Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, autrement dite Amérique
Jean de Léry
1578
« Les Sauvages de l'Amérique habitant en la terre du Brésil nommés Tupinambas, avec lesquels j'ai demeuré et fréquenté environ un an, n'étant point plus grands, plus gros, ou plus petits de stature que nous sommes en l'Europe, ils n'ont le corps ni monstrueux, ni prodigieux à notre égard : au contraire, ils sont plus forts, plus robustes et replets, plus dispos, moins sujets à la maladie : et même il n'y a presque point de boiteux, de manchots, d'aveugles, de borgnes, contrefaits, ni d'estropiés entre eux. En outre, tandis que plusieurs parviennent jusqu'à l'âge de cent ou cent vingt ans (car ils savent bien ainsi retenir et conter leurs âges par 10 lunes), il y en a peu qui en leur vieillesse aient les cheveux ni blancs ni gris. Choses qui pour certains montrent non seulement le bon air et bonne température de leur pays, dans lequel, comme j'ai dit ailleurs, sans gelées ni grandes froidures, les bois et les champs sont toujours verdoyants, mais aussi (eux tous buvant vraiment à la fontaine de Jouvence) le peu de soin et de souci qu'ils ont des choses de ce monde. Et de fait, comme je le montrerai encore plus amplement après, dans la mesure où ils ne puisent en aucune façon que ce soit en ces sources fangeuses ou plutôt pestilentielles, dont découlent tant de ruisseaux qui nous rongent les os, sucent la moelle, atténuent le corps, et consument l'esprit : bref nous empoisonnent et font mourir devant nos jours (c'est-à-dire en la défiance, en l'avarice qui en procède, aux procès et brouilleries, en l'envie et l'ambition), aussi rien de tout cela ne les tourmente ; et encore moins ne les domine et les passionne.
Quant à leur couleur naturelle, étant donnée la région chaude où ils habitent, n'étant pas autrement noirs, ils sont seulement basanés, comme vous diriez les Espagnols ou Provençaux. »
De quel peuple Jean de Léry fait-il le portrait ?
Jean de Léry fait le portrait des Tupinambas, un peuple d'Amérique du Sud : « Les Sauvages de l'Amérique habitant en la terre du Brésil nommés Tupinambas ».
Pourquoi Jean de Léry est-il particulièrement qualifié pour parler de ce peuple ?
Jean de Léry propose un témoignage réel. Il a véritablement rencontré les Indiens Tupinambas au cours de ses périples en Amérique. De plus, il a passé beaucoup de temps avec eux, ce qui lui a permis de les observer attentivement : « Les Sauvages de l'Amérique habitant en la terre du Brésil nommés Tupinambas, avec lesquels j'ai demeuré et fréquenté environ un an ».
Quel est le point de vue du narrateur dans cet extrait ?
On dit que le point de vue du narrateur est interne lorsque le récit est mené à la première personne (« je »). Dans ce texte, le point de vue du narrateur est interne car le récit est mené à la première personne (« comme j'ai dit ailleurs »). Le narrateur est donc un personnage de l'histoire.
Quelle figure de style est employée dans les deux extraits suivants ?
« ils sont plus forts, plus robustes et replets, plus dispos, moins sujets à la maladie »
« il n'y a presque point de boiteux, de manchots, d'aveugles, de borgnes, contrefaits, ni d'estropiés entre eux. »
Une énumération consiste à détailler successivement les différentes parties d'un tout que l'on veut décrire. Les termes énumérés doivent avoir la même classe grammaticale. Les deux énumérations ici servent à montrer, au lecteur, les nombreuses qualités des Indiens Tupinambas. C'est leur grande robustesse et leur force physique qui sont ainsi mises en valeur.
Par quelle particularité des indigènes Jean de Léry est-il étonné ?
Jean de Léry est particulièrement étonné par la jeunesse des Tupinambas. Ils vivent très vieux (« plusieurs parviennent jusqu'à l'âge de cent ou cent vingt ans ») et leur corps ne semblent pas porter les stigmates de la vieillesse (« il y en a peu qui en leur vieillesse aient les cheveux ni blancs ni gris »).
À quoi Jean de Léry attribue-t-il l'exceptionnelle santé physique des Tupinambas ?
Jean de Léry explique tout d'abord cette santé exceptionnelle par la particularité du climat de leur pays. En effet, les températures sont douces (« bonne température », « sans gelées ni grandes froidures ») et l'air est pur (« bon air »). Leur cadre de vie est idyllique (« les bois et les champs sont toujours verdoyants »).
De plus, ils se contentent de ce que la nature leur offre et ne s'intéressent pas à la richesse (« le peu de soin et de souci qu'ils ont des choses de ce monde »). Ils ne sont pas matérialistes et cela les fait vivre mieux et plus longtemps. C'est donc leur idéal moral, leur mode de vie, leur art de vivre qui leur donnent cette résistance physique.
Quel défaut des Européens Jean de Léry dénonce-t-il ?
Jean de Léry critique le matérialisme des Européens. Pour lui, c'est l'avidité et l'avarice qui sont les pires défauts des Européens. C'est une véritable maladie qui les ronge : « ces sources fangeuses ou plutôt pestilentielles, dont découlent tant de ruisseaux qui nous rongent les os, sucent la moelle, atténuent le corps, et consument l'esprit : bref nous empoisonnent et font mourir devant nos jours ». Le matérialisme des Européens les détruit car il amène à des querelles (« procès et brouilleries »).
Quelle phrase du texte renverse le point de vue ethnocentrique des Européens sur les populations indigènes d'Amérique ?
La phrase « ils n'ont le corps ni monstrueux, ni prodigieux à notre égard » renverse le point de vue ethnocentrique des Européens sur les populations indigènes d'Amérique.
Par l'emploi de la formule négative « ni... ni... » et de l'expression « à notre égard », Jean de Léry renverse la norme, le point de vue, et montre que les Européens ont une vision fausse et infondée des Indiens. Ce ne sont pas des monstres ni des sauvages comme on aime à le penser en Europe.
Dans tout le texte, Jean de Léry s'efforce de montrer que les Indiens sont des hommes comme les autres, voire meilleurs que les Européens. Il montre, par une habile comparaison, que leur couleur de peau n'a rien d'extraordinaire car elle est semblable à celle Européens qui habitent, eux aussi, des régions chaudes (« Quant à leur couleur naturelle, étant donnée la région chaude où ils habitent, n'étant pas autrement noirs, ils sont seulement basanés, comme vous diriez les Espagnols ou Provençaux »).
Quel est le but de Jean de Léry dans cet extrait ?
Par ce récit de voyage, Jean de Léry fait l'éloge du peuple Tupinambas. L'éloge est un discours de louange, de célébration. Jean de Léry vante le mode de vie simple, débarrassé de toute envie et de toute cupidité des Indiens.
Il oppose ces Tupinambas aux Européens qui eux sont empoisonnés tant moralement que physiquement par leur mauvais mode de vie. Il fait donc, de manière indirecte, par une comparaison, le blâme des Européens. Le blâme est un jugement de désapprobation porté sur la conduite ou les paroles de quelqu'un, ici les Européens.
Quelle raison Jean de Léry avait-il de voyager ?
La rencontre avec l'autre n'est pas évidente, le voyageur se sent différent de la personne rencontrée. Rencontrer l'autre, c'est accepter les différences et c'est ainsi apprendre à mieux se connaître soi-même en s'ouvrant à une autre vision de l'être humain.
La rencontre avec l'autre doit dépasser le regard intéressé, les préjugés, et accepter la différence. Ainsi, Jean de Léry propose un regard nouveau sur les Tupinambas. Par leur rencontre, il porte un regard juste sur eux et propose une véritable réflexion sur le mode de vie des Européens. Il renverse le point de vue ethnocentriste. Il montre qu'il faut accepter l'autre entièrement pour ce qu'il est. Rencontrer l'autre permet d'évoluer soi-même.