Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Vendredi ou la vie sauvage
Michel Tournier
1971
« Trois longues pirogues à flotteurs et balanciers étaient tirées sur le sable sec. Une quarantaine d'hommes faisaient cercle debout autour d'un feu d'où montait un torrent de fumée lourde, épaisse et blanche. Robinson reconnut à la longue-vue des Araucans du type costinos, redoutables Indiens de la côte du Chili. Ce peuple avait tenu en échec les envahisseurs incas, puis il avait infligé de sanglantes défaites aux conquistadores espagnols. Petits, trapus, ils étaient vêtus d'un grossier tablier de cuir. Leur visage large aux yeux extraordinairement écartés, était rendu plus bizarre encore par l'habitude qu'ils avaient de s'épiler complètement les sourcils. Ils avaient tous une chevelure noire, très longue, qu'ils secouaient fièrement à toute occasion. Robinson les connaissait par les fréquents voyages qu'il avait faits à Temuco, leur capitale. […]
Grâce à des récits qu'il avait entendus en Araucanie, il devinait le sens de la cérémonie qui se déroulait actuellement sur le rivage. Une vieille femme, maigre et échevelée, allait et venait en chancelant au milieu du cercle formé par les hommes. Elle s'approchait du feu, y jetait une poignée de poudre, et respirait avidement la lourde fumée blanche qui s'élevait aussitôt. Puis elle se tournait vers les Indiens immobiles, et paraissait les passer en revue, pas à pas, s'arrêtant devant celui-ci, puis devant celui-là. Ensuite elle revenait près du foyer et le manège recommençait.
Il s'agissait d'une sorcière qu'on avait chargée de trouver parmi les Indiens lequel était responsable d'un malheur quelconque qui avait frappé la tribu – maladie, mort inexplicable, ou simplement incendie, orage, mauvaise récolte… Et tout à coup, elle choisit sa victime. Son long bras maigre se tendit vers l'un des hommes […] L'Indien désigné par la sorcière se jeta à plat ventre sur le sol, secoué de grands frissons de terreur. L'un des Indiens marcha vers lui. Il leva sa machette – un grand couteau qui leur sert d'arme et d'outil à la fois – et fit voler le tablier du misérable. Puis il l'abattit sur lui à coups réguliers, détachant sa tête, puis ses bras et ses jambes. Enfin les six morceaux de la victime furent portés dans le feu dont la fumée aussitôt devint noire. »
Quelle est la forme de récit de voyage de Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier ?
Le roman d'aventures est un roman qui se base sur l'action et multiplie les péripéties. Il repose sur le suspense plutôt que sur la psychologie des personnages. Le héros, souvent masculin, est confronté à une situation périlleuse à laquelle il doit faire face. Le cadre du roman d'aventures est souvent exotique. Ici, Robinson assiste à une scène de sacrifice humain, sacrifice perpétré par une tribu d'indiens. Il s'agit bien d'une fiction car le héros est Robinson, une figure traditionnelle de la littérature inventée par Daniel Defoe au XVIIIe siècle. Michel Tournier a donc procédé à la réécriture de l'oeuvre de Daniel Defoe.
Quel est le point de vue employé dans cet extrait ?
Dans un récit dont le point de vue est omniscient, le narrateur ne fait pas partie de l'histoire. Il emploie donc la troisième personne. Le narrateur connaît tout des personnages : leurs pensées mais aussi leur passé, leur présent et leur avenir. Dans cet extrait, le narrateur connait tout des indiens Araucans « l'habitude qu'ils avaient de s'épiler complètement les sourcils ». Il connait également le passé de Robinson ainsi que ses pensées « Grâce à des récits qu'il avait entendus en Araucanie, il devinait le sens de la cérémonie qui se déroulait actuellement sur le rivage. ».
À quel rituel les Indiens Araucans se livrent-ils ?
Les Indiens Araucans se livrent à une cérémonie au cours de laquelle ils sacrifient l'un des leurs. Tout d'abord il est décapité puis ses membres sont tranchés et jetés au feu.
Pour quelle raison l'Indien a-t-il été condamné à mort ?
L'Indien désigné par la sorcière est accusé d'être le responsable d'un "malheur quelconque". Il ne semble pas y avoir de preuves de ce dont on l'accuse. Il est ce que l'on appelle un "bouc émissaire". Un bouc émissaire est une personne désignée pour assumer une faute pour laquelle il est, totalement ou partiellement, innocent. Le sacrifice de cet Indien est censé faire cesser les malheurs qui frappent la tribu.
Qu'est-ce qui nous indique que les Indiens Araucans sont redoutables ?
Les Indiens Araucans sont redoutables car ils ont tenu en échec les plus terribles guerriers. Les Incas tout d'abord mais aussi les conquistadores espagnols. Or les conquistadores sont équipés d'armes bien plus évoluées que celles des Indiens. Les Indiens ont réussi, malgré tout, à repousser les Espagnols certainement grâce à leur courage, à leur nombre et à leur férocité.
Quelle phrase de la description des Araucans les rend effrayant ?
C'est la phrase suivante de la description des Araucans qui les rend effrayant : « Leur visage large aux yeux extraordinairement écartés, était rendu plus bizarre encore par l'habitude qu'ils avaient de s'épiler complètement les sourcils. ». L'emploi de « extraordinairement » (qui relève de l'hyperbole) et de « plus bizarre encore » souligne les caractéristiques étranges des Araucans.
Quelle figure de style est employée dans l'extrait suivant ?
« Puis il l'abattit sur lui à coups réguliers, détachant sa tête, puis ses bras et ses jambes. »
Une énumération consiste à détailler successivement les différentes parties d'un tout que l'on veut décrire. Une énumération est constituée de termes de même nature grammaticale. L'énumération, ici, permet d'insister sur le démembrement du corps de l'indien. Elle provoque un sentiment d'horreur chez le lecteur.
La présence de plusieurs énumérations dans ce texte montre que le narrateur est soucieux de créer un effet de réel et d'être le plus précis possible dans sa description des Indiens et de leur rituel.
Quels sont les deux autres procédés littéraires par lesquels le narrateur donne l'impression que cette scène est réelle ?
Le narrateur donne l'impression que la scène est réelle grâce à de nombreuses descriptions. Tout d'abord il décrit les lieux "le sable sec", " un feu d'où montait un torrent de fumée lourde, épaisse et blanche" puis les Indiens " Petits, trapus, ils étaient vêtus d'un grossier tablier de cuir. Leur visage large aux yeux extraordinairement écartés, était rendu plus bizarre encore par l'habitude qu'ils avaient de s'épiler complètement les sourcils. Ils avaient tous une chevelure noire, très longue". Ensuite, le narrateur décrit le rituel auquel les Indiens participent.
Par l'emploi de termes précis et exotiques comme "pirogue" ou "machette" mais également par l'emploi de toponymes (noms de lieux) réels comme " Temuco" ou "Chili", le narrateur inscrit son récit dans un contexte réaliste. De plus les Indiens Araucans existent réellement.
Quelle figure de style est employée dans l'extrait suivant ?
« Il s'agissait d'une sorcière qu'on avait chargée de trouver parmi les Indiens lequel était responsable d'un malheur quelconque qui avait frappé la tribu – maladie, mort inexplicable, ou simplement incendie, orage, mauvaise récolte… »
Une énumération consiste à détailler successivement les différentes parties d'un tout que l'on veut décrire. Une énumération est constituée de termes de même nature grammaticale. L'énumération, ici, fait directement écho aux termes « malheur quelconque ». Cela montre que l'Indien désigné va servir de bouc émissaire. C'est un simulacre de justice, une justice primitive basée sur la superstition.
Quel image est donnée des indiens ?
Dans ce texte, les Indiens semblent de féroces sauvages. Tout d'abord, ce sont de redoutables guerrier « Ce peuple avait tenu en échec les envahisseurs incas, puis il avait infligé de sanglantes défaites aux conquistadores espagnols. » au faciès qui semble primitif « Petits, trapus », « vêtus d'un grossier tablier de cuir », « yeux extraordinairement écartés », « une chevelure noire, très longue ». Ils ont des croyances et des rituels et ancestraux comme la désignation d'un bouc-émissaire par la sorcière. Tout est mis en place pour que le lecteur soit à la fois fasciné et dégoûté par l'horreur de la cérémonie.