Sommaire
IL'histoire du théâtreALa prédominance de la comédie et de la tragédieBDe la normalisation à l'expérimentationIILa représentation du texte théâtralALes enjeux du texteBLes débats autour de la représentationIIIAnalyser une scène de théâtreALes répliquesBLe discours non-verbalCLa structure de la pièceL'histoire du théâtre
La prédominance de la comédie et de la tragédie
La comédie et la tragédie sont deux genres hérités du théâtre antique. Jusqu'au XIXe siècle, ils ont été les deux genres majeurs du théâtre français.
La comédie, héritée des pièces comiques romaines (notamment celles de Plaute et de Terence), est essentiellement connue au travers des pièces de Molière. Cet auteur du XVIIe siècle propose une critique des défauts humains (l'avarice dans L'Avare, l'ambition dans Le Bourgeois gentilhomme, la jalousie dans L'École des femmes) et de situations sociales (Les Fourberies de Scapin) mais aussi les travers de la société de son temps, comme la charlatanerie de certains médecins (Le Malade imaginaire) et la fausse dévotion (Tartuffe). La comédie est alors un divertissement de cour, après avoir été longtemps un spectacle populaire sur les champs de foire. À la suite de Molière, le XVIIIe siècle connaît deux auteurs importants : Marivaux (Le Jeu de l'amour et du hasard, L'Île des esclaves) et Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais (Le Barbier de Séville, Le Mariage de Figaro).
La tragédie, essentiellement héritée des tragédies grecques antiques théorisées par Aristote dans son ouvrage critique Poétique, prend son essor dès la fin du XVIe siècle. Ses deux auteurs les plus connus sont Pierre Corneille et Jean Racine. Tandis que Pierre Corneille propose des personnages en proie à un dilemme intérieur (dans Le Cid, Rodrigue doit choisir entre sauver l'honneur de son père ou laisser vivre le père de la femme qu'il aime et la perdre), Jean Racine met en œuvre des récits dans lesquels le personnage central est confronté dès le lever du rideau à une issue qu'il ne peut éviter (dans Phèdre, l'héroïne meurt pour avoir aimé son beau-fils). La tragédie se joue également pour la cour. Elle est destinée à un public averti et cultivé. À leur suite, d'autres auteurs ont écrit des tragédies (notamment Voltaire) mais l'histoire littéraire et l'enseignement secondaire ont peu retenu leurs pièces.
Comédie
La comédie est un genre théâtral qui vise à amuser le spectateur, notamment en se moquant des mœurs de son temps. Elle existe depuis l'Antiquité et a encore beaucoup de succès de nos jours.
Le Barbier de Séville, comédie de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, raconte les manœuvres du jeune Figaro pour obtenir le mariage de son maître le comte Almaviva avec la jeune Rosine. Cette dernière est enfermée chez elle par le vieux Bartholo, qui est résolu à l'épouser.
Tragédie
La tragédie est un genre théâtral qui met en scène la confrontation de personnages de noble condition, dont le destin est condamné. Elle vise à émouvoir le spectateur, et à lui faire éprouver de la terreur et de la pitié.
Phèdre est une tragédie de Jean Racine qui raconte les derniers jours de l'épouse du roi Thésée. Amoureuse du fils de son mari, elle trahit ce dernier et finit par se donner la mort.
Ces deux genres sont placés au XVIIe siècle sous la protection du roi Louis XIV. Ses successeurs maintiennent, jusqu'à aujourd'hui, leur représentation sur des scènes nationales comme la Comédie-Française.
Mais au fil des siècles, d'autres genres théâtraux ont fait leur apparition. On retiendra surtout :
- Le drame bourgeois qui met en scène les déboires d'une famille bourgeoise en proie à des conflits (Le Fils naturel de Denis Diderot, La Mère coupable de Beaumarchais)
- Le drame romantique, théorisé notamment par Victor Hugo, qui remet en cause les usages de la tragédie classique. Ses auteurs les plus connus sont Victor Hugo (Hernani, Ruy Blas) et Alfred de Musset (Lorenzaccio).
- La comédie de boulevard (qui comprend notamment le genre du vaudeville), qui est une pièce comique très codifiée, dans laquelle le récit se déplie selon une mécanique bien huilée, autour de personnages bourgeois aux mœurs souvent légères. Le genre apparaît à la fin du XIXe siècle sur les théâtres des Grands Boulevards parisiens. Les auteurs les plus connus sont Eugène Labiche (Un Chapeau de paille d'Italie, Le Voyage de Monsieur Perrichon) et Georges Feydeau (Feu la mère de madame, La Dame de chez Maxim)
- Le théâtre de la cruauté, théorisé par Antonin Artaud (dans Le Théâtre et son double) au début du XXe siècle, qui entend revenir aux sources sacrificielles du théâtre tragique.
- Le théâtre de l'absurde, qui apparaît après la Seconde Guerre mondiale. Ces pièces proposent un regard tragique sur l'existence humaine (souvent vide de sens) et fonctionnent sur l'absence de communication entre les personnages. Les auteurs les plus connus sont Eugène Ionesco (La Leçon, La Cantatrice chauve, Rhinocéros) et Samuel Beckett (En attendant Godot, Fin de partie)
Drame bourgeois
Le drame bourgeois est un genre théâtral typique du XVIIIe siècle. Les personnages sont de condition bourgeoise, les rebondissements y sont nombreux et rocambolesques.
Le Fils naturel de Denis Diderot est une pièce représentative du drame bourgeois.
Drame romantique
Le drame romantique est caractéristique du XIXe siècle. Il se définit par une opposition à tous les usages de la tragédie classique : il ne respecte ni les règles de bienséance ni celles de la vraisemblance.
Lorenzaccio d'Alfred de Musset est un drame romantique : il multiplie les intrigues et les lieux. L'histoire se déroule également sur plusieurs mois. En conséquence, la pièce ne respecte pas les règles classiques des trois unités.
Théâtre de la cruauté
Le théâtre de la cruauté est une vision du théâtre défendue principalement par Antonin Artaud. Ce théâtre entend revenir aux sources sacrificielles du théâtre antique.
L'œuvre d'Antonin Artaud la plus représentative du théâtre de la cruauté est Le Jet de sang.
Théâtre de l'Absurde
Le théâtre de l'absurde est un courant qui émerge au milieu du XXe siècle. Il se caractérise par le refus de la plupart des règles théâtrales et une réflexion sur le monde contemporain aboutissant à une perte totale des repères.
Rhinocéros d'Eugène Ionesco appartient au théâtre de l'absurde. Bien que le contexte semble tout à fait réaliste (une ville, avec ses bureaux, ses cafés, ses habitants), la fin montre parfaitement l'aspect absurde et fataliste de la pièce : tous les personnages, atteints de rhinocérite, se sont transformés en rhinocéros, sauf le héros Bérenger, qui tente jusqu'au bout d'éviter la transformation, et déclare à la fin de la pièce qu'il fera tout pour rester humain.
De la normalisation à l'expérimentation
Tout au long du XVIIe siècle, divers auteurs de théâtre et critiques littéraires ont débattu des usages à préférer dans la tragédie. L'abbé d'Aubignac en centralise finalement les conclusions dans sa Pratique du théâtre en 1657. Celles-ci préconisent :
- La règle de bienséance
- La règle de vraisemblance, dont découle la règle des trois unités
- La règle des trois unités (temps, lieu, action)
Ces règles sont ensuite réaffirmées par Nicolas Boileau dans son Art poétique (publié en 1674).
À ces règles explicites, les auteurs de théâtre classique s'assignent tous à l'imitation d'une particularité des textes de Corneille et Racine : l'emploi du vers, selon les usages du mouvement classique :
- Hexasyllabe et alexandrin
- Nécessité de la césure
- Refus de l'enjambement
- Refus de la diérèse
- Alternance des rimes masculines et féminines
L'engouement pour la tragédie est tel que les auteurs comiques se mettent eux aussi à écrire selon ces usages. Certaines comédies de Molière sont en vers et respectent les règles de l'Abbé d'Aubignac (L'École des femmes, Tartuffe, Le Misanthrope).
Au XIXe siècle, les auteurs romantiques finissent par rejeter ces usages. Victor Hugo propose une nouvelle forme dans la préface de Cromwell. Les premières représentations d'Hernani font scandale, parce qu'elles ne respectent ni les règles classiques ni les usages de la versification.
Par la suite, diverses expérimentations sont proposées par les auteurs de théâtre :
- Antonin Artaud met en avant la dimension violente de toute pièce de théâtre
- Eugène Ionesco réfléchit à la vacuité du discours et à la pertinence d'une progression narrative
La représentation du texte théâtral
Les enjeux du texte
Selon la définition usuelle du théâtre, si une pièce relève de l'art du spectacle, le texte en est le point de départ, la trame. Le texte est également, depuis ses origines, la principale trace de la réalisation de la pièce. Il est la transcription quasi complète de sa représentation.
Le texte de théâtre contient :
- Des répliques, qui contiennent le discours tenu par les différents personnages
- Des didascalies, qui retranscrivent tout ce que perçoit le spectateur et que ne disent pas les personnages
Par ailleurs le texte de théâtre appartient aux arts du récit. Dans ce type de texte le récit n'est pas pris en charge par un narrateur ; il est directement réalisé sous les yeux de son destinataire (le spectateur).
Réplique
La réplique est un ensemble de paroles formulées par un personnage sans que celui-ci ne soit interrompu.
Monologue
Le monologue est un discours prononcé par un personnage seul sur scène. Le personnage y exprime ses pensées et ses sentiments.
Dans George Dandin de Molière, le rideau s'ouvre sur un monologue du personnage éponyme. Seul sur scène, George Dandin expose sa situation.
Aparté
Un aparté est un commentaire qui intervient dans un dialogue : le personnage expose ses pensées à voix haute, soit à lui-même, soit à un autre personnage mais de manière cachée à d'autres protagonistes présents sur scène. Le jeu du comédien le sépare symboliquement des autres personnages.
Didascalies
Les didascalies sont les phrases qui signifient tout ce que le spectateur perçoit mais qui n'est pas proféré par les personnages.
Dans Cyrano de Bergerac, chaque acte s'ouvre sur une très grande didascalie qui décrit au lecteur ce que doit voir un spectateur sur scène : le décor, l'éclairage et le va-et-vient des figurants.
Les débats autour de la représentation
Mais si le texte est la trace de ce que recommande l'auteur pour la représentation de la pièce, cette trace n'est pas toujours fidèlement respectée.
À la suite de l'auteur (qui n'a que rarement proposé une représentation de son œuvre), la représentation est prise en charge (depuis le XIXe siècle) par un metteur en scène. Ce dernier propose au spectateur une interprétation de l'œuvre, au travers des différents moyens scéniques dont il dispose (comédiens, décor, éclairage, musique, costumes, etc.).
Au cours du XXe siècle, différents metteurs en scène ont confronté leurs conceptions du texte et de la représentation théâtrale :
- Pour certains comme Jacques Coupeau, le texte reste le point de départ et l'élément indispensable à la représentation.
- Pour d'autres comme Antonin Artaud et Jean-Louis Barrault, le texte n'est qu'un élément de la représentation parmi d'autres.
- Pour d'autres enfin, comme Antoine Vitez, le texte contient implicitement les éléments constitutifs de sa représentation.
Analyser une scène de théâtre
Les répliques
Les enjeux du texte sont identifiables dans :
- La situation d'énonciation
- Les objectifs des discours des personnages
- La longueur des répliques
Les différents types de répliques peuvent remplir certains objectifs :
- La repartie met en valeur une idée importante.
- La stichomythie met en œuvre un discours rapide, par exemple sous le coup de l'énervement ou de l'enthousiasme.
- La tirade est propice aux épanchements du cœur et de la pensée.
Repartie
La repartie est une réplique très courte.
Stichomythie
La stichomythie est une série de répliques très courtes.
Tirade
La tirade est une réplique longue. Le discours est monopolisé un temps par un personnage. Les autres personnages présents sur scène sont à l'écoute.
Le discours non-verbal
Mais, en plus des répliques, il est pertinent d'observer le discours non verbal du texte, contenu dans les didascalies. Celles-ci transmettent :
- Des indications spatio-temporelles
- Des éléments descriptifs (décor, lumière, musique, etc.) qui font écho aux objectifs des répliques
- Des indications de jeu
La structure de la pièce
Pour exposer la pleine signification de la scène, il faut prendre en compte son emplacement dans l'ensemble de la pièce. Comme tout récit, une scène est une unité de sens disposée de manière structurée dans l'ensemble narratif.
Deux positionnements sont particulièrement intéressants : la scène d'exposition et le dénouement.
Scène d'exposition
La scène d'exposition est la scène qui présente au spectateur le lieu, l'époque et l'intrigue de la pièce. Cela ne lui est pas explicitement précisé, mais le spectateur le devine grâce aux costumes, aux décors, et surtout à l'interaction des personnages.
Dénouement
Le dénouement est le retour final à une situation stable. Souvent les péripéties sont interrompues par la solution apportée par un ou plusieurs personnages.
Pour analyser une scène d'exposition, il est donc indispensable d'observer :
- La présentation des personnages et des rapports qu'ils entretiennent
- La mise en place du cadre spatio-temporel
- La manière dont sont instaurées l'intrigue et l'atmosphère de la pièce
Pour analyser un dénouement, il convient donc d'observer :
- Les personnages présents sur scène
- La manière dont sont révélées les informations manquantes (aveu volontaire, involontaire, nouveau personnage, etc.)
- L'aspect vraisemblable de cette issue
- Les éléments qui ne sont pas résolus
- L'état final pour chacun des personnages