Nouvelle Calédonie, 2015, voie ES
Montrez en quoi ces deux documents sont révélateurs de l'idée que se fait la Chine de sa place dans le monde des années 1950 aux années 1970.
Affiche chinoise de Li Binghong (vers 1950)
http://chineposters.net/themes/soviet-union.php

Traduction du titre de l'affiche : "L'alliance sino-soviétique pour l'amitié et l'aide mutuelle promeut une paix durable dans le monde."
Deng Xiaoping1, extrait du discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, 10 avril 1974
À en juger par les changements intervenus dans les relations internationales, notre globe comporte en fait maintenant trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l'Union soviétique forment le premier monde, les pays développés se trouvant entre eux, le second monde. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, tentent mais en vain de s'assurer l'hégémonie mondiale. Elles cherchent par divers moyens à placer sous leur contrôle respectif les voies de développement […]. Tous les jours, elles parlent de "détente" mais créent en fait la tension. […]
La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. La Chine appartient au tiers-monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président Mao, appuient résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale, contre le colonialisme, l'impérialisme et l'hégémonie. […] La Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle ne cherchera à en être une.
1 Deng Xiaoping : membre du comité central du Parti communiste chinois et chef de la délégation chinoise à l'ONU.
Jusqu'à quand le président Mao a-t-il dirigé la Chine ?
Affiche chinoise de Li Binghong (vers 1950)
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Traduction du titre de l'affiche : "L'alliance sino-soviétique pour l'amitié et l'aide mutuelle promeut une paix durable dans le monde."
Deng Xiaoping1, extrait du discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, 10 avril 1974.
À en juger par les changements intervenus dans les relations internationales, notre globe comporte en fait maintenant trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l'Union soviétique forment le premier monde, les pays développés se trouvant entre eux, le second monde. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, tentent mais en vain de s'assurer l'hégémonie mondiale. Elles cherchent par divers moyens à placer sous leur contrôle respectif les voies de développement […]. Tous les jours, elles parlent de "détente" mais créent en fait la tension. […]
La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. La Chine appartient au tiers-monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président Mao, appuient résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale, contre le colonialisme, l'impérialisme et l'hégémonie. […] La Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle ne cherchera à en être une.
1 Deng Xiaoping : membre du comité central du Parti communiste chinois et chef de la délégation chinoise à l'ONU.
Quelle est la vision du monde des Chinois d'après le document 2 ?
Affiche chinoise de Li Binghong (vers 1950)
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Deng Xiaoping1, extrait du discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, 10 avril 1974.
À en juger par les changements intervenus dans les relations internationales, notre globe comporte en fait maintenant trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l'Union soviétique forment le premier monde, les pays développés se trouvant entre eux, le second monde. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, tentent mais en vain de s'assurer l'hégémonie mondiale. Elles cherchent par divers moyens à placer sous leur contrôle respectif les voies de développement […]. Tous les jours, elles parlent de "détente" mais créent en fait la tension. […]
La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. La Chine appartient au tiers-monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président Mao, appuient résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale, contre le colonialisme, l'impérialisme et l'hégémonie. […] La Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle ne cherchera à en être une.
1 Deng Xiaoping : membre du comité central du Parti communiste chinois et chef de la délégation chinoise à l'ONU.
Quand la République populaire de Chine est-elle proclamée ?
Affiche chinoise de Li Binghong (vers 1950)
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Deng Xiaoping1, extrait du discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, 10 avril 1974.
À en juger par les changements intervenus dans les relations internationales, notre globe comporte en fait maintenant trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l'Union soviétique forment le premier monde, les pays développés se trouvant entre eux, le second monde. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, tentent mais en vain de s'assurer l'hégémonie mondiale. Elles cherchent par divers moyens à placer sous leur contrôle respectif les voies de développement […]. Tous les jours, elles parlent de "détente" mais créent en fait la tension. […]
La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. La Chine appartient au tiers-monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président Mao, appuient résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale, contre le colonialisme, l'impérialisme et l'hégémonie. […] La Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle ne cherchera à en être une.
1 Deng Xiaoping : membre du comité central du Parti communiste chinois et chef de la délégation chinoise à l'ONU.
Que ne dit pas Deng Xiaoping sur la relation sino-américaine ?
Affiche chinoise de Li Binghong (vers 1950)
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Deng Xiaoping1, extrait du discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, 10 avril 1974.
À en juger par les changements intervenus dans les relations internationales, notre globe comporte en fait maintenant trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l'Union soviétique forment le premier monde, les pays développés se trouvant entre eux, le second monde. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, tentent mais en vain de s'assurer l'hégémonie mondiale. Elles cherchent par divers moyens à placer sous leur contrôle respectif les voies de développement […]. Tous les jours, elles parlent de "détente" mais créent en fait la tension. […]
La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. La Chine appartient au tiers-monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président Mao, appuient résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale, contre le colonialisme, l'impérialisme et l'hégémonie. […] La Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle ne cherchera à en être une.
1 Deng Xiaoping : membre du comité central du Parti communiste chinois et chef de la délégation chinoise à l'ONU.
Dans quel contexte le document 1 a-t-il été réalisé ?
Affiche chinoise de Li Binghong (vers 1950)
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Traduction du titre de l'affiche : "L'alliance sino-soviétique pour l'amitié et l'aide mutuelle promeut une paix durable dans le monde."
Deng Xiaoping1, extrait du discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, 10 avril 1974.
À en juger par les changements intervenus dans les relations internationales, notre globe comporte en fait maintenant trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l'Union soviétique forment le premier monde, les pays développés se trouvant entre eux, le second monde. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, tentent mais en vain de s'assurer l'hégémonie mondiale. Elles cherchent par divers moyens à placer sous leur contrôle respectif les voies de développement […]. Tous les jours, elles parlent de "détente" mais créent en fait la tension. […]
La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. La Chine appartient au tiers-monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président Mao, appuient résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale, contre le colonialisme, l'impérialisme et l'hégémonie. […] La Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle ne cherchera à en être une.
1 Deng Xiaoping : membre du comité central du Parti communiste chinois et chef de la délégation chinoise à l'ONU.
Quel est le nom officiel de la Chine maoïste ?
Affiche chinoise de Li Binghong (vers 1950)
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Traduction du titre de l'affiche : "L'alliance sino-soviétique pour l'amitié et l'aide mutuelle promeut une paix durable dans le monde."
Deng Xiaoping1, extrait du discours devant l'Assemblée générale de l'ONU, 10 avril 1974.
À en juger par les changements intervenus dans les relations internationales, notre globe comporte en fait maintenant trois parties, trois mondes qui sont à la fois liés mutuellement et contradictoires entre eux. Les États-Unis et l'Union soviétique forment le premier monde, les pays développés se trouvant entre eux, le second monde. Les deux superpuissances, les États-Unis et l'Union soviétique, tentent mais en vain de s'assurer l'hégémonie mondiale. Elles cherchent par divers moyens à placer sous leur contrôle respectif les voies de développement […]. Tous les jours, elles parlent de "détente" mais créent en fait la tension. […]
La Chine est un pays socialiste et en même temps un pays en voie de développement. La Chine appartient au tiers-monde. Le gouvernement et le peuple chinois, indéfectiblement fidèles aux enseignements du président Mao, appuient résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés de partout pour la conquête et la sauvegarde de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale, contre le colonialisme, l'impérialisme et l'hégémonie. […] La Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle ne cherchera à en être une.
1 Deng Xiaoping : membre du comité central du Parti communiste chinois et chef de la délégation chinoise à l'ONU.
Le 1er octobre 1949, la Chine devient communiste au terme d'une guerre civile sanglante menée contre les forces nationalistes de Tchang Kaï-chek. "Les Chinois se sont relevés", pour reprendre les termes de Mao Zedong lors de la proclamation de la République populaire. Ils ont lavé l'affront de la domination étrangère inaugurée par les guerres de l'opium du milieu du XIXe siècle et, d'après Mao, ils entendent dorénavant œuvrer pour l'indépendance des peuples opprimés et pour l'établissement d'un régime communiste. Faire de la Chine une puissance communiste, voilà en effet la ligne directrice de la politique poursuivie par Mao.
Les deux documents qui sont soumis à notre étude témoignent de cette volonté, malgré les changements de stratégie et d'alliance et les recompositions géopolitiques intervenues entre 1950 et 1970. Le premier de ces documents est une affiche de Li Binghong datant de 1950, alors que la Chine vient de conclure une alliance avec l'URSS. Le second est extrait d'un discours que le chef de la délégation chinoise à l'Organisation des Nations unies (ONU), Deng Xiaoping, a prononcé lors de l'Assemblée générale de l'institution en septembre 1974 et dans lequel il présente la place que la Chine entend occuper sur la scène internationale à l'heure de la Détente finissante et alors que la rupture est consommée avec l'URSS et qu'un rapprochement avec les États-Unis a semblé s'esquisser au début de la décennie.
Il nous appartiendra donc d'interroger ces deux documents sur la place que la Chine maoïste entend occuper sur l'échiquier international. Pour ce faire, nous envisagerons dans un premier temps l'alliance sino-soviétique avant de considérer l'émancipation d'une Chine qui se veut le leader du tiers-monde.
La Chine maoïste et le "grand frère" soviétique : une idylle contrariée dans les années 1950
Proclamée le 1er octobre 1949, la République populaire de Chine doit faire face à l'isolement diplomatique, la plupart des grandes puissances occidentales ne reconnaissant pas sa légitimité et maintenant leurs relations officielles avec la République de Chine de Tchang Kaï-chek, repliée à Taïwan. Pour rompre cet isolement, la Chine négocie en urgence un traité d'amitié et de coopération avec l'URSS de Staline, traité qui est conclu le 14 février 1950. C'est à cette occasion que l'affiche (document 1) est publiée. On peut y voir une représentation de cette alliance dont l'objectif affiché est la promotion d'une "paix durable dans le monde".
On peut schématiquement diviser l'affiche en deux parties, séparées par la présence des deux leaders communistes que sont Joseph Staline et Mao Zedong. À gauche, on distingue le Kremlin, siège du pouvoir soviétique ; sur ce que l'on suppose être la Place rouge, on voit des femmes danser en costume traditionnel. À droite, c'est la Cité interdite de Pékin qui apparaît ; à ses pieds, une foule joyeuse semble célébrer un heureux événement que l'on pense être la promesse de la paix. Le ciel est d'ailleurs traversé de colombes, symbole de paix s'il en est ; quant à la prospérité, elle est matérialisée par la couronne de fruits et de fleurs qui enserre la scène. Cette félicité des peuples est évidemment due à l'entente conclue par leurs dirigeants représentés sereins, le visage tourné vers un horizon qu'on imagine radieux et plein de promesses. Staline montre le chemin vers le communisme à un Mao qui semble avoir tout juste terminé de lire la proclamation de la République populaire. Les drapeaux rouges marqués des emblèmes des deux régimes flottent derrière eux. Enfin, une colombe est à leurs pieds, entourée de fleurs, concentrant à elle seule l'ensemble du message véhiculé par l'affiche.
Ce document illustre donc le rapprochement stratégique des deux grands pays communistes alors que le monde est en proie aux incertitudes liées au début de la guerre froide qui oppose, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement l'établissement des doctrines Truman et Jdanov en 1947, le bloc soviétique au monde libre. La Chine communiste a clairement et logiquement fait le choix de Moscou dont elle attend en retour une aide économique et financière importante afin de lui permettre de sortir du sous-développement dans lequel elle est plongée. À la suite de l'accord de 1950, Staline envoie des milliers d'ingénieurs et de conseillers techniques en Chine et aide à la modernisation du secteur économique. Il encourage un certain transfert de technologie qui permet ainsi à la Chine, à terme, de se doter de la bombe atomique, attribut incontestable de la puissance.
La Chine se considère donc, dans ses premières années, comme une puissance communiste en construction épaulée par l'expertise et la bienveillance de l'URSS. Cependant, loin de se contenter du rôle de brillant second ou de "pays satellite", elle affirme sans tarder son autonomie, voire son indépendance, à l'endroit de son puissant voisin. Ainsi, elle annexe le Tibet dès 1950, témoignant ainsi de ses appétits territoriaux et de son ambition ; elle intervient énergiquement dans la guerre de Corée et, surtout, elle s'illustre magistralement lors de la conférence de Bandung, organisée par les Indonésiens en 1955 et au cours de laquelle elle s'impose comme l'un des leaders du tiers-monde et des pays non alignés. La rupture avec l'URSS, amorcée avec la mort de Staline en mars 1953, est consommée à partir de la déstalinisation et de la promotion par Nikita Khrouchtchev de la "coexistence pacifique" en 1956. La Chine ouvre dès lors la "voie chinoise vers le socialisme" en ne "comptant [que] sur ses propres forces".
Une fois la rupture actée, elle entend s'affirmer comme l'unique puissance communiste capable d'opposer une véritable résistance aux impérialistes.
La Chine, incarnation de l'anti-impérialisme et leader du tiers-monde dans les années 1960 - 1970
La mort de Staline et la remise en question du régime totalitaire qui s'ensuit modifient considérablement les équilibres internes à l'URSS et à son bloc et ouvrent la voie à une inflexion notable de la politique extérieure de Moscou à laquelle Pékin n'est pas insensible.
En lançant la déstalinisation lors du XXe congrès du PCUS en 1956 et en promouvant la "coexistence pacifique", le nouveau leader soviétique, Nikita Khrouchtchev fait œuvre de bon sens et de réalisme politique ; il prend acte du caractère insoutenable du stalinisme et de l'équilibre des forces entre les deux Grands. En se rapprochant de Washington, Moscou prend donc le risque de voir Pékin prétendre incarner l'orthodoxie communiste, et Mao ne manque pas l'occasion. Pour le leader chinois, on ne saurait pactiser avec les États-Unis, et il précipite la rupture avec l'URSS, au point que les deux frères communistes, désormais ennemis, entrent en guerre en 1969 pour des questions frontalières. Il est cependant à noter que dès 1971, des pourparlers sont engagés entre Pékin et Washington qui aboutissent à la visite du président Nixon et à la reconnaissance officielle de la République populaire par les États-Unis.
C'est dans ce contexte pour le moins trouble que Mao Zedong, vieillissant, envoie l'un de ses lieutenants, Deng Xiaoping, présenter la position chinoise à New York à l'occasion de l'Assemblée générale des Nations unies en 1974. La vision des équilibres géopolitiques que présente le futur père de la modernisation et de l'ouverture chinoise est conforme à la doxa maoïste du moment : le monde "comporte[rait] trois parties, trois mondes […] contradictoires entre eux" dont l'un, composé des États-Unis et de l'URSS, viserait à "s'assurer l'hégémonie mondiale". Ici, Deng Xiaoping renvoie les deux Grands dos à dos : indépendamment de l'idéologie qu'ils défendent, ils sont réunis par le désir qu'ils manifestent de dominer le monde ou, à défaut, de se le partager. Cette volonté de puissance et de domination serait à l'origine de "la tension" et de l'instabilité du monde. Deng Xiaoping en profite au passage pour éreinter la Détente, manière de rappeler l'opposition fondamentale de Mao à tout compromis avec les impérialistes dont les États-Unis sont le porte-étendard. Il oublie cependant ici de rappeler que Chinois et Américains entretiennent des relations diplomatiques depuis 1971 et que Nixon en personne est venu à Pékin. Pour Mao, cela a été l'occasion de s'imposer comme une puissance qui compte aux côtés de l'URSS. Le "second monde" de Deng Xiaoping est constitué des "pays développés" ; il est à noter qu'il ne s'attarde pas sur eux ; visiblement, ils sont peu ou prou à la remorque du "premier monde" et plus particulièrement des États-Unis ; ils ne semblent en tous les cas pas être animés du désir de constituer un pôle de puissance.
Après avoir évacué les deux premiers mondes, Deng Xiaoping se penche sur le "tiers-monde" auquel la Chine, selon lui, appartient. Ce tiers-monde, la Chine l'incarne en tant que "pays socialiste et [ …] en voie de développement". En conséquence, elle "appuie résolument la lutte menée par les nations et les peuples opprimés […] pour la conquête […] de l'indépendance nationale et le développement de l'économie nationale". Voilà qui révèle les ambitions chinoises : en "appuyant" les pays en voie de décolonisation ou fraîchement décolonisés, la Chine joue le rôle du grand frère protecteur, de leader naturel d'un monde qui entend se libérer du "colonialisme [européen], [de] l'impérialisme [et de] l'hégémonie" des deux superpuissances. C'est cette position qui, déjà en 1955 à Bandung, avait été tenue et avait révélé le pays comme un acteur à prendre en compte. D'une certaine manière, tout ceci vient contredire la dernière phrase du texte dans laquelle Xiaoping précise que "la Chine n'est pas une superpuissance et jamais elle cherchera à en être une." Peut-être pas une "superpuissance", mais une puissance, à coup sûr ; Mao se rêve en leader du monde anti-impérialiste, ce qui est bel et bien un rêve de puissance, qu'il le veuille ou non.
Après avoir été quelque temps un allié de l'URSS stalinienne, la Chine maoïste a pris ses distances avec Moscou et a affirmé sa propre voie vers le socialisme en dénonçant par ailleurs les errements du régime soviétique incarné par Khrouchtchev. Progressivement, la Chine s'est rêvée en leader d'un tiers-monde opprimé et cherchant à s'émanciper de la tutelle des "superpuissances" de la guerre froide ; elle y a vu le moyen de retrouver l'influence et le poids qu'elle avait pu avoir par le passé et de montrer à la face du monde que le peuple chinois "s'était relevé".
En 1974, les envolées de Deng Xiaoping ont donc pour but de convaincre que la Chine incarne la seule alternative à l'impérialisme, quel qu'il soit, mais passent sous silence le rapprochement opéré avec Washington quelques années auparavant.