On donne les textes suivants extraits de Journal de François Mauriac (Texte A) et de Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar (Texte B).
Texte A
Mais la préférence que la plupart éprouvent pour une littérature d'embellissement du réel, d'évasion hors du réel, ne doit pas les rendre injustes à l'égard des écrivains dont la vocation est, au contraire, la science de l'homme. Rien de plus légitime, certes, que de se refuser à les suivre dans leur recherche. En revanche, nous n'acceptons pas l'hypocrite " La vie n'est pas si noire... " de ces tristes humains dont, souvent, la seule approche, même quand nous ne connaissons rien d'eux, nous révèle le nom de l'enfer qu'ils habitent.
Ce n'est pas nous qui haïssons la vie. Ceux-là seuls haïssent la vie qui, ne pouvant en souffrir aspect, la falsifient. Les véritables amants de la vie l'aiment telle qu'elle est. Ils lui ont arraché, un à un, tous ses masques, et à ce monstre enfin mis à nu, ils donnent leur cœur.
Texte B
Mon père avait rassemblé une collection de tes peintures dans la chambre la plus secrète du palais, car il était d'avis que les personnages doivent être soustraits à la vue des profanes, en présence de qui ils ne peuvent baisser les yeux. C'est dans ces salles que j'ai été élevé, vieux Wang-Fô, car on avait organisé autour de moi la solitude pour me permettre d'y grandir. Pour éviter à ma grandeur l'éclaboussure des âmes humaines, on avait éloigné de moi le flot agité de mes sujets futurs, et il n'était permis à personne de passer devant mon seuil, de peur que l'ombre de cet homme ou de cette femme ne s'étendît jusqu'à moi. Les quelques vieux serviteurs qu'on m'avait octroyés se montraient le moins possible ; les heures tournaient en cercle ; les couleurs de tes peintures s'avivaient avec l'aube et pâlissaient avec le crépuscule. La nuit, quand je ne parvenais pas à dormir, je les regardais et, pendant près de dix ans, je les ai regardées toutes les nuits. Le jour, assis sur un tapis dont je savais par cœur le dessin, reposant mes paumes vides sur mes genoux de soie jaune, je rêvais aux joies que me procurerait l'avenir. Je me représentais le monde, le pays de Han au milieu, pareil à la plaine monotone et creuse de la main que sillonne les lignes fatales des cinq fleuves. Tout autour, la mer où naissent les monstres, et, plus loin encore, les montagnes qui supportent le ciel. Et, pour m'aider à me représenter toutes ces choses, je me servais de tes peintures. Tu m'as fait croire que la mer ressemblait à la vaste nappe d'eau étalée sur tes toiles, si bleue qu'une pierre en y tombant ne peut que se changer en saphir, que les femmes s'ouvraient et se refermaient comme des fleurs, pareilles aux créatures qui s'avancent, poussées par le vent, dans les allées de tes jardins et que les jeunes guerriers à la taille mince qui veillent dans les forteresses des frontières étaient eux-mêmes des flèches qui pouvaient vous transpercer le cœur. À seize ans, j'ai vu se rouvrir les portes qui me séparaient du monde : je suis monté sur la terrasse du palais pour regarder les nuages mais ils étaient moins beaux que ceux de tes crépuscules.
Quel est le thème commun aux deux textes ?
Quelles sont les thèses soutenues dans les textes ?