Sommaire
IGouverner la France de 1946 aux années 1970AGouverner la France sous la IVe République1Le renouvellement du personnel politique2La Constitution de la IVe République3Une instabilité relativeBL'État acquiert de nouvelles compétences1Le dirigisme économique2La mise en place de l'État-providenceCGouverner pendant les débuts de la Ve République1Un pouvoir présidentiel fort2Une intervention croissante de l'ÉtatIIUn recul relatif du rôle de l'État depuis les années 1980ALes réformes institutionnelles1La décentralisation2Alternances et cohabitationsBLe rôle de l'État remis en cause1Le contexte international2L'État et la construction européenne3L'État reste présentAprès la Seconde Guerre mondiale, la France est meurtrie et la population souhaite un profond renouvellement de ses élites. Des écoles sont créées pour former et recruter un nouveau personnel politique, tandis que l'État étend le champ de ses compétences. Il devient désormais un acteur important de l'économie française et met en place une large politique sociale. Malgré l'instabilité de la IVe République, la relative permanence des personnes à la tête de l'État permet la poursuite des politiques entreprises par l'État à la Libération.
L'arrivée de De Gaulle au pouvoir provoque l'installation de la Ve République dans laquelle les pouvoirs du président gagnent en importance au détriment de ceux du Parlement. L'intervention de l'État dans le domaine économique et social s'élargit.
Une rupture intervient dans la gouvernance de l'État dans les années 1980. La décentralisation transfère une partie des compétences de l'État au sein des collectivités territoriales et les cohabitations provoquent une réforme du mandat présidentiel.
La rupture est aussi provoquée par le nouveau rôle que l'État doit jouer dans un contexte de généralisation de la pensée libérale. L'État doit diminuer son action économique et sociale afin de laisser plus de liberté à l'économie. Malgré un recul réel de l'État, son rôle reste primordial au sein de la société française.
Gouverner la France de 1946 aux années 1970
Gouverner la France sous la IVe République
Le renouvellement du personnel politique
À la Libération, le personnel politique et les hauts fonctionnaires de l'État sont tenus pour responsables de l'humiliation de la France en 1940 et de ses conséquences, c'est-à-dire l'occupation allemande et le régime de Vichy.
L'urgence est donc au renouvellement du personnel politique français :
Dans un premier temps, l'épuration sauvage puis l'épuration encadrée par le gouvernement provisoire aboutissent à la condamnation des fonctionnaires ayant collaboré.
- Le statut général des fonctionnaires est adopté en 1946.
- Les partis politiques sont en partie renouvelés. Trois partis dominent la scène politique : le Parti communiste français, la SFIO (socialiste) et le MRP (démocrates-chrétiens).
- Les femmes accèdent au droit de vote et d'éligibilité en 1944. Elles votent pour la première fois en 1945 et quelques-unes sont élues députés en 1946.
La formation de l'élite de l'État est assurée par la création d'écoles spécialisées. Les Instituts d'études politiques (l'IEP) et l'ENA sont créés en 1945.
L'ENA, instaurée par Michel Debré, a pour objectif de démocratiser l'accès aux postes de responsabilité de l'État. Cette école forme les préfets ou les inspecteurs des finances et de la Cour des comptes. De nombreux ministres en sont diplômés. En 1974, Valéry Giscard d'Estaing est le premier président de la République à être énarque.
La Constitution de la IVe République
Les Français, consultés par référendum, votent majoritairement pour la rédaction d'une nouvelle Constitution. Trois types de Constitution sont défendus :
- De Gaulle veut un régime présidentiel, il démissionne du GPRF en janvier 1946 pour protester contre les projets élaborés par l'assemblée chargée de rédiger la Constitution.
- Les communistes et les socialistes veulent un régime d'assemblée, c'est-à-dire un régime dans lequel une seule assemblée concentre la majorité des pouvoirs. Un projet de ce type est repoussé par référendum le 5 mai 1946.
- Les membres du MRP veulent un régime parlementaire avec deux assemblées. C'est cette option qui est choisie et adoptée le 13 octobre 1946.
La IVe République est donc une république parlementaire, c'est-à-dire que le Parlement dispose de pouvoirs importants :
- Le Parlement, composé d'une chambre haute et de l'Assemblée nationale, concentre l'essentiel des pouvoirs.
- L'Assemblée nationale peut renverser le gouvernement.
- Le président du Conseil, qui dispose, en tant que chef du gouvernement, du pouvoir exécutif, doit donc disposer d'une majorité parlementaire pour gouverner.
Une instabilité relative
Les institutions de la IVe République s'avèrent rapidement instables, car il est difficile pour les gouvernements de constituer une majorité stable permettant de se maintenir :
- Le scrutin proportionnel a pour conséquence la présence à l'Assemblée de nombreux petits partis.
- Les gaullistes (RPF), réfractaires à la forme parlementaire du régime, sont dans l'opposition.
- Les communistes, avec l'apparition de la guerre froide, quittent le GPRF en mai 1947 et rejoignent les rangs de l'opposition.
Le caractère instable de la IVe République est accentué par la crise coloniale. Durant la IVe République, 24 gouvernements se succèdent de 1947 à 1958.
Malgré les changements fréquents de gouvernements durant la IVe République, on observe une certaine permanence des politiques entreprises. Cette permanence s'explique par un faible renouvellement du personnel politique et administratif :
- Les mêmes personnes occupent souvent les mêmes ministères malgré les changements de gouvernement. Ainsi, Robert Schuman et Georges Bidault s'occupent alternativement du ministère des Affaires étrangères pendant dix ans.
- De même, les hauts fonctionnaires, appelés les "grands commis de la IVe République", le plus souvent formés à l'ENA, restent également en poste malgré les changements de gouvernements.
- Les experts qui conseillent les décideurs politiques sont également maintenus dans leurs fonctions et contribuent à la stabilité de l'action de l'État.
L'État acquiert de nouvelles compétences
Le dirigisme économique
À partir de 1945, l'État intervient de manière concrète dans l'économie alors que son rôle se limitait aux pouvoirs régaliens (armée, justice et monnaie) dans la IIIe République.
Le programme du CNR (Conseil national de la Résistance) est suivi pour moderniser l'économie française. L'État intervient directement dans l'économie selon une logique keynésienne. Des nationalisations sont réalisées de 1944 à 1946 dans les banques, les assurances, l'énergie et les transports. Rapidement, 10 % de la population active travaille pour le gouvernement.
La planification de l'économie est entreprise par le Commissariat général au Plan dirigé par Jean Monnet. De nouveaux outils sont adoptés, comme l'institut de sondage INSEE créé en 1946.
L'économie française s'ouvre également aux autres économies. La France fait partie de l'OECE (Organisation européenne de coopération économique, destinée à répartir les fonds du plan Marshall). À l'échelle européenne, elle est un des pays fondateurs de la CECA en 1951 et de la CEE en 1957.
La mise en place de l'État-providence
La IVe République joue aussi un rôle social et prend des mesures qui s'inspirent du programme du CNR.
La Sécurité sociale est créée en 1945 par Pierre Laroque. Elle permet d'aider les Français confrontés à la maladie, à l'invalidité et à la vieillesse. Elle est financée et gérée par les employeurs et les salariés.
D'autres lois sont votées et contribuent à la mise en place de l'État-providence :
- La loi sur les HLM de 1950 a pour objectif de régler les problèmes posés par le manque de logements en aidant les plus démunis.
- Le SMIG (qui deviendra le SMIC) est instauré en 1950 et permet aux salariés de recevoir un salaire minimum.
La mise en place de l'État-providence permet la réalisation effective de la solidarité nationale. En redistribuant les revenus, le niveau de vie des Français augmente, provoquant alors une hausse de la consommation favorable à la croissance économique.
Gouverner pendant les débuts de la Ve République
Un pouvoir présidentiel fort
En septembre 1958, une nouvelle Constitution, écrite par Michel Debré, est approuvée à 80 % par voie référendaire et instaure la Ve République.
Cette dernière établit un compromis entre l'attachement d'une partie des Français au parlementarisme d'une part, et la volonté de De Gaulle d'établir un exécutif fort d'autre part.
Le Parlement est affaibli par rapport aux régimes précédents. Il est composé du Sénat et de l'Assemblée nationale. Il garde un pouvoir de contrôle puisque le "gouvernement est responsable devant le Parlement". Toutefois, il est plus difficile pour l'Assemblée nationale de renverser un gouvernement. Le Parlement garde néanmoins des prérogatives importantes, il vote les lois et le budget, mais son activité est encadrée par le gouvernement qui fixe son ordre du jour.
Le président voit ses pouvoirs renforcés par rapport aux régimes précédents :
- Il est élu par un large collège de 80 000 grands électeurs.
- Il peut demander la tenue d'un référendum grâce à l'article 11 de la Constitution.
- Dans certaines conditions, il est possible qu'il obtienne les pleins pouvoirs.
- L'article 49-3 lui permet de faire adopter une loi sans le vote du Parlement.
- Il nomme le Premier ministre et donne l'impulsion de la politique générale.
Grâce à ce pouvoir donné au président, de Gaulle a par exemple une grande liberté d'action pour régler le problème épineux de la décolonisation. Ce régime de compromis entre un parlementarisme maintenu et un président aux pouvoirs importants est qualifié de régime semi-présidentiel.
De Gaulle établit un lien direct avec le peuple :
- Il veut un pouvoir "au-dessus des partis", c'est-à-dire qu'il entend gouverner pour tous les Français sans ambition partisane.
- Il organise plusieurs référendums.
- Il s'adresse régulièrement aux Français à la radio et la télévision.
- Il multiplie les bains de foule.
Enfin, par la réforme de 1962 approuvée par référendum, de Gaulle amplifie considérablement sa légitimité en instaurant l'élection du président au suffrage universel direct.
Toutefois, ce nouveau rôle du président est critiqué.
En 1964, François Mitterrand, dans Le Coup d'État permanent, remet en cause les pouvoirs importants concentrés entre les mains d'une seule personne.
Une intervention croissante de l'État
Sous la présidence de De Gaulle puis de Georges Pompidou entre 1969 et 1974, les gouvernements maintiennent une forte intervention de l'État dans la société française.
Le territoire est d'abord aménagé.
- La Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) est créée en 1963. Son but est de permettre de moderniser le pays et de réduire les inégalités entre les régions.
- De grandes infrastructures touristiques, comme La Grande-Motte sur le littoral languedocien, sont réalisées afin de développer le tourisme de masse.
- De nombreuses autoroutes ainsi que le périphérique parisien sont construits.
- Des villes nouvelles, comme Sénart, Évry ou encore Villeneuve-d'Ascq (près de Lille) voient le jour.
- Les ports industriels, comme Dunkerque, ont pour objectif de favoriser la compétitivité de la France et son insertion dans le commerce mondial.
- L'État favorise aussi la recherche par la création du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et le Centre national d'études spatiales (CNES).
L'État poursuit par ailleurs son action sociale :
- En 1958, les Centres hospitaliers universitaires (ou CHU) permettent de moderniser le traitement des malades.
- En 1967, la création de l'ANPE permet aux chômeurs de percevoir des indemnités.
- En 1968, une quatrième semaine de congés payés est octroyée.
De plus, l'État mène une politique ambitieuse dans le domaine de la culture. En 1959, le ministère de la Culture est créé et André Malraux le dirige. Il défend la protection du patrimoine et favorise la création artistique.
Sous la présidence de Georges Pompidou, proche des milieux artistiques, l'État devient mécène. Il lance le projet d'un grand centre artistique au cœur de Paris, inauguré après sa mort et portant son nom : le Centre Pompidou.
En 1964, à la demande de Malraux, le peintre Marc Chagall entreprend de peindre le plafond de l'opéra Garnier à Paris. Le projet suscite alors de nombreuses critiques.
Un recul relatif du rôle de l'État depuis les années 1980
Les réformes institutionnelles
La décentralisation
Dans un premier temps, la décentralisation vise à transférer certaines compétences de l'État à des collectivités territoriales comme les régions, les départements et les communes.
L'objectif est d'assurer une meilleure répartition des pouvoirs sur l'ensemble du territoire et de permettre l'émergence d'une démocratie locale. La décentralisation est instaurée par les lois Defferre en 1982. Elle est relancée dans les années 2000 par la droite dans l'optique d'alléger les compétences de l'État. En 2003, elle est inscrite dans la Constitution.
- Les collectivités territoriales acquièrent de nouvelles compétences et une plus grande autonomie financière.
- Les DOM deviennent des Départements et régions d'outre-mer (DROM) et acquièrent la possibilité de réaliser des aménagements des lois et règlements.
- Les TOM deviennent des Communautés d'outre-mer (COM) et jouissent d'une autonomie renforcée.
Collectivité territoriale
Une collectivité territoriale est une entité juridique distincte de l'État qui exerce sur son territoire des compétences définies par l'État. Les collectivités territoriales disposent de leurs propres ressources. Elles ont un conseil élu au suffrage universel direct.
La région, le département et les communes sont des collectivités locales.
Depuis 2003, les régions françaises gèrent les lycées, les trains régionaux et la formation professionnelle.
Alternances et cohabitations
En 1981, alors que la droite est au pouvoir depuis la création de la Ve République le parti socialiste (parti de gauche) est élu, avec François Mitterrand pour président.
Durant les deux mandats de Mitterrand de 1981 à 1995 et durant ceux de Jacques Chirac de 1995 à 2007, des cohabitations vont diviser l'exécutif.
De 1981 à 1986, François Mitterrand, qui dissout l'Assemblée à son arrivée au pouvoir, dispose d'une grande majorité qui lui permet d'appliquer ses décisions. Suite à la victoire de la droite aux législatives de 1986, Jacques Chirac est nommé Premier ministre. C'est la première cohabitation. François Mitterrand dissout l'Assemblée nationale en 1988. En 1993, la deuxième cohabitation se met en place avec la nomination d'Édouard Balladur au poste de Premier ministre.
Jacques Chirac, élu président en 1995, dissout également l'Assemblée nationale et se retrouve avec une majorité socialiste. Il doit alors gouverner avec Lionel Jospin, Premier ministre issu du parti socialiste, à partir de 1997.
Ces cohabitations mettent en avant les difficultés à mener à bien une politique cohérente avec un exécutif divisé.
En 2000, un référendum permet la mise en place du quinquennat pour l'élection présidentielle. Cette réforme, en réduisant le mandat présidentiel à cinq ans au lieu de sept, permet d'éviter les cohabitations puisque les députés et le président sont élus pour la même durée.
La victoire de la gauche en 2004 aux élections cantonales et régionales a pour conséquence une autre forme de cohabitation, puisque l'État est à droite et les collectivités territoriales, dont les compétences se sont élargies, sont à gauche.
Le rôle de l'État remis en cause
Le contexte international
À partir des années 1970, suite aux chocs pétroliers de 1973 et 1979, la France est touchée par la crise économique.
La désindustrialisation frappe le pays, le chômage de masse apparaît et l'intervention de l'État est inefficace pour régler la situation. De plus, dans un contexte de progression des idées libérales à l'échelle mondiale, l'État voit ses capacités d'intervention dans le domaine social et économique réduites.
L'ouverture de l'économie mondiale limite en effet l'impact de l'action de l'État. Il est confronté à l'apparition de nouveaux acteurs sur lesquels son influence est réduite, comme les Firmes transnationales (FTN) et les agences de notation. En 1999, le Premier ministre Lionel Jospin déclare que "l'État ne peut pas tout".
La doctrine libérale prône une intervention moindre de l'État qui doit réduire les dépenses publiques : le principe de l'État-providence est mis à mal. Depuis 1995, l'État met en place des politiques de rigueur. Par exemple, les remboursements des dépenses de santé diminuent.
L'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981 avait permis des nationalisations d'entreprises privées, mais le gouvernement change ensuite de politique et des vagues de privatisation sont lancées dès 1986.
Enfin, la planification est abandonnée en 2006.
L'État et la construction européenne
En parallèle, la construction européenne, en marche depuis les années 1950, s'accélère :
- L'Acte unique est signé en 1986.
- Le traité de Maastricht en 1992 crée l'Union économique et monétaire qui permet la mise en circulation de l'euro en 2002.
L'Europe étend de plus en plus son action au détriment des prérogatives de l'État. Les lois françaises sont désormais majoritairement adoptées de manière à appliquer les directives de Bruxelles.
Toutefois, dans un climat d'euroscepticisme, le rôle croissant de l'Europe dans les décisions prises en France conduit une partie de l'opinion publique à considérer que l'État est devenu impuissant et que l'Union européenne est responsable des problèmes économiques et sociaux de la France.
L'État reste présent
Pour atténuer les effets de la crise et du désengagement de l'État, certaines mesures sont prises :
- Le Revenu minimum d'insertion (RMI) est mis en place en 1988.
- La Couverture maladie universelle (CMU) est instaurée en 1999.
- La loi Aubry diminue le temps de travail à 35 heures hebdomadaires, elle est votée en 2000.
Il ne faut pas exagérer le recul de l'État. Même si son rôle est remis en question, il reste le premier employeur du pays avec 5,4 millions de travailleurs en 2014. Il continue d'être à l'origine des politiques sociales et économiques et finance des projets entrepris avec les collectivités territoriales.