Sommaire
IAvant le XVIIe siècleALe théâtre antiqueBLe théâtre en France au Moyen ÂgeIILe théâtre aux XVIIe et XVIIIe sièclesALe théâtre baroqueBLe théâtre classiqueCLe drame bourgeoisIIILa révolution romantiqueALe drame romantiqueBLes comédies de boulevardIVLe théâtre au XXe siècleALe théâtre de la cruautéBLe théâtre de l'absurdeAvant le XVIIe siècle
Le théâtre antique
Les premières formes de théâtre sont essentiellement des tragédies. Cette forme de théâtre est la représentation symbolique d'un sacrifice.
Dans la Grèce antique, les célébrations religieuses étaient l'occasion pour les dramaturges de s'affronter en proposant différentes représentations d'un mythe ou d'un sujet donné. La compétition consistait souvent à présenter quatre pièces (trois tragédies et un drame satyrique).
Eschyle propose L'Orestie en 458 avant Jésus-Christ.
Les tragédies étaient l'occasion de débattre sur des sujets politiques.
Antigone de Sophocle pose la question de la primauté des lois des hommes sur les lois divines.
Les célébrations en l'honneur de Dionysos étaient aussi l'occasion de représentations, souvent liées à la débauche. Ce sont les premières représentations comiques. Mais ces comédies avaient aussi une volonté de lancer un débat.
Dans Lysistrata d'Aristophane, les femmes font du chantage à l'abstinence pour obtenir la fin de la guerre. Derrière un propos comique se cache une prise de conscience des dégâts humains qu'impliquent les conflits.
C'est également à cette époque que remontent les premières théories sur le théâtre.
[Le théâtre est] l'imitation d'une action sérieuse et complète, elle a une juste grandeur, son langage est agréable [...]. Les événements y sont joués par des personnages et non racontés dans un récit ; enfin, elle provoque la pitié et la crainte, par là, elle effectue une véritable purgation de ces deux sortes de sentiments.
Aristote
Poétique, (Perì poiêtikês), trad. Odette Bellevenue et Séverine Auffret, Paris, éd. Mille et une nuits (2006)
384 av. J.-C. - 322 av. J.-C.
Cette citation désigne la première définition du théâtre apparue dans l'histoire de la littérature occidentale.
À Rome, le théâtre reprend les sujets grecs puis propose des pièces plus actuelles. Le théâtre, tout comme en Grèce, est source de débat.
Dans Médée, Sénèque raconte le destin tragique d'une mère qui assassine ses enfants pour se venger de son époux infidèle.
Mais le théâtre latin peut aussi se faire comique et ne rechercher que le divertissement du spectateur.
La Marmite de Plaute raconte l'histoire d'un avare qui a peur de se faire voler sa marmite remplie d'or, enterrée dans sa maison. Cette pièce inspirera Molière pour son écriture de L'Avare.
Le théâtre en France au Moyen Âge
Avec les invasions barbares, l'Europe est plongée dans un bouleversement politique important. L'insécurité rôde sur les routes, on voyage moins. Le théâtre latin se perd et la culture se diffuse également moins loin.
Mais vers le Xe siècle, l'Église veut diffuser massivement la connaissance des moments importants de la Bible. Comme la plus grande partie de la population française ne sait pas lire, elle fait réaliser des représentations de ces extraits par des villageois. Ce sont les mystères. D'abord représentés dans les églises, ils sont par la suite joués sur le parvis de celles-ci.
Puis les villageois achèvent peu à peu ces représentations par de courtes pièces comiques qu'on appelle les jeux. Ils vont rapidement prendre le pas sur les mystères. Le théâtre comique vient de renaître.
La fin du Moyen Âge voit enfin l'apparition d'un nouveau genre comique, qui représente un récit long et cohérent traitant d'une arnaque. Ce sont les farces.
Dans La Farce de Maître Pathelin, un avocat sans le sou monte une arnaque pour voler du tissu à un drapier.
Le théâtre aux XVIIe et XVIIIe siècles
Le théâtre baroque
Après un Moyen Âge confus, le théâtre reprend une dimension littéraire à la fin du XVIe siècle. Plusieurs dramaturges composent des textes tragiques aux récits complexes et contemporains.
À cette période fleurit le théâtre baroque. Ce genre protéiforme se caractérise par :
- Les thèmes du changement, de l'illusion, de l'inconstance et de la mort
- Une certaine démesure dans la représentation
Ce genre désigne souvent le théâtre comme représentation du monde et, à l'inverse, le monde comme une immense pièce de théâtre.
Dans L'Illusion comique, joué en 1635, Pierre Corneille représente une illusion, celle de la représentation théâtrale. Une troupe de comédiens joue une pièce devant le père de l'un d'entre eux, sans que le père ne comprenne qu'il ne s'agit pas de la réalité. En effet, l'un des comédiens s'est fait passer pour un magicien aux pouvoirs capables de montrer ce qu'il advient en d'autres temps et d'autres lieux. Cette pièce met donc en scène la notion complexe de théâtre dans le théâtre.
Le théâtre classique
Mais peu à peu, des hommes de lettres définissent des usages à respecter. Le théâtre baroque laisse alors la place au théâtre classique, régi par les règles énoncées par l'abbé d'Aubignac. C'est le cardinal Richelieu qui lui demande de rédiger les règles suivantes, par souci de respecter la morale :
- Règle de vraisemblance : l'histoire doit être crédible.
- Règle des trois unités : temps, lieu, action.
- Règle de bienséance : l'histoire ne doit pas choquer le public et les mœurs de l'époque.
Par souci de vraisemblance et par confort pour le spectateur, les théoriciens du théâtre du XVIIe siècle proposent en effet de respecter trois unités :
- L'unité de temps (ou règle des vingt-quatre heures) : toute l'action représentée dans la pièce doit s'effectuer entre le lever et le coucher du soleil.
- L'unité de lieu : toute l'action représentée se déroule dans un même lieu. Les personnages se croisent ainsi tous au même endroit. Souvent, dans la tragédie classique, il s'agit d'un lieu de passage (corridor, antichambre, etc.).
- L'unité d'action : afin de simplifier la compréhension de la pièce par le spectateur, il n'existe qu'un seul vrai problème.
Par ailleurs, la bienséance interne oblige le personnage à certains principes :
- Le caractère du personnage doit rester constant du début jusqu'à la fin de la pièce.
- Le personnage doit se comporter en conformité avec son statut social.
- Si le personnage est connu, il doit être dans la pièce tel qu'il est dans la réalité.
Enfin, la bienséance externe est le fait de devoir se conformer aux mœurs des spectateurs. Le dramaturge doit la respecter pour ne pas choquer les spectateurs. La pièce ne doit donc pas dévoiler des scènes trop violentes comme la mort, ou trop explicite comme les scènes d'amour.
La tragédie puis la comédie classique s'efforcent de respecter ces règles jusqu'à la fin du XVIIIe siècle.
Phèdre de Jean Racine respecte parfaitement les trois unités :
- L'action commence au petit matin, tandis qu'Hippolyte s'apprête à quitter Trézène pour partir à la recherche de son père. La mort de Phèdre a lieu juste après le coucher du soleil.
- Les personnages se croisent dans une antichambre, devant les appartements de Phèdre.
- Le seul problème évoqué est sa passion dévorante pour son beau-fils Hippolyte. Celle-ci a plusieurs conséquences qui obligent les personnages à se confronter les uns aux autres.
Le drame bourgeois
Le XVIIIe siècle connaît une continuation des genres de la comédie et de la tragédie :
- Voltaire a écrit de nombreuses tragédies, aujourd'hui méconnues.
- Marivaux explore les méandres de la confrontation amoureuse (ce qu'on nomme le marivaudage en hommage à ses pièces).
- Beaumarchais propose des pièces plus engagées qui sont des réflexions sur des phénomènes de société, comme les rapports maître/valet ou la condition féminine.
Mais ce siècle connaît également la naissance d'un nouveau genre, celui du drame bourgeois. Dans ces pièces, la primauté est accordée à la représentation des sentiments humains :
- La pièce met en scène une famille bourgeoise (d'où le nom de ce genre).
- Le refus de la vraisemblance : seul compte le fait de représenter des personnages semblables au naturel des spectateurs, quitte à ne pas respecter les unités.
- Les thèmes mis en œuvre sont ceux qui préoccupent les spectateurs du XVIIIe siècle.
- La pièce se reconnaît à l'exagération et à l'expansion des sentiments humains.
- Le cadre spatio-temporel propose une reconstitution de la réalité de manière idéalisée.
- Ce cadre est souvent familial et quotidien.
- Les didascalies sont importantes. On a recours à la pantomime.
Dans Le Fils naturel, écrit par Denis Diderot en 1757, Dorval est déchiré entre l'amour qu'il porte à Rosalie (qui est amoureuse de lui mais qui est également aimée de Clairville, le meilleur ami de Dorval) et Constance, qu'il s'est engagé à épouser. La pièce pose également le problème de la filiation naturelle, celle des enfants nés hors mariage.
Pantomime
La pantomime est l'art d'exprimer les passions, les sentiments, les idées par des gestes et par des attitudes. Il ne faut pas utiliser la parole. L'histoire doit être comprise grâce aux gestes des acteurs. C'est donc un genre souvent surjoué.
Dans Hamlet de Shakespeare, le prince du Danemark met en scène une pantomime, petite pièce de théâtre qu'il appelle "La Souricière". Les acteurs miment, à grand renfort de gestes, le meurtre du roi Hamlet aux mains de son frère Claudius.
La révolution romantique
Le drame romantique
Au XIXe siècle, de jeunes auteurs remettent en question les usages classiques. Ce sont les romantiques. Sous l'influence d'abord de Victor Hugo, puis d'Alfred de Musset, toutes les règles sont détournées.
Dans Lorenzaccio d'Alfred de Musset, toutes les scènes n'ont pas lieu au même endroit. On passe des rues de Florence à la cour du duc en quelques secondes. De même, Lorenzo tue le duc sur scène, violant ainsi la règle de la bienséance.
Cette transformation des usages dans l'écriture théâtrale se fait dans un climat hostile. Les romantiques se confrontent aux défenseurs de la tradition classique. Cet affrontement en arrive même jusqu'aux mains lors de la seconde représentation d'Hernani de Victor Hugo le 25 février 1830.
Le drame romantique se reconnaît à :
- Son mépris des unités classiques et de la bienséance
- Des sujets historiques
- Des reconstitutions de la réalité, mais d'une réalité qui n'est pas idéalisée (au contraire du drame bourgeois).
- Un héros exalté et autodidacte
- Des tableaux en début d'acte, qui mettent en place la représentation du réel.
Dans Hernani, pièce de Victor Hugo créée en 1830, le cadre spatio-temporel est placé dans l'Espagne de la Renaissance. Les lieux sont multiples, les actes sont séparés de plusieurs semaines. Le récit s'appuie sur des chroniques espagnoles qui racontent l'accession au pouvoir de Charles Quint. Hernani, jeune rebelle amoureux de la fiancée de Charles Quint, projette, pour des raisons politiques, d'empêcher l'accession de celui-ci au trône d'Espagne.
Ces représentations ont été précédées d'ouvrages théoriques, qui proposent des innovations de manière théorique et programmatique :
- Stendhal, Racine et Shakespeare,1823 - 1825
- Victor Hugo, Préface de Cromwell, 1827
Ainsi, on constate qu'il y a une réelle réflexion sur le genre théâtral, et une volonté de se démarquer de ce qui a été fait avant. De nombreux auteurs se tournent vers Shakespeare, grand dramaturge anglais du XVIe et XVIIe siècles, qui leur semble être un auteur réellement libéré de toutes contraintes.
Les comédies de boulevard
La fin du siècle connaît également la multiplication des troupes privées. Le théâtre se répand un peu partout en France et en particulier dans la capitale. On ouvre de grands théâtres privés sur les boulevards parisiens. Ceux-ci proposent des pièces comiques aux mœurs légères : c'est le théâtre de boulevard.
Dans La Dame de chez Maxim de Georges Feydeau, le docteur Petypon est contraint de faire passer une jeune danseuse du Moulin-Rouge, la môme Crevette, pour sa femme. Petypon se voit obligé de l'emmener dans le grand monde, où la môme Crevette dénote par son parler et par ses gestes.
À la fin du XIXe siècle, le drame romantique s'essouffle. Un dernier coup d'éclat est réalisé par Edmond Rostand en 1898 lorsqu'il présente Cyrano de Bergerac.
De même, la comédie de boulevard se fait redondante. Le public s'ennuie.
Le théâtre au XXe siècle
Le théâtre de la cruauté
Dès le début du XXe siècle, le théâtre français est donc en crise. L'apparition du cinéma, qui permet une représentation très réaliste, pousse les auteurs de théâtre à s'interroger sur la définition du genre.
Par ailleurs, l'horreur de la Première Guerre mondiale laisse la trace d'un traumatisme. Les auteurs ressentent davantage l'horreur et la cruauté dont l'humanité peut être l'origine.
Dans son Théâtre de la cruauté, Antonin Artaud propose une nouvelle vision du genre. Selon lui, le théâtre doit revenir à ses sources sacrificielles. Le personnage de théâtre représente le destin tragique de l'Homme, qui subit le monde qui l'entoure.
"Théâtre de la cruauté" veut dire théâtre difficile et cruel d'abord pour moi-même. Et, sur le plan de la représentation, il ne s'agit pas de cette cruauté que nous pouvons exercer les uns contre les autres en nous dépeçant mutuellement les corps (…) mais de celle, beaucoup plus terrible et nécessaire, que les choses peuvent exercer contre nous. Nous ne sommes pas libres. Et le ciel peut encore nous tomber sur la tête.
Antonin Artaud
Le Théâtre et son double, Paris, éd. Gallimard
1938
Dans cet extrait, Antonin Artaud rappelle sa conception tragique de la condition humaine : l'Homme subit un monde cruel. Le théâtre se doit donc de représenter cette cruauté.
Cette conception du théâtre influence beaucoup d'auteurs de la seconde partie du XXe siècle, comme Jean Genet et Eugène Ionesco, mais aussi des metteurs en scène comme Roger Planchon.
Le théâtre de l'absurde
Le théâtre de l'absurde naît juste avant la Seconde Guerre mondiale.
Dans Caligula, publié en 1944 mais commencé en 1938, Albert Camus développe sa philosophie de l'absurde. Le personnage éponyme réapparaît après une absence de plusieurs jours, suite au décès de sa sœur et amante, Drusilla. Il confie alors son désenchantement, son horreur du monde qui l'entoure, ainsi que son désir d'impossible.
Après la Seconde Guerre mondiale, le théâtre de l'absurde pousse davantage ses recherches. La définition traditionnelle du théâtre est remise en question :
- Certains auteurs comme Eugène Ionesco proposent un langage creux, vidé de sa substance.
- D'autres, comme Samuel Beckett, représentent des pièces sans récit, où se succèdent des situations improbables et sans cohérence.
- Tous, d'une manière ou d'une autre, représentent un monde hostile dans lequel le personnage n'a plus vraiment de substance.
Dans La Cantatrice chauve d'Eugène Ionesco, les personnages parlent mais ne communiquent plus vraiment. Les répétitions sont nombreuses et les phrases-types remplissent l'espace verbal.