Sommaire
IL'instabilité de la croissance : fluctuations et crisesALes fluctuations économiquesBLes crises économiques1La crise de 19292La crise des années 19703La crise de 2008IIComment expliquer l'instabilité de la croissance ?ALes chocs d'offre et de demande1Les chocs d'offre2Les chocs de demandeBLe cycle du créditLa croissance est un phénomène irrégulier et instable. Les fluctuations économiques forment des cycles plus ou moins longs au travers desquels il est possible d'étudier les différentes phases de la croissance. Au cours des XXe et XXIe siècles, l'économie mondiale a connu trois grandes crises : la crise de 1929, la crise de 1973 et la crise de 2008. Les fluctuations économiques répondent à trois grandes explications : les chocs d'offre, les chocs de demande et le cycle de crédit.
L'instabilité de la croissance : fluctuations et crises
Les fluctuations économiques
Fluctuations économiques
Les fluctuations économiques désignent l'ensemble des mouvements de ralentissement ou d'accélération du rythme de la croissance économique. Les fluctuations sont repérées avec la mesure des variations du volume de production, du chômage, des prix ou encore de la variation de stock.
Lorsque les fluctuations économiques présentent un caractère régulier, on parle de cycle économique. Chaque cycle est constitué de différentes phases possibles :
- Expansion économique : le taux de croissance augmente (la croissance "accélère"), donc le volume de production croît de plus en plus vite. Souvent, cette période s'accompagne d'inflation (car les prix augmentent avec la demande), et de profits croissants pour les entreprises.
- Ralentissement : le taux de croissance reste positif mais diminue (la croissance "ralentit"), donc le volume de production continue à augmenter, mais de moins en moins vite.
- Crise : au sens strict, il s'agit d'un point de retournement brutal de la conjoncture. Au sens large, on utilise ce terme pour désigner l'ensemble de la période durant laquelle la croissance est faible et le chômage élevé.
- Récession : la croissance ralentit fortement, éventuellement jusqu'à devenir négative. Si le taux de croissance devient négatif, cela signifie que le volume de production diminue. On dit que l'économie entre en récession si le taux de croissance est négatif pendant au moins deux trimestres consécutifs. Cela a par exemple été le cas en France en 1974, 1993 et 2009.
- Dépression : c'est une diminution importante et durable de la production. Ce phénomène s'accompagne souvent d'une déflation (baisse des prix et des salaires). Exemple : 1929.
- Reprise : le taux de croissance redevient positif, donc le volume de production ré-augmente après avoir diminué.
Les crises économiques
La crise de 1929
Les années 1920 correspondent à une période de prospérité économique. Cette période est caractérisée par une forte augmentation de la production, un accès facilité au crédit et à la bourse.
En 1929, les agents achètent des actions dans le seul but de les revendre plus cher (et non de bénéficier des dividendes). Étant donné que les taux d'intérêt sont bas et donc l'accès au crédit facile, beaucoup d'agents empruntent de l'argent pour cela. De ce fait, le cours des actions (c'est-à-dire leur prix sur le marché) ne cesse d'augmenter. C'est ce que l'on appelle un climat d'"euphorie boursière".
Cependant, dans ce contexte, il suffit d'un choc minime pour que les agents cessent de croire qu'ils pourront faire des profits en revendant leurs actions, et dès lors, plus personne ne veut acheter d'actions et les cours s'effondrent. C'est ce qui se passe le jeudi 24 octobre 1929, souvent nommé "jeudi noir" : un krach boursier. La bourse de New York s'effondre, car tous les spéculateurs cherchent à vendre leurs actions et baissent les prix, mais plus personne ne veut acheter. Les ménages endettés (qui avaient notamment emprunté pour acheter des actions) se retrouvent ruinés, car ils ne peuvent plus revendre leurs actions, et la consommation s'effondre. Les spéculateurs ne peuvent plus rembourser leurs emprunts aux banques, qui se retrouvent en faillite, et ne peuvent donc faire de crédits pour financer l'investissement. L'offre s'effondre donc aussi, et la crise boursière se transforme en crise économique.
Étant donné que la production chute, les entreprises licencient leurs salariés, ce qui aggrave la chute de la consommation et donc la baisse des prix. L'économie américaine est alors entraînée dans une spirale déflationniste, c'est la "Grande Dépression" des années 1930.
Déflation
La déflation correspond à une baisse du niveau général des prix qui perdure dans le temps.
La déflation caractérise souvent une période de réduction simultanée de la production, des revenus et des prix, car la baisse des prix entraîne une baisse de la production, donc une baisse des salaires (ou une augmentation des licenciements), ce qui provoque une diminution de la consommation qui fait encore baisser les prix. C'est ce que l'on appelle une spirale déflationniste.
La crise se propage peu à peu au monde entier, car les banques américaines en difficulté retirent leurs capitaux dans les banques étrangères, notamment européennes. Celles-ci, à leur tour, ne peuvent plus faire de prêts, et les économies nationales européennes s'effondrent. En conséquence, le chômage de masse s'installe. Traditionnellement, le chômage était une période de transition relativement courte qui touchait régulièrement les ouvriers. Lors de la crise des années 1930, le chômage devient un chômage de long terme, et touche toutes les catégories de population.
Dans de nombreux pays, l'État intervient massivement pour relancer l'économie, comme le montre le "New Deal" mis en place par F.D. Roosevelt, qui succède à H. Hoover comme président des États-Unis. Il lance notamment des grands travaux d'aménagement aux États-Unis (construction de routes et de barrages), établit des salaires minimaux. Cette politique est nouvelle, et diffère profondément des traditions libérales qui voulaient que l'État se cantonne à un rôle économique minimal.
La crise des années 1970
En 1973, dans un contexte de crise politique au Proche-Orient (conflits israélo-palestinien et guerre du Kippour), les principaux pays producteurs de pétrole (OPEP) décident d'augmenter fortement le prix du baril de pétrole qui est multiplié par quatre : c'est le premier choc pétrolier. Matière première et source d'énergie vitale (sans produits de substitution) à l'industrialisation, la hausse des prix du pétrole provoque une crise économique mondiale complexe. Les coûts de production des entreprises augmentent alors considérablement. Les entreprises voient leur marge se réduire et augmentent les prix. La production recule dans de nombreux secteurs, puis stagne. Les investissements s'effondrent, alors que la consommation continue d'augmenter. Cela ne s'explique pas uniquement par la hausse des prix du pétrole, mais aussi par des facteurs de long terme. Progressivement, la demande de biens d'équipement de la part des ménages, qui a alimenté la croissance des Trente Glorieuses, se sature, car les ménages sont quasiment tous équipés. Le secteur tertiaire se développe, mais il offre moins de gains de productivité possibles que les secteurs primaire et secondaire.
La crise des années 1970 est ainsi marquée par une forte inflation conjuguée à une croissance faible. Le pouvoir d'achat des ménages chute, ce qui a un impact sur la demande globale (baisse de la consommation et de l'investissement). Le chômage augmente lentement mais durablement, l'activité économique entre en récession et le commerce international ralentit (bien que poursuivant son expansion).
Le deuxième choc pétrolier, en 1979, renforce les effets du premier choc (triplement du prix du baril). Les idées libérales reviennent en force face à l'essoufflement des politiques keynésiennes (celles-ci sont mises en échec par la stagflation, car les modèles keynésiens soutiennent généralement que l'inflation et le maintien de la consommation permettent de lutter contre le chômage et le ralentissement de la croissance). Cela conduit à mener des politiques dont l'objectif est notamment de limiter l'inflation, sous l'influence des économistes monétaristes.
Désinflation
La désinflation correspond à un ralentissement de l'inflation (ralentissement de la hausse des prix).
La crise de 2008
La crise de 2008 est une crise qui trouve son origine dans l'éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis en 2007. C'est pourquoi on parle aussi de crise des subprimes. Les subprimes sont des prêts immobiliers à taux variables consentis à des ménages américains peu solvables (c'est-à-dire avec un fort risque de faire défaut).
En 2006 et 2007, la bulle immobilière éclate aux États-Unis, c'est-à-dire que les prix de l'immobilier s'effondrent. Les maisons gagées voient leur prix de vente se réduire de plus en plus au fur et à mesure que l'offre de vente s'accroît (de plus en plus de ménages touchés par la crise vendent leur bien) lorsque les ménages font défaut, les banques ne peuvent plus se rembourser en vendant les maisons. Les banques se retrouvent donc en difficulté, de même que tous les acteurs qui détenaient des titres subprimes. Ils ne parviennent plus à vendre de titres, car les agents ayant compris que ceux-ci sont plus risqués que prévus cessent de se faire confiance. Le volume de l'offre de titres sur le marché monétaire devient très supérieur à la demande, le manque de confiance se propage à l'ensemble des marchés de capitaux ce qui précipite le krach boursier de l'automne 2008. Les banques font face à une crise de liquidités.
À partir de 2008 - 2009, la crise bancaire se propage à l'économie réelle : les banques n'octroient plus de crédits aux ménages et aux entreprises. La consommation et l'investissement s'effondrent, la demande globale se contracte, les entreprises en difficultés de trésorerie font faillite, la production recule et le chômage augmente.
Enfin, dernier épisode de la crise, les États qui mettent en place des politiques conjoncturelles de relance pour contrecarrer les effets de la crise (notamment le chômage et le sous-investissement) se heurtent rapidement à l'augmentation croissante de leur déficit public. Les créanciers perdent alors confiance dans la capacité des États à rembourser leur dette, et ceux-ci se retrouvent en difficulté, c'est la crise des dettes souveraines. C'est notamment le cas de l'Irlande, du Portugal, de l'Espagne et surtout de la Grèce en 2010, qui finit par négocier avec des banques créancières le non-remboursement d'une partie de ses dettes.
Comment expliquer l'instabilité de la croissance ?
Les chocs d'offre et de demande
Les chocs d'offre
Choc d'offre
Un choc d'offre est une perturbation imprévue de l'activité économique qui a des effets directs en termes de hausse ou de diminution des quantités offertes sur le marché. Les chocs d'offre peuvent être positifs (augmentation des quantités offertes) ou négatifs (diminution des quantités offertes).
Un choc correspond à une modification brutale et le plus souvent exogène (c'est-à-dire d'origine extérieure au fonctionnement de l'économie) d'une variable qui modifie la situation des agents.
Les chocs d'offre négatifs sont le plus souvent la conséquence d'une augmentation des coûts de production, à l'image des chocs pétroliers de 1973 et 1979. Ils peuvent également provenir d'une augmentation des salaires plus rapide que l'augmentation de la productivité, ou encore d'un alourdissement de la fiscalité. Ces chocs négatifs affectent la production des entreprises : ils peuvent augmenter les prix ou diminuer la production (donc réduire l'emploi) ce qui a un impact sur la demande globale (consommation des ménages et investissement).
Il existe également des chocs d'offre positifs. Ce sont notamment les chocs technologiques, ou "chocs de productivité". Une innovation peut permettre de réaliser subitement des gains de productivité et réduire les coûts de production, ce qui entraîne une baisse des prix et stimule ainsi la demande et la production, donc la croissance économique.
Les chocs de demande
Choc de demande
Les chocs de demande sont une perturbation de l'activité économique liée à une hausse ou une baisse brutale de la demande globale. Ces chocs peuvent être positifs ou négatifs.
Comme les chocs d'offre, les chocs de demande peuvent être positifs ou négatifs et affecter une ou plusieurs composantes de la demande globale (consommation des ménages, investissement, mais aussi importations et exportations).
Les chocs de demande ont des effets cumulatifs :
- L'augmentation des impôts, une baisse des salaires ou une hausse des prix produisent un choc de demande négatif. Cela entraîne une diminution de la production, et favorise ainsi la montée du chômage, qui fait à son tour diminuer la demande globale.
- À l'inverse, une augmentation des salaires peut favoriser une hausse de la demande et stimuler ainsi la production des entreprises, qui ont donc plus de revenus à redistribuer et peuvent augmenter les salaires, etc.
Le cycle du crédit
Le crédit est à la base du processus de production économique, puisque la plupart des agents ont recours au crédit pour accéder aux moyens de production en vue de produire. Il joue aussi un rôle important dans les cycles économiques, car il a tendance à les accentuer.
En phase d'expansion économique, les banques octroient souvent des crédits de plus en plus facilement, c'est-à-dire à des taux de plus en plus bas. Les agents peuvent ainsi s'endetter afin de consommer (pour les ménages) ou investir (pour les entreprises), ce qui alimente la croissance et l'optimisme de tous les acteurs économiques.
Cependant, au fil de ces périodes, le taux d'endettement des agents augmente. Des crédits sont donc accordés à des agents de moins en moins solvables, et sont donc de plus en plus risqués. Des comportements spéculatifs se développent, c'est-à-dire que des bulles se forment : des agents s'endettent pour acheter des titres avec pour seule fin de les revendre. Il s'agit d'opérations risquées, car le cours de ces titres augmente très vite, et au moindre retournement de conjoncture, leur valeur s'effondre, et ceux qui les détiennent sont ruinés.
Symétriquement, en cas de retournement de la conjoncture, les crédits sont de plus en plus difficiles à obtenir, ce qui accentue la crise économique. En effet, lorsqu'une bulle se développe dans une période d'euphorie boursière, les actifs qui constituent une bulle sont surévalués, c'est-à-dire que le cours des titres est très artificiellement élevé par rapport à ce qu'ils valent réellement. Par exemple, le cours d'une action peut être mille fois supérieur aux dividendes auxquels elle donne droit. Si les agents perdent confiance dans le fait qu'ils pourront revendre ces titres encore plus cher, plus personne n'en veut, et leurs cours s'effondrent. Les agents qui les détiennent se retrouvent ruinés, et souvent, ces agents devaient de l'argent à des banques qui se retrouvent à leur tour en difficulté. Elles accordent donc de moins en moins de crédits, car elles veulent n'accorder des crédits qu'aux agents dont elles sont sûres qu'ils les rembourseront.
Les mécanismes qui avaient accéléré la croissance jouent dans le sens d'une amplification de la récession, voire de la dépression : l'endettement a participé au "boom économique" et le retournement des anticipations et la contraction de l'offre de crédit favorisent la crise. En effet, certains agents, qui auraient besoin de crédits pour pouvoir faire face à leurs échéances (c'est-à-dire pour rembourser les intérêts d'autres crédits), sont donc conduits à faire défaut, et la crise s'amplifie. Ce rationnement du crédit diminue la demande globale (baisse de l'investissement et de la consommation liée à la chute de l'offre de crédit) et provoque la hausse du chômage.
C'est souvent via le crédit qu'une crise financière (éclatement d'une bulle sur le marché financier) se transforme en crise économique (diminution de la production, augmentation du chômage).