On considère le texte suivant :
Molière, Le Malade imaginaire, acte I, scène 5, 1673
Dans Le Malade imaginaire, Argan, un vieil hypocondriaque, veut marier sa fille, Angélique, à un médecin afin que ce dernier s'occupe de lui. Mais Angélique est amoureuse d'un autre. Toinette, la servante, va tout faire pour aider Angélique à épouser celui qu'elle aime mais elle va en même temps essayer de guérir Argan de son hypocondrie.
« TOINETTE.
Mon Dieu je vous connais, vous êtes bon naturellement.
ARGAN, avec emportement.
Je ne suis point bon, et je suis méchant quand je veux.
TOINETTE.
Doucement, Monsieur, vous ne songez pas que vous êtes malade.
ARGAN.
Je lui commande absolument de se préparer à prendre le mari que je dis.
TOINETTE.
Et moi, je lui défends absolument d'en faire rien.
ARGAN.
Où est-ce donc que nous sommes ? Et quelle audace est-ce là à une coquine de servante de parler de la sorte devant son maître ?
TOINETTE.
Quand un maître ne songe pas à ce qu'il fait, une servante bien sensée est en droit de le redresser.
ARGAN court après Toinette.
Ah ! insolente, il faut que je t'assomme.
TOINETTE se sauve de lui.
Il est de mon devoir de m'opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer.
ARGAN, en colère, court après elle autour de sa chaise, son bâton à la main.
Viens, viens, que je t'apprenne à parler.
TOINETTE, courant, et se sauvant du côté de la chaise où n'est pas Argan.
Je m'intéresse, comme je dois, à ne vous point laisser faire de folie.
ARGAN.
Chienne !
TOINETTE.
Non, je ne consentirai jamais à ce mariage.
ARGAN.
Pendarde !
TOINETTE.
Je ne veux point qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus.
ARGAN.
Carogne !
TOINETTE.
Et elle m'obéira plutôt qu'à vous.
ARGAN.
Angélique, tu ne veux pas m'arrêter cette coquine-là ?
ANGÉLIQUE.
Eh, mon père, ne vous faites point malade.
ARGAN.
Si tu ne me l'arrêtes, je te donnerai ma malédiction.
TOINETTE.
Et moi je la déshériterai, si elle vous obéit.
ARGAN se jette dans sa chaise, étant las de courir après elle.
Ah ! ah ! je n'en puis plus. Voilà pour me faire mourir. »
Comment appelle-t-on cette succession de répliques observable dans l'extrait suivant ?
« ARGAN.
Chienne !
TOINETTE.
Non, je ne consentirai jamais à ce mariage.
ARGAN.
Pendarde !
TOINETTE.
Je ne veux point qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus.
ARGAN.
Carogne !
TOINETTE.
Et elle m'obéira plutôt qu'à vous. »
Une stichomythie est une succession de courtes répliques de longueur similaire et symétriques du point de vue de la syntaxe. Ici, la stichomythie traduit l'affrontement, la dispute entre Argan et Toinette.
Quel types de comiques sont employés dans l'extrait étudié ?
Le comique de geste est perceptible grâce aux didascalies. Ces indications scéniques guident les comédiens dans leur jeu. Dans cet extrait, les didascalies indiquent qu'Argan, le maître, et Toinette, la servante, se courent l'un après l'autre : « courant, et se sauvant du côté de la chaise où n'est pas Argan », ce qui est un procédé caractéristique du comique de gestes. Le comique de mots réside dans les insultes qu'Argan adresse à Toinette : « Chienne ! […] Pendarde ! […] Carogne ! ».
Quel est le registre dominant dans l'extrait proposé ?
Le registre comique, qui a pour but de faire rire le lecteur, est évident dans l'extrait proposé. Molière emploie les principaux procédés de ce registre comme l'usage d'un niveau de langue familier : « Chienne ! (…) Pendarde ! (…) Carogne ! » et la présence de situations comiques (Argan et Toinette qui se courent après, la servante qui tient tête à son maître).
Quel personnage domine l'échange ?
C'est Toinette qui domine l'échange. Même si la parole est répartie de manière à peu près équitable entre Argan et Toinette, cette dernière lui coupe la parole et ses répliques sont souvent plus longues. De plus, Toinette garde son calme tandis qu'Argan s'énerve. De même, c'est elle qui a le dernier mot : « Et moi je la déshériterai, si elle vous obéit. », et c'est Argan qui capitule le premier : « se jette dans sa chaise, étant las de courir après elle. — Ah ! ah ! je n'en puis plus. Voilà pour me faire mourir. ». Enfin, Argan pose une question qui reste sans réponse : « Angélique, tu ne veux pas m'arrêter cette coquine-là ? », ce qui montre le peu de cas que les autres personnages font de lui.
D'après cet extrait, à quel sous-genre de la comédie cette pièce appartient-elle ?
Cet extrait a toutes les caractéristiques d'une comédie classique. Tout d'abord, la pièce est écrite dans un style courant. Ensuite, il y a la présence de personnages stéréotypés. Argan, le père tyrannique : « Je lui commande absolument de se préparer à prendre le mari que je dis. » et hypocondriaque : « Ah ! ah ! je n'en puis plus. Voilà pour me faire mourir. » Mais aussi Toinette, la servante débrouillarde et insolente qui répond à son maître et lui fait même la morale : « Quand un maître ne songe pas à ce qu'il fait, une servante bien sensée est en droit de le redresser », « Il est de mon devoir de m'opposer aux choses qui vous peuvent déshonorer. ». Enfin, le sujet traité est traditionnel dans la comédie classique : un père qui arrange le mariage de sa fille dans son propre intérêt, projet que la servante essaie de contrarier : « Je ne veux point qu'elle épouse votre Thomas Diafoirus. »