Pondichéry, 2013, voie S
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Jean Giraudoux, Électre, acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Égisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Égisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Électre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. À la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Égisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
1 le rois des rois: cette expression désigne Agamemnon.
Qu'est-ce qui choque le spectateur dans cette tirade ?
Jean Giraudoux, Électre, acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Egisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Egisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Electre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. A la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Egisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
Comment Giraudoux réactualise-t-il le mythe ?
Jean Giraudoux, Électre, acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Égisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Égisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Électre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. À la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Égisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
Comment Giraudoux crée-t-il de l'empathie pour Agamemnon ?
Jean Giraudoux, Électre, acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Égisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Égisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Électre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. À la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Égisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
En quoi cette scène est-elle tragique ?
Jean Giraudoux, Électre, acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Égisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Égisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Électre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. À la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Égisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
Pourquoi la tirade est-elle vivante ?
Jean Giraudoux, Électre, acte II, scène 9, extrait
1937
Clytemnestre, aidée de son amant Égisthe, a assassiné son mari le roi Agamemnon. Un tel crime, commis à l'insu de tous, leur a permis d'usurper le pouvoir. Vers la fin de la pièce, le Mendiant dévoile aux personnages présents les circonstances de ce meurtre encore impuni.
LE MENDIANT :
Alors le roi des rois1 donna de grands coups de pied dans le dos de Clytemnestre, à chacun elle sursautait toute, la tête muette sursautait et se crispait, et il cria, et alors pour couvrir la voix, Égisthe poussait de grands éclats de rire, d'un visage rigide. Et il plongea l'épée. Et le roi des rois n'était pas ce bloc d'airain et de fer qu'il imaginait, c'était une douce chair, facile à transpercer comme l'agneau ; il y alla trop fort, l'épée entailla la dalle. Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune : c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime. Alors il cessa de lutter ; entre cette femme de plus en plus laide et cet homme de plus en plus beau, il se laissa aller ; la mort a ceci de bon qu'on peut se confier à elle ; c'était sa seule amie dans ce guet-apens, la mort : elle avait d'ailleurs un air de famille, un air qu'il reconnaissait, et il appela ses enfants, le garçon d'abord, Oreste, pour le remercier de le venger un jour, puis la fille, Électre, pour la remercier de prêter ainsi pour une minute son visage et ses mains à la mort. Et Clytemnestre ne le lâchait pas, une mousse à ses lèvres, et Agamemnon voulait bien mourir, mais pas que cette femme crachât sur son visage, sur sa barbe. Et elle ne cracha pas, tout occupée à tourner autour du corps, à cause du sang qu'elle évitait aux sandales, elle tournait dans sa robe rouge, et lui déjà agonisait, et il croyait voir tourner autour de lui le soleil. Puis vint l'ombre. C'est que soudain, chacun d'eux par un bras l'avait retourné contre le sol. À la main droite quatre doigts déjà ne bougeaient plus. Et puis, comme Égisthe avait retiré l'épée sans y penser, ils le retournèrent à nouveau, et lui la remit bien doucement, bien posément dans la plaie.
Au XXe siècle, de nombreux dramaturges reviennent aux mythes antiques, dont ils proposent une réactualisation. C'est le cas de Jean Anouilh avec Antigone, ou de Jean-Paul Sartre avec Les Mouches. Contrairement au XVIIIe siècle, l'époque classique, le XXe siècle est libéré des carcans grâce aux romantiques qui se sont affranchis des règles théâtrales. Les représentations scéniques peuvent inclure des meurtres. Toutefois, lorsque Giraudoux écrit Électre en 1937, il choisit de revenir à la tradition antique, puisqu'il refuse de représenter la mort sur scène. C'est le personnage du Mendiant qui va rapporter ce qui s'est passé. En choisissant cette technique, Giraudoux peut réécrire le mythe de façon originale, mais aussi créer une scène réaliste et puissante qui peint avec force un meurtre sanglant et tragique.
Comment Giraudoux présente-t-il de manière originale le meurtre d'Agamemnon dans ce monologue dramatisé où le mythe est réactualisé ?
Dans une première partie, la façon dont le monologue est dramatisé sera analysée. Dans une seconde partie, on traitera de la représentation violente du meurtre. Dans une dernière partie sera analysée la modernisation du mythe d'Électre par Giraudoux.
Un monologue dramatisé
La mise en place d'une tension dramatique
La scène du meurtre est rapportée par le Mendiant dans un monologue dramatisé.
- Il est parfaitement construit, on relève ainsi de nombreuses conjonctions de coordination et des adverbes de temps qui permettent de donner à voir la succession des actions qui sont rapportées : "et", "mais", "alors", "puis".
- La conjonction "et" est particulièrement répétée. Le monologue est rythmé et tient le spectateur en haleine.
- Il y a une alternance de phrases courtes et de phrases longues. Plus le personnage se rapproche du moment où il va dire le meurtre, plus les phrases sont longues. On peut parler de mise en place de tension dramatique par le discours même.
Une scène réaliste et vivante
Le temps et le mouvement sont importants dans le monologue.
- Le spectateur a ainsi l'impression de voir l'action se dérouler sous ses yeux. Pour cela l'auteur multiplie les verbes d'action : "plongea", "évitant", "retournant".
- Par ailleurs, il y a alternance des temps grammaticaux. Le passé simple sert à rapporter les actions rapides et souvent violentes : "cria", "plongea", "alla". L'imparfait sert à rapporter des actions longues et cela souligne l'agonie d'Agamemnon : "sursautait", "se crispait", "poussait".
- Cette alternance des temps grammaticaux participe à la dramatisation du monologue et à l'impression de réalisme. Le spectateur croit voir la scène et entendre les cris d'Agamemnon ou encore les "rires" d'Égisthe.
Le monologue donne donc à voir une scène dramatique. Même si le Mendiant rapporte simplement le crime, le spectateur a l'impression d'assister au meurtre sanglant qui est décrit.
La description d'un crime violent
La violence du meurtre
Le crime décrit par le Mendiant est particulièrement violent.
- Agamemnon est assassiné lâchement par sa femme Clytemnestre et son amant Égisthe. Les deux meurtriers sont décrits en termes peu élogieux. Ils sont opposés à Agamemnon qui reste un personnage noble que le Mendiant désigne par la périphrase "roi des rois".
- L'idée de violence est renforcée par la présence d'un vocabulaire qui rappelle la couleur rouge du sang : "sang", "robe rouge", "soleil".
- Les deux tueurs s'acharnent contre leur victime : "ne le lâchait plus".
- Giraudoux utilise des hyperboles et des adverbes pour exagérer et souligner la violence de la scène : "grands coups de pied", "trop fort".
- Par ailleurs, le crime est décrit jusque dans la façon dont l'épée "transperce" le roi. Un détail particulièrement horrifiant est rapporté : Égisthe se montre tellement violent que son épée traverse Agamemnon et touche le sol. Cette image frappante provoque l'effroi du spectateur : "l'épée entailla la dalle".
- De plus, Égisthe et Clytemnestre sont lâches, ils sont deux contre Agamemnon, ils ont préparé un "guet-apens".
La description glaçante des meurtriers
Le Mendiant décrit surtout le plaisir que semblent prendre les tueurs à ce meurtre.
- Clytemnestre tourne autour de sa victime, Égisthe rit.
- L'alternance des points de vue dans le monologue permet de rapporter les pensées d'Égisthe qui est surpris que le meurtre soit si facile. Ainsi, on relève une opposition entre "bloc d'airain et de fer" et "douce chair", "facile à transpercer".
- Égisthe s'étonne de pouvoir tuer si facilement, de ne rencontrer aucune résistance.
- Surtout, les deux personnages ne s'émeuvent pas de la souffrance du roi. Ils prennent leur temps, semblent d'abord le torturer avant de le tuer enfin.
- Même lorsqu'il est mort, ils s'acharnent sur lui alors que "quatre doigts déjà ne bougeaient plus".
- Afin de rendre le meurtre plus réaliste, Giraudoux donne également des détails sur les parties du corps d'Agamemnon : "pied", "tête", "visage", "barbe", "bras", "main droite", "quatre doigts". Le spectateur peut imaginer le corps meurtri de la victime.
La description violente et horrifique du meurtre d'Agamemnon permet à Giraudoux d'actualiser le mythe d'Électre et de le moderniser. Il désacralise les personnages par une humanisation plus profonde et en réactualise l'idée de tragédie.
La modernisation du mythe
La description désacralisée des personnages antiques
- Giraudoux offre un portrait cruel de Clytemnestre et Égisthe.
- La femme d'Agamemnon s'apparente à une bête sauvage. Elle tourne autour du corps comme un vautour. Elle a la "mousse à ses lèvres" comme une bête enragée. Agamemnon pense même qu'elle pourrait lui cracher dessus.
- Égisthe apparaît comme froid, il rit de son meurtre et s'intéresse à des détails macabres.
- Il est intéressant de noter que dans le crime, Clytemnestre est décrite comme étant de "plus en plus laide" alors qu'Égisthe est "de plus en plus beau".
- Agamemnon quant à lui est montré comme profondément humain. Il ne meurt pas de façon noble comme un roi antique. Il est battu et humilié. En adoptant son point de vue, le Mendiant éveille l'empathie du spectateur. Le roi n'en peut plus, il attend la mort comme une délivrance. Il n'est plus un grand roi mais un innocent, associé à un "agneau".
Une réactualisation du tragique
Le tragique est très présent dans la scène.
- Le Mendiant intervient dans sa description de la scène pour dire : "Les assassins ont tort de blesser le marbre, il a sa rancune ; c'est à cette entaille que moi j'ai deviné le crime."
- Le meurtre va être vengé. Ainsi, en mourant, Agamemnon sait que son fils Oreste le vengera un jour et le remercie déjà pour cela.
- Il fait de sa fille l'incarnation même de la mort, ce qui souligne que la tragédie est liée à sa famille.
- La mort apparaît dans le monologue, elle est personnifiée et associée à l'apaisement : "on peut se confier à elle", "sa seule amie".
- Le terme "la mort" est d'ailleurs répété deux fois.
- Lorsqu'elle arrive, l'auteur utilise l'adverbe "soudain" pour souligner que cela survient de façon brusque.
- Il utilise ensuite une métaphore : "Puis vint l'ombre."
- La mort est une amie, presque un membre de la famille : "air de famille, un air qu'il reconnaissait". La mort est liée à la famille d'Agamemnon, la tragédie est son destin.
Dans ce monologue dramatisé, Giraudoux parvient à rendre théâtrale et terrifiante une scène de crime qui n'est pas montrée sur scène. Cela lui permet de représenter toute l'horreur du meurtre. Il décrit avec précision la succession des actes menant à la mort d'Agamemnon, en insistant sur la cruauté et la lâcheté des meurtriers, leur apparente indifférence et le plaisir qu'ils ont à faire souffrir. Le spectateur a le sentiment de vivre la scène, il adopte le point de vue d'Agamemnon et ressent son agonie. Giraudoux réactualise aussi le mythe. Il désacralise des personnages antiques et fait de la mort une amie intime de la famille d'Agamemnon, ce qui annonce la destinée tragique des autres personnages.