Sommaire
IDéfinitions de la poésie et du lyrismeIILa poésie au XIXe siècleALa poésie romantiqueBBaudelaire : la naissance de la modernité poétiqueCLa poésie symbolisteIIILa poésie au XXe siècleALe thème de la villeBLe thème du quotidienLa poésie est un genre littéraire majeur. Le poète joue avec les mots et leurs significations, les sons et les rythmes. Il cherche à traduire des émotions, créer des images, éveiller des sensations chez les lecteurs. Il donne à voir le monde (la nature, la ville, le quotidien, etc.) d'une façon particulière. Les XIXe et XXe siècles rendent particulièrement compte de l'importance de la poésie.
En quoi la poésie permet-elle la célébration du monde et de ses différents éléments ? De quelle manière le poète rend-il compte de ses visions du monde et de son expérience poétique ?
Définitions de la poésie et du lyrisme
La poésie est l'art du faire et de la création. Le poète engage toute sa personne et fait part de ses sentiments. On parle de poésie lyrique.
Le mot poésie vient du grec poïeïn et signifie « faire, créer, fabriquer ». Le poète est un créateur. Il trouve les mots pour dire les choses du monde qui l'entoure. Il parvient à voir et à comprendre les choses les plus insignifiantes afin de les donner à lire et à voir aux lecteurs.
Dans l'Antiquité, la poésie est un art chanté qui est accompagné de musique. Depuis, la poésie continue à jouer sur les rythmes et les sonorités. Le lyrisme s'appuie tout particulièrement sur la musicalité du poème et sur l'expression des sentiments du poète.
La poésie lyrique invite le poète à dire « je ». Le poète confie ses sentiments personnels et intimes, il fait part de ses émotions liées au monde qui l'entoure. Les principaux thèmes lyriques sont l'amour, la mort, la religion, la nature et le temps qui passe.
Le thème de l'amour est omniprésent dans la poésie lyrique et connaît plusieurs variations au cours des siècles. Au XVIe siècle, les poètes de la Pléiade (Ronsard, Du Bellay) recherchent plus la manière esthétique d'exprimer l'amour que le sentiment réel comme les poètes romantiques au XIXe siècle qui cherchent plus à libérer l'expression de leur propre moi.
Plusieurs thèmes lyriques peuvent être utilisés dans un même poème.
Hélène de Surgères est une des femmes aimées par Ronsard. Le poète lui écrit plusieurs poèmes.
« Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :
"Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle."
Lors vous n'aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de mon nom ne s'aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.
Je serai sous la terre, et fantôme sans os
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;
Vous serez une vieille accroupie,
Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. »
Pierre de Ronsard
Sonnets pour Hélène
1578
Dans ce sonnet, la présence du poète est visible par l'utilisation de la première personne : « mes », « me », « mon », « je » et par son nom donné explicitement au vers 3, « Ronsard ». Le thème lyrique de l'amour, « mon amour », côtoie celui de la vieillesse (« une vieille accroupie ») et de la mort mise en évidence par des euphémismes (« assise », « à demi sommeillant », « sous la terre », « je prendrai mon repos ») ou par une métaphore (« fantôme sans os »). Le poète invite ainsi Hélène à profiter de la vie présente comme le suggère la chute du sonnet qui reprend le carpe diem du poète latin Horace : « Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain : / Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. »
La poésie au XIXe siècle
La poésie occupe une place importante sur la scène littéraire du XIXe siècle. Elle ne cesse de se renouveler et d'évoluer. La poésie romantique marque le début du XIXe siècle. Baudelaire est un poète particulier qui permet la naissance de la modernité poétique. Enfin, la poésie symboliste apparaît durant la deuxième moitié du XIXe siècle.
La poésie romantique
La poésie romantique occupe une place centrale dans la littérature du XIXe siècle. Victor Hugo est considéré comme le chef de file de ce mouvement. La poésie romantique aborde différents thèmes : l'expression des sentiments personnels, la nature, le besoin d'évasion.
Le mot romantisme est construit sur l'adjectif « romantique » qui renvoie à l'origine aux émotions des lecteurs de romans. Il qualifie ensuite le mouvement romantique littéraire, artistique, culturel européen du XIXe siècle. Le romantisme connaît son apogée entre 1820 et 1830.
La poésie romantique recherche l'expression libre des sentiments, l'exaltation du moi. Les poètes romantiques font part de leurs désillusions et leur désenchantement liés aux différents événements du XIXe siècle : l'avènement difficile de la démocratie, la chute de Napoléon Ier, la monarchie de Juillet et la IIe République, le Second Empire et le régime autoritaire de Napoléon III. Les poètes romantiques sont marqués par la révolution industrielle qui modifie en profondeur les conditions de travail et le cadre de vie des ouvriers et est à l'origine de nombreux progrès scientifiques et techniques.
Victor Hugo (1802-1885) est le chef de file du romantisme. Son œuvre poétique reprend toutes les caractéristiques majeures du romantisme.
Selon Victor Hugo, le poète a pour mission de guider les hommes dans leur vie personnelle, sociale, politique, d'attirer leur attention sur l'importance des sentiments, sur le comportement à adopter, sur la vision à avoir du monde et des faits de société.
« Le poète
[…]
Comme une torche qu'il secoue,
Faire flamboyer l'avenir !
Peuples ! écoutez le poète !
Écoutez le rêveur sacré :
Dans votre nuit, sans lui complète,
Lui seul a le front éclairé. […]
Il rayonne ! il jette sa flamme
Sur l'éternelle vérité !
Il la fait resplendir pour l'âme
D'une merveilleuse clarté.
Il inonde de sa lumière
Ville et désert, Louvre et chaumière,
Et les plaines et les hauteurs ;
À tous d'en haut il la dévoile ;
Car la poésie est l'étoile
Qui mène à Dieu rois et pasteurs ! »
Victor Hugo
Les Rayons et les Ombres
1840
Dans ce poème, Victor Hugo décrit avec beaucoup d'enthousiasme et d'exaltation la mission du poète qui est de soutenir les hommes, de les éclairer, de les guider dans leur vie comme le suggère l'abondant champ lexical de la lumière : « torche », « flamboyer », « éclairé », « rayonne », « flamme », « une merveilleuse clarté », « lumière », « l'étoile ».
Les autres auteurs majeurs de la poésie romantique sont Lamartine, Vigny et Musset.
La poésie romantique est d'abord l'expression des sentiments personnels.
Ce poème est dédié à Elvire, nom poétique de Julie Charles dont le poète est amoureux. Elle meurt d'une grave maladie. Le poète revient sur les rives du lac du Bourget qu'ils ont parcourues tous deux, amoureux et heureux.
« Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?
Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir ! […]
Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.
Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :
"Ô temps ! suspends ton vol et vous, heures propices ;
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours ! […]
Aimons donc, aimons donc ! De l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons !" […] »
Alphonse de Lamartine
Méditations poétiques
1820
Le poète utilise la première personne pour exprimer ses différents sentiments : l'amour (« aimons donc, aimons donc »), la solitude (« seul »), la nostalgie des souvenirs (troisième strophe), la souffrance à l'égard du temps qui passe comme le suggère la métaphore « sur l'océan des âges / Jeter l'ancre un seul jour », les adresses directes au temps (« Ô temps ») et les ordres qui lui sont donnés à l'impératif (« suspends », « suspendez », « laissez-nous ») pour lui demander de ralentir son rythme car le temps s'écoule trop vite.
La nature est un thème majeur dans la poésie romantique.
« Qu'il est doux d'être au monde, et quel bien que la vie !
Tu le disais ce soir par un beau jour d'été.
Tu le disais, ami, dans un site enchanté,
Sur le plus vert coteau de ta forêt chérie.
Nos chevaux, au soleil, foulaient l'herbe fleurie :
Et moi, silencieux, courant à ton côté,
Je laissais au hasard flotter ma rêverie ;
Mais dans le fond du cœur je me suis répété !
Oui, la vie est un bien, la joie est une ivresse ;
Il est doux d'en user sans crainte et sans soucis ;
Il est doux de fêter les dieux de la jeunesse,
De couronner de fleurs son verre et sa maîtresse,
D'avoir vécu trente ans comme Dieu l'a permis,
Et, si jeunes encor, d'être de vieux amis. »
Alfred de Musset
« Quel bien que la vie ! », Poésies nouvelles
1852
Dans ce sonnet, Musset exprime sa joie d'être dans la nature dès le premier vers par la modalité exclamative (« Qu'il est doux d'être au monde, et quel bien que la vie ! »). Pour mettre en évidence sa sensation de bien-être, il emploie plusieurs mots mélioratifs comme « doux », « enchanté », « fleurie », « bien », « joie » et donne plusieurs détails sur le cadre « un beau jour d'été », « le plus vert coteau », « l'herbe fleurie ». L'adjectif qualificatif « chérie » placé à la rime montre la grande considération quasi amoureuse du poète pour la nature.
Enfin, les poètes romantiques mettent en mots leur désir d'évasion et de liberté.
Au XIXe siècle, le goût pour l'Orient se développe et les poètes romantiques évoquent les pays orientaux dans leurs poèmes. L'Orient est un moyen pour exprimer l'évasion et la liberté.
Baudelaire : la naissance de la modernité poétique
Baudelaire marque particulièrement le XIXe siècle. Il met en place une nouvelle poésie, plus moderne dans la forme, avec des thèmes nouveaux.
Charles Baudelaire (1821-1867) occupe une place particulière dans la poésie du XIXe siècle : tout en se basant sur la tradition, il renouvelle les formes et les thèmes poétiques. Son recueil de poèmes, Les Fleurs du Mal, publié en 1857, fait scandale et connaît plusieurs procès. Des poèmes sont interdits : ils sont considérés comme faisant outrages aux bonnes mœurs. Baudelaire aborde en effet des thèmes comme l'alcool, la drogue ou encore la prostitution.
Pour Baudelaire, le poète est celui qui apporte aux lecteurs une vision nouvelle, qui leur permet de voir ce qui est caché dans la nature.
« La Nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.
Comme de longs échos qui de loin se confondent,
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.
Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
— Et d'autres, corrompus, riches et triomphants.
Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens. »
Charles Baudelaire
« Correspondances », Spleen et idéal, Les Fleurs du Mal
1857
Baudelaire voit la nature comme un lieu sacré. La métaphore du vers 1 (« La Nature est un temple où de vivants piliers ») établit cette correspondance entre la nature et un lieu sacré. Le complément circonstanciel de lieu « à travers des forêts de symboles » poursuit cette métaphore et insiste sur le caractère mystérieux de la nature. Baudelaire révèle explicitement la conception des correspondances avec le vers 8 : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. » Le poète joue un rôle fondamental car il est l'intermédiaire entre la nature et les hommes. Il est le seul capable de révéler aux hommes ces correspondances. Il donne alors au lecteur des exemples de synesthésies en associant, à l'aide de comparaisons, des sensations de natures différentes comme la relation entre l'odorat (« des parfums frais »), le toucher (« doux ») et l'ouïe (« hautbois »).
Baudelaire aborde d'autres thèmes plus classiques, comme la mort, l'amour, l'envie de voyage, etc. Il insiste particulièrement sur un thème, la mélancolie, qu'il appelle « spleen » (terme anglais).
Baudelaire intitule un de ses poèmes « Spleen ». Il décrit cet état qui va du malaise physique à l'angoisse morale en utilisant le vocabulaire de l'enfermement et le champ lexical de la mort.
Enfin, Baudelaire met au cœur de sa poésie le monde qui l'entoure et notamment la ville moderne. Baudelaire en fait un objet poétique, elle peut être belle et pleine d'espoir ou bien plus triste, plus sombre, associée au mal.
- Dans le poème « Spleen LXXV », Baudelaire donne une vision négative de la ville qui apparaît triste et brumeuse et qui est porteuse de mort.
- Au contraire, dans le poème « Paysage », Baudelaire propose une image plus positive de la ville. Il écrit que la hauteur des bâtiments de la ville lui permet de se rapprocher du ciel. La ville devient un symbole de l'inspiration.
La poésie symboliste
La poésie symboliste apparaît à la fin du XIXe siècle. Les poètes symbolistes s'intéressent particulièrement à la musicalité de la langue et fuient le réalisme. Leurs poèmes sont souvent mystérieux. Les principaux poètes symbolistes sont Paul Verlaine (1844-1896) et Arthur Rimbaud (1854-1891).
Le symbolisme s'oppose à la matière et au concret. Les poètes symbolistes pensent qu'il faut déchiffrer et comprendre le monde qui est plein de symboles.
Symbole
Un symbole est un être ou un objet qui représente, par analogie, une idée ou une notion abstraite.
La rose rouge est le symbole de l'amour.
Pour Arthur Rimbaud, le poète est le seul capable de percevoir l'existence de la réalité supérieure.
« Le poète se fait voyant par un long, immense et déraisonné dérèglement de tous les sens »
Lettres du voyant
1871
La poésie symboliste accorde une place importante aux sonorités, au rythme, à la musicalité.
« De la musique avant toute chose,
Et pour cela préfère l'Impair,
Plus vague et plus soluble dans l'air,
Sans rien en lui qui pèse ou qui pose. »
Paul Verlaine
« Art poétique », Jadis et naguère
1884
Dès le premier vers, le poète insiste sur l'importance de la musique. Il utilise un vers impair de neuf syllabes, ce qui lui permet de créer une musique particulière : en poésie, les vers pairs sont habituellement privilégiés.
La poésie au XXe siècle
La poésie du XXe siècle s'inscrit dans la modernité. Les poètes ont de plus en plus conscience de vivre dans un monde nouveau qui change et qui évolue. Ils veulent rendre compte de ces changements et de ces évolutions. De très nombreux mouvements et groupes de poètes voient le jour, ils expérimentent. Deux thèmes fondamentaux émergent au XXe siècle : le thème de la ville et celui du quotidien.
Le thème de la ville
Baudelaire a ouvert la voie : au XXe siècle, la ville prend une place primordiale en poésie. Elle peut symboliser la joie et les possibilités, mais elle est également souvent mystérieuse ou dangereuse.
De nombreux poètes mettent en avant le dynamisme de la ville. Ils décrivent la ville comme un lieu joyeux, c'est le lieu de tous les possibles. La ville est exaltante et positive.
« Marseille, écoute-moi, je t'en prie, sois attentive,
Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur,
Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu
Ô toi toujours en partance
Et qui ne peux t'en aller,
À cause de toutes ces ancres qui te mordillent sous la mer. »
Jules Supervielle
« Marseille », Débarcadères
© Gallimard, 1927
Supervielle propose une vision exaltée et remplie de joie de la ville Marseille. Il s'adresse directement à la ville avec l'emploi de l'impératif : « écoute-moi », « sois attentive ». Il la considère comme une personne vivante et s'adresse à elle comme si elle était la femme aimée : « Je voudrais te prendre dans un coin, te parler avec douceur / Reste donc un peu tranquille que nous nous regardions un peu ». Le poète propose une personnification de la ville à qui il déclare son amour.
La ville est également un lieu inquiétant, elle symbolise l'angoisse, malgré l'attirance que les poètes peuvent avoir pour la ville, ils éprouvent de l'ambivalence à son égard.
Dans le poème « New York », extrait du recueil Éthiopiques (1956), Léopold Sédar Senghor évoque les sentiments ambivalents que cette grande ville a éveillés en lui. Dans ce poème en vers libres, le poète manifeste son étonnement et porte sur la ville de New York un regard à la fois admiratif et timide.
Le thème du quotidien
Au XXe siècle, le poète trouve son inspiration dans le monde quotidien et exprime sa relation avec celui-ci. Des objets apparemment sans intérêt deviennent des sujets de poèmes.
Au XXe siècle, plusieurs poètes choisissent de célébrer le quotidien. Ils attirent le regard du lecteur sur les objets qui l'entoure et leur montrent sous un nouveau jour.
Dans le poème « Le Cageot », extrait du recueil Le Parti pris des choses (1942), Francis Ponge donne à voir sa vision d'un cageot. Il accorde de l'attention à un objet banal qui passe quasiment inaperçu dans le quotidien.