Différencier le drame romantique et la tragédie classique Exercice fondamental

L'évolution de la société du XIXe siècle et l'avènement du romantisme accélèrent la décadence de la tragédie et l'émergence de nouvelles manières d'écrire le théâtre. Le drame romantique naît tout d'abord pour faire face à l'évolution des goûts du public. C'est ensuite Victor Hugo qui théorise ses caractéristiques propres dans La préface de Cromwell.

À l'origine de cette évolution, la traduction et donc la connaissance plus précise de Shakespeare et des dramaturges allemands permettent de renouveler les goûts et d'apporter de nouvelles perspectives, différentes de la tragédie classique. L'écrivain et critique littéraire Stendhal, dans Racine et Shakespeare, prend parti contre le classicisme et pour le romantisme, en soulignant la nécessité pour le théâtre de plaire au public : il écrit que "le romantisme appliqué au genre tragique, c'est une tragédie en prose qui dure plusieurs mois et se passe en divers lieux". Le drame romantique apparaît donc pour s'adapter aux nouveaux goûts du public.

Par la suite, Victor Hugo applique la technique d'écriture de Shakespeare dans sa pièce Cromwell : la Préface de Cromwell est considérée comme un manifeste qui définit l'esthétique du drame romantique. L'auteur y revendique tout d'abord le rejet des règles : le drame romantique refuse la règle des trois unités mais conserve l'unité d'action, qu'il faut cependant appliquer de manière plus souple, qui est plutôt une unité d'ensemble qui accepte des actions secondaires si elles s'appuient sur l'action principale. En revanche, la règle de bienséance n'est plus respectée : les dramaturges n'hésitent pas à représenter des scènes violentes. Ce rejet des règles provoque la polémique et le scandale à la représentation d'Hernani qui débouche sur la bataille d'Hernani. La nouvelle génération romantique, qui s'oppose aux partisans de la hiérarchisation des genres, veut atteindre la liberté dans l'art : le dramaturge n'accepte comme modèle que la nature. Le but de l'écriture doit être de montrer "la vie transfigurée en art" : l'art interprète la réalité et la condense sur scène, d'où le mélange du grotesque et du sublime qui reflète les contradictions du monde réel sans chercher à l'embellir. En effet, on privilégie désormais le "caractéristique" au beau, dans l'ambition de proposer un miroir total du réel : "tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie, dans l'homme, tout doit s'y réfléchir mais sous la baguette magique de l'art" écrit Hugo. Malgré tout, comme la tragédie classique, le drame romantique peut s'écrire en vers, comme dans Hernani : le vers doit permettre, selon la Préface de Cromwell, d'afficher la dimension artistique, de marquer la différence entre le réel et l'œuvre d'art.