Comment s'explique la faible reconnaissance de la Shoah après la Seconde Guerre mondiale ?
Quelle a été l'attitude de la majorité des Français durant l'occupation allemande ?
Quels acteurs de l'Occupation sont mis en avant à la Libération ?
Comment appelle-t-on la période d'après-guerre durant laquelle sont jugés les responsables de la collaboration ?
Quel est l'objectif principal du mythe résistancialiste ?
La mémoire est la présence sélective des souvenirs du passé dans une société donnée. La mémoire est souvent plurielle et conflictuelle : les différents groupes qui ont vécu des événements se font leur propre construction du passé et ces différentes visions peuvent s'opposer. C'est ainsi que s'explique la faible reconnaissance de la Shoah en France après la guerre à cause du choc vécu par les Français durant le conflit et la volonté d'une mémoire nationale unie au travers du mythe résistancialiste.
En 1945, la France est un pays en grande partie détruit. De mai 1940 à juin 1944, le pays a subi une longue occupation et a été pillé. Les Français ont subi la peur, le froid et la faim. En 1945, le bilan est lourd. Les bombardements alliés ont rasé de nombreuses villes du littoral atlantique et notamment de la Normandie, théâtre du débarquement allié du 6 juin 1944. Plus de 600 000 personnes sont mortes et 2 millions d'hommes ont été emmenés en captivité en Allemagne. Des milliers de personnes ont été déportées : des résistants, des travailleurs forcés du STO (Service du travail obligatoire) et des Juifs. Les Français se sont divisés. Le gouvernement français dirigé par le maréchal Pétain a collaboré avec Hitler en lui livrant des matières premières et en participant à la déportation des Juifs. D'autres Français, en France occupée ou à Londres avec De Gaulle, ont combattu l'occupation de leur pays. Enfin, la majorité des Français a eu une attitude attentiste. Les prisonniers de guerre, les pétainistes, les collaborateurs, les résistants, les déportés ont vécu différemment cette période. Ils en ont gardé des mémoires opposées. Tous se considèrent comme des victimes et réclament des réparations pour les souffrances subies.
De 1945 à 1947, les Français veulent reconstruire leur unité. La défaite de 1940 a été effacée par la victoire des armées de la France libre et le rôle des résistants de l'intérieur et de l'extérieur est largement mis en avant : c'est la mise en place du mythe "résistancialiste". La France de Vichy n'est considérée que comme une parenthèse. C'est pourquoi, le 9 août 1944, le GPRF (Gouvernement provisoire de la République française) décide l'annulation de tous les actes de Vichy et refuse de proclamer la république lors de la libération de Paris. Cette attitude permet de minimiser voire de masquer les crimes de Vichy au profit de l'action de la Résistance. Il faut aussi rétablir l'unité de la France. Après l'épuration sauvage (environ 10 000 exécutions sommaires, environ 20 000 femmes tondues accusées de "collaboration horizontale"), le nouveau pouvoir impose une épuration légale, à partir de novembre 1944, qui a pour objectif de condamner les principaux responsables de la collaboration avec l'Allemagne. Pétain est condamné à mort mais sera gracié. Les hommes politiques seront frappés d'indignité nationale (perte des droits civils et politiques) mais elle sera temporaire. L'épuration reste limitée (125 000 procès qui débouchent sur près de 1500 exécutions, environ 44 000 peines de prison ou de travaux forcés et 50 000 peines d'indignité nationale) afin de permettre la reconstruction du pays et de réduire l'influence des résistants, majoritairement communistes, dans la nouvelle administration. Enfin, des lois d'amnistie sont votées dès 1946 et 1947 pour les délits secondaires au cours de l'Occupation. La France combattante s'incarne dans les résistances gaulliste et communiste, laissant de côté les soldats de 1940. Les combattants de 1940 ont vu mourir 210 000 de leurs camarades, ont subi la captivité en Allemagne mais ils apparaissent en 1945 comme des antihéros, ne disposant pas de la gloire militaire des poilus de 1914 - 1918. À la sortie de la guerre et afin d'assurer l'unité de la France s'impose donc le mythe d'une France unanimement résistante.
La concentration de l'intérêt sur la réhabilitation d'une "dignité nationale" a pendant un temps empêché la Shoah d'occuper la place qu'elle mérite dans la mémoire collective. C'est avec la publication de La France de Vichy de Robert Paxton en 1973 que le mythe résistancialiste perd de sa superbe et surtout avec la diffusion en 1985 du film Shoah de Claude Lanzmann que la catastrophe du génocide trouve enfin l'écho qui lui est dû.
- La France sort de la guerre détruite, humiliée et divisée.
- Le général de Gaulle et les nouvelles institutions promeuvent alors la mémoire d'une France combattante et résistante.
- C'est ainsi que le "mythe résistancialiste" occulte la Shoah et la collaboration de la France de Vichy dans le génocide.
- Ce n'est que dans les années 1970 - 1980, avec notamment le livre La France de Vichy et le film Shoah, que le pays revient vraiment sur les événements terribles des camps d'extermination.