Après avoir lu le texte suivant, répondre aux questions qui permettront de l'étudier.
Les Regrets, XXXI
Joachim Du Bellay
1558
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme celui-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et de raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrais-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup d'avantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux
Que des palais romains le front audacieux ;
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,
Plus mon Loire gaulois que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et que l'air marin la douceur angevine. »
Quelle est la forme de ce poème ?
Ce texte est un sonnet : il est composé de deux quatrains suivis de deux tercets. Il est écrit en alexandrins (des vers de 12 syllabes). Les rimes suivent le schéma traditionnellement attendu dans un sonnet : rimes embrassées pour les deux quatrains (ABBA) puis rimes plates suivies de rimes embrassées (CCD EED). Ce schéma de rimes est caractéristique du sonnet français.
À qui Joachim Du Bellay se compare-t-il ?
Joachim Du Bellay se compare à deux héros de la mythologie grecque : Ulysse « Heureux qui comme Ulysse » et Jason « Ou comme celui-là qui conquit la toison ». Ulysse a navigué longuement sur son bateau avant de pouvoir rentrer chez lui. Jason a dû, également, faire un voyage pour pouvoir conquérir la toison d'or.
À partir de quelle strophe le poète intervient-il directement ?
Le poète intervient directement à partir de la deuxième strophe. On trouve des pronoms personnels de la première personne (« Quand reverrai-je ») et des adjectifs possessifs (« mon petit village », « mes aïeux »).
Quel sentiment le poète éprouve-t-il dans la première strophe ?
Le premier mot du poème est « Heureux », ce qui inscrit immédiatement le poème sous le signe de la joie. Ainsi Joachim Du Bellay loue, de prime abord, l'expérience du voyage (« Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage »). Mais il montre aussi que le retour chez soi est également un bonheur (« Et puis est retourné, plein d'usage et de raison, / Vivre entre ses parents le reste de son âge ! »).
Quel bienfait apporte le voyage, selon Joachim Du Bellay ?
Le voyage est présenté comme l'occasion de pouvoir apprendre, se former. Du Bellay insiste sur cela en faisant rimer les mots « voyage » et « âge ». Le voyage permet de faire grandir le voyageur. De plus, ces mots proposent un écho sonore avec « usage » qui signifie, dans ce contexte, « expérience ». Ainsi le poète dit que le voyage permet de se former (« Et puis est retourné, plein d'usage et de raison ») intellectuellement et moralement. Cette idée est représentative des valeurs humanistes.
Quel sentiment le poète éprouve-t-il dans la deuxième strophe ?
Les poètes donnent à lire, dans leurs poèmes, le bonheur du voyage et tout ce qu'ils peuvent découvrir dans ces nouveaux lieux mais également le manque de la terre laissée. Joachim Du Bellay a écrit Les Regrets après son retour de Rome où il a passé plusieurs années. Même s'il vante tout d'abord les mérites du voyage, il exprime, ensuite, la nostalgie de son pays natal. L'exil lui est douloureux et il se languit de retrouver la France (« Quand reverrais-je, hélas ! de mon petit village »). C'est l'emploi du futur de l'indicatif qui montre cette nostalgie : il se demande quand il pourra rentrer chez lui. L'interjection « hélas », qui exprime la plainte et la douleur morale, renforce l'expression de la nostalgie.
Quel registre littéraire domine dans ce poème ?
Le registre lyrique, du grec lyrikos qui signifie « lyre », a pour but d'exprimer des sentiments personnels de manière spontanée et poétique. Du Bellay emploie la première personne et exprime un sentiment de regret (comme l'indique le titre du recueil) et de nostalgie (« hélas ! »). Il emploie également des phrases exclamatives et des phrases interrogatives pour marquer son désarroi. En cela, le lyrisme de ce poème tend vers l'élégie. L'élégie est une plainte douloureuse, un sentiment mélancolique.
Quelle est la figure de style notée en gras dans l'extrait suivant ?
« Quand reverrais-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup d'avantage ? »
La métonymie consiste à désigner un concept par l'intermédiaire d'un autre avec lequel il entretient un lien logique. Ici, le terme « cheminée » désigne la maison. La cheminée est un mot qui renvoie symboliquement à la notion de foyer et donc de famille. De plus, il n'y a, bien évidemment, pas qu'une seule cheminée dans ce village. La métonymie désigne ici l'ensemble des cheminées du village. Cela montre l'unité qui règne dans ce village.
Quel pays le poète préfère-t-il ?
Le poète compare Rome (en Italie) et l'Anjou (une région de France) et les oppose. Ainsi il évoque la « douceur angevine » (douceur du climat mais aussi douceur de la vie) qu'il oppose au « marbre dur » (le marbre est une matière froide) des palais de Rome. L'anaphore de la locution adverbiale « plus que » renforce la préférence qu'il éprouve pour la France.
Quelle motivation a poussé le poète à voyager ?
Du Bellay a accompagné son oncle à Rome pour des raisons professionnelles. Mais c'est aussi pour lui l'occasion de découvrir l'Italie et plus particulièrement Rome. Du Bellay est un poète du XVIe siècle. Il s'inscrit dans le courant humaniste. L'humanisme met l'homme au centre de ses préoccupations et prône la redécouverte de la culture antique. Dans ce poème, la Rome antique est évoquée par la description de la ville : « Tibre latin », « palais romains », « mont Palatin ». Son séjour en Italie lui permet donc de s'imprégner de la culture latine.