Expliquer le réveil des mémoires en France à partir des années 1970.
Quel documentaire met en lumière pour la première fois la difficulté de choix entre résistance et collaboration ?
Quel historien américain rédige La France de Vichy ?
Qui publie le Mémorial de la déportation des Juifs de France ?
Quel terme, inventé par Henry Rousso, désigne la négation de la Shoah ?
Quel dignitaire nazi, responsable du génocide juif, est jugé en Israël en 1961 ?
Après l'opposition entre les mémoires communiste et gaulliste, les années 1970 amorcent une période de travail historique, scientifique, sur les mémoires de la guerre. On assiste alors à un véritable retournement marqué par la fin du mythe "résistancialiste" et une véritable prise de conscience de la Shoah.
Le début des années 1970 marque un tournant dans la vision portée sur la Seconde Guerre mondiale avec le départ du pouvoir (1969) puis la mort de De Gaulle (1970), le déclin politique du PCF et l'arrivée à l'âge adulte d'une nouvelle génération n'ayant pas connu la guerre. La volonté d'oublier est toujours présente, mais la production historique et cinématographique remet en cause le mythe "résistancialiste" gaulliste. En 1971 est diffusé en salle le documentaire Le Chagrin et la Pitié de Marcel Ophüls. Constitué de témoignages, d'actualités françaises et allemandes, il retrace la vie à Clermont-Ferrand pendant la guerre et montre que le choix entre résistance et collaboration n'était pas si évident. D'autres films suivent, mettant en valeur la complexité et l'ambiguïté des années noires : Lacombe Lucien (1974), Section spéciale (1975), L'Affiche rouge (1976), Le Dernier Métro (1982). En effet, la majorité des 42 millions de Français a surtout cherché à survivre à la guerre : à peine 55 000 Français se sont engagés dans les forces vichystes ou allemandes et seulement 202 854 Français ont reçu une carte de résistant en 1945. En 1973 paraît en France La France de Vichy de l'historien américain Robert Paxton qui, s'appuyant sur des archives allemandes, insiste sur la politique de collaboration volontaire du régime de Vichy dès le début de 1940 et sur sa politique antisémite propre. Cet ouvrage provoque l'accélération de la recherche historique (en 1978, 57 des 130 thèses soutenues portent sur Vichy et l'occupation). Rapidement sont établis les liens entre la révolution nationale et la collaboration, faisant ainsi s'effondrer la thèse "du glaive et du bouclier". Progressivement, l'État français reconnaît la collaboration volontaire de certains Français et de Vichy mais Vichy reste une parenthèse et les politiques refusent la responsabilité de la France et de la République. La mémoire de la résistance et de la collaboration a progressivement évolué : du mythe "résistancialiste" on passe à une vision plus complexe de la société française de la Seconde Guerre mondiale.
La mémoire du génocide, elle aussi, évolue progressivement. Grâce au travail des mémoires et à des événements marquants, de 1961 au début des années 1980, le génocide acquiert sa spécificité. Les années 1960 marquent en effet un tournant dans la mémoire du génocide. En 1961 est organisé en Israël le procès de Karl Adolf Eichmann, l'organisateur de la solution finale. Ce procès s'appuie sur les dépositions de 111 survivants mettant ainsi la mémoire juive sur le devant de la scène. L'identité juive revendique la singularité de la Shoah. On parle même de "Nuremberg du peuple juif". D'autres procès sont aussi organisés en Allemagne permettant de mettre au jour les détails de la "solution finale". En 1967, la guerre des Six-Jours menace la survie de l'État juif, rappelant, en quelque sorte, la quasi extermination des Juifs d'Europe lors de la Seconde Guerre mondiale. L'angoisse de la population favorise le sentiment d'appartenance à une communauté soudée autour du génocide. En France, une loi d'imprescriptibilité est votée en décembre 1964 concernant les crimes contre l'humanité permettant ainsi à des associations, comme les "Fils et Filles des Déportés juifs de France" de Serge et Beate Klarsfeld en 1979, de lutter pour la condamnation des responsables de la déportation. Les historiens commencent aussi à se consacrer à l'étude du génocide : en 1961 paraît La Destruction des Juifs d'Europe de Raul Hilberg mais uniquement en anglais et, en 1978, Serge Klarsfeld publie Le Mémorial de la déportation des Juifs de France recensant toutes les victimes françaises de la Shoah.
- La mort de De Gaulle et le déclin du parti communiste expliquent la fin du mythe "résistancialiste" en France.
- La recherche historique et le cinéma mettent en lumière la réalité du régime de Vichy.
- Les procès d'anciens nazis et la recherche historique accélèrent la prise de conscience du génocide juif.