles » poursuit cette métaphore et insiste sur le caractère mystérieux de la nature. Baudelaire révèle explicitement la conception des correspondances avec le vers 8 : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » Le poète joue un rôle fondamental car il est l'intermédiaire entre la nature et les hommes. Il est le seul capable de révéler aux hommes ces correspondances. Il donne alors au lecteur des exemples de synesthésies en associant, à l'aide de comparaisons, des sensations de natures différentes comme la relation entre l'odorat (« des parfums frais »), le toucher (« doux ») et l'ouïe (« hautbois »).
La célébration de la nature
La nature est un élément important pour l'humanité. Le poète y prête une attention particulière. Pour de nombreux poètes, la nature est en effet un signe de la force créatrice de Dieu. La nature renvoie à la création par excellence. Ainsi, quand le poète célèbre la nature, il célèbre Dieu.
Les poètes du monde entier, quelle que soit leur culture, célèbrent la nature et ses richesses. C'est une façon de rappeler que la nature est une création divine universelle et que les hommes lui vouent un amour certain.
Les Bushmen sont des habitants d'Afrique du Sud. Ils vivent uniquement de chasse et de cueillette. Même s'ils sont moins nombreux qu'avant – ils sont fragilisés par leur mode de vie –, ils vouent un très grand amour à la nature et la remercient dans de très beaux poèmes. Ils utilisent souvent la forme de la prière par laquelle il s'adresse à une divinité pour la célébrer, pour la remercier, pour lui demander quelque chose.
Les poètes remercient la nature et la beauté de ses éléments. Ils lui rendent grâce tout en y mêlant l'expression de sentiments personnels.
Les poètes japonais choisissent de saisir des instants en lien avec la nature en les écrivant dans des textes très courts appelés « haïkus ». Un haïku est un très court poème qui ne contient que dix-sept syllabes réparties en trois vers. Le haïku peut par exemple évoquer un paysage pour suggérer un sentiment.
Le poète rend hommage à la nature en utilisant des hymnes.
Hymne
Un hymne est un chant, un poème lyrique qui exprime la joie, l'enthousiasme éprouvés au contact d'une personne, d'une chose, et qui célèbre une personne, une chose.
« Je te salue, ô Terre, ô Terre porte-grains,
Porte-or, porte-santé, porte-habits, porte-humains,
Porte-fruits, porte-tours, mère, belle, immobile,
Patiente, diverse, odorante, fertile,
Vêtue d'un manteau tout damassé de fleurs,
Passementé de flots, bigarré de couleurs.
Je te salue, ô cœur, racine, base ronde,
Pied du grand animal qu'on appelle le Monde,
Chaste épouse du Ciel, solide fondement
Des étages divers d'un si grand bâtiment.
Je te salue, ô sœur, mère, nourrice, hôtesse
Du Roi des animaux. Tout, ô grande princesse,
Vit en faveur de toi. »
Guillaume de Saluste Du Bartas
La Sepmaine ou Création du monde
1578
Le poète célèbre particulièrement la Terre dans la création du monde comme le souligne la répétition de « je te salue » et de l'interjection « ô ». Il fait sa louange et vante tous les bienfaits réalisés pour l'homme avec l'accumulation aux vers 2 et 3 de tout ce qu'elle a « porté ». Les différentes répétitions et l'utilisation des termes mélioratifs comme « belle, patiente, odorante, fertile, chaste épouse » renvoient à l'enthousiasme du poète ressenti au contact des beautés de la Terre.