On donne à étudier le document suivant :
Groupes sociaux et consommation, d'Engel à Bourdieu
Alternatives économiques
Novembre 1998
Ernst Engel, statisticien du siècle dernier - à ne pas confondre avec Engels, l'ami de Marx -, est le premier à avoir cherché des lois statistiques sur la consommation.
Il découvre que les coefficients budgétaires des divers postes de consommation dépendent étroitement du niveau des ressources. Le sociologue français Maurice Halbwachs (1877 - 1945) montre les insuffisances de ce constat. Selon lui, les différences de classes peuvent avoir un effet sur la structure de la consommation indépendamment du seul effet des différences de revenu. En effet, si les classes sociales se distinguent par leurs moyens financiers, la façon dont elles satisfont leurs besoins est en grande partie dictée par leur représentation sociale. Les goûts et les préférences des individus sont largement modelés par leur milieu d'origine et par les traditions et le système de valeurs que ce dernier véhicule. Des groupes proches par leurs revenus, comme les enseignants et une partie des commerçants, n'ont pas la même structure de consommation. Et une personne qui change de milieu n'adoptera qu'en partie les pratiques de son nouveau groupe.
Pierre Bourdieu reprend ce raisonnement à travers le concept d'habitus. Il écrit dans La Distinction : "Ce que la statistique enregistre sous la forme de systèmes de besoins n'est autre chose que la cohérence des choix d'un habitus." La logique des besoins individuels cache un ensemble de dispositions symboliques intériorisées par les membres des différents groupes sociaux. La consommation alimentaire est, sur ce point, assez révélatrice : les ouvriers considèrent le corps comme un simple outil de travail que la nourriture doit rendre suffisamment fort ; les cadres, au contraire, voient le corps comme une fin en soi. D'où l'idéal de minceur, que la nourriture saine et les pratiques sportives doivent contribuer à atteindre. La consommation ne tend pas uniquement à la satisfaction privée des besoins. Consommer, notamment des biens de luxe, est un acte social. On doit au sociologue américain Thorstein Veblen (1857 - 1929) l'expression de "consommation ostentatoire". Elle serait l'attribut d'une classe sociale riche et oisive, la "classe de loisir", caractérisée par le mépris du travail manuel, le culte du luxe, du prestige et de l'apparence. Veblen réunit dans cette classe les aristocrates, les bourgeois et les parvenus, qu'il oppose à la classe ouvrière, dont les modes de consommation sont dictés par la nécessité.
D'après le texte proposé, quels sont les principaux déterminants de la consommation ?
Comment peut-on expliquer les différences de structures de consommation ?
D'après les thèses de Bourdieu et de Veblen, comment la bourgeoisie se distingue-t-elle du reste de la population par le biais de ses habitudes alimentaires ?