Sommaire
ILe processus de socialisationALe fondement de la socialisation : les normes et les valeursBLes modalités de la socialisation : imitation, inculcation, interactionIILes phases et les acteurs de la socialisationALa socialisation primaire1La famille2L'écoleBLa socialisation secondaire1La socialisation par groupes de pairs2L'essor des médias et des réseaux sociauxIIILa socialisation différenciéeALa socialisation selon le genreBLa socialisation selon le milieu socialPour devenir des acteurs sociaux, les individus suivent un processus de socialisation dont les acteurs sont la famille et l'école (au cours de la socialisation primaire) ou les pairs et les médias (à partir de l'adolescence et jusqu'à l'âge adulte). Les normes et les valeurs sont transmises aux générations suivantes par différents mécanismes, mais cette transmission n'est pas la même selon les sexes et selon les milieux sociaux d'origine.
Le processus de socialisation
La socialisation résulte d'un processus qui s'appuie sur les normes et les valeurs. L'imitation, l'inculcation et ou encore l'interaction sont les moyens empruntés par ce processus.
Le fondement de la socialisation : les normes et les valeurs
La société est régie par des principes (valeurs) et des règles de vie (normes) durables qui permettent aux individus de vivre ensemble et qui assurent la cohésion de la société. Leur transmission relève du processus de socialisation.
Valeur
Une valeur est un principe reconnu par les individus d'une même société comme bon ou juste et vers lequel, idéalement, on doit tendre.
En France, l'honnêteté et le partage sont des valeurs, puisque ce sont des principes idéaux vers lesquels l'action et les comportements individuels ou collectifs doivent tendre.
Norme
Une norme est une règle de conduite appliquée dans une société, en général à travers des institutions particulières (la famille, l'école, l'État). La norme peut être informelle, c'est-à-dire non écrite, habituelle ou coutumière, ou formelle, c'est-à-dire écrite et détaillée.
Les traditions sont une norme informelle, les lois sont une norme formelle. En France, dire « bonjour » lorsque l'on rencontre quelqu'un est une norme informelle. En revanche, l'interdiction de fumer dans les lieux publics est une norme légale (établie par la loi).
Les normes et les valeurs, parce qu'elles règlent une partie des relations sociales entre les individus, ne sont pas les mêmes partout : elles varient selon les cultures et les civilisations.
Le fait de manger avec une fourchette est une norme occidentale, alors que manger avec des baguettes est une norme asiatique.
Les normes et les valeurs ont également évolué dans le temps : certaines normes autrefois admises ne le sont plus, ou inversement.
Le divorce ou le concubinage sont des normes légales dans les sociétés contemporaines, mais pas dans les sociétés médiévales.
Les normes et les valeurs sont très liées, car ce sont les valeurs qui poussent à élaborer des normes, légales ou non. L'existence de valeurs intemporelles (la justice, l'équité, la solidarité) vers lesquelles devraient tendre toutes les sociétés fait l'objet de débats, mais beaucoup s'accordent à en reconnaître certaines.
Les Droits de l'homme sont reconnu par de nombreux pays.
Les normes et les valeurs sont donc une construction à la fois sociale et individuelle, elles sont transmises par un processus particulier appelé « la socialisation ».
Socialisation
La socialisation désigne le processus par lequel l'individu acquiert les normes, valeurs et comportements d'une société.
La socialisation a deux fonctions principales :
- faire assimiler des modèles culturels à l'individu
- adapter l'individu à son environnement social : il apprend à se comporter de la façon attendue en famille, au travail, à l'école.
Les modalités de la socialisation : imitation, inculcation, interaction
La socialisation est un processus d'apprentissage complexe des normes et des valeurs, qui dépend à la fois de la façon dont elles sont transmises et de la façon dont les individus intègrent cette transmission. On parle d'« intériorisation » des normes et valeurs. La socialisation emprunte des canaux différents : l'imitation, l'inculcation ou l'interaction.
Intériorisation
L'intériorisation est un procédé inconscient par lequel des normes, des valeurs, et des comportements acquis par l'individu lui deviennent naturels et semblent innés.
Lorsqu'elle est intériorisée, une norme comme manger avec une fourchette devient en quelque sorte naturelle, alors qu'il s'agit en fait d'une construction sociale.
La socialisation peut s'effectuer par imitation, c'est-à-dire lorsque les individus imitent plus ou moins naturellement les comportements des autres.
Par le jeu, les enfants imitent l'attitude des frères et sœurs ou des parents.
La socialisation est également possible par l'inculcation. Dans ce cas, les valeurs ou les normes sont imposées par des individus à d'autres individus.
Les règles de politesse ou d'hygiène sont transmises par l'inculcation.
Enfin, la socialisation peut passer par l'interaction. Les valeurs et les normes sont échangées, adaptées, transformées entre les individus.
Au sein d'un couple, chacun modifie ses habitudes pour pouvoir vivre avec l'autre : l'interaction permet ici la socialisation.
Les phases et les acteurs de la socialisation
La socialisation se déroule en deux phases :
- La socialisation primaire : elle se déroule de la naissance à la fin de l'adolescence.
- La socialisation secondaire : elle se déroule de la fin de l'adolescence à l'âge adulte.
Durant ces deux phases, plusieurs personnes ou institutions interviennent de façon majeure pour éduquer l'individu et lui transmettre les normes et valeurs qui lui permettront de s'intégrer dans la société : on parle d'« agents de socialisation ». La famille et l'école jouent un rôle déterminant dans la socialisation primaire, tandis que les groupes de pairs ou les médias jouent un rôle plus important au cours de la socialisation secondaire.
La socialisation primaire
L'individu est surtout socialisé par la famille (socialisation familiale), puis par l'école lorsqu'il est en âge d'y aller (socialisation scolaire). L'enfant construit son identité sociale dans ces deux institutions. Il est conduit à adopter les normes et les valeurs que les adultes imposent.
La famille
La famille est le premier lieu de socialisation pour un individu. Elle est une instance de socialisation primaire. Elle permet l'intériorisation des premières normes et valeurs.
Les enfants apprennent à marcher, à parler, à s'habiller, à avoir des émotions, etc. Ils intègrent également les rôles masculins et féminins propres à la famille.
Le rôle de la famille s'est progressivement transformé, de même que sa structure, avec l'augmentation du nombre des familles homoparentales ou monoparentales, ainsi que leur reconnaissance légale.
L'école
L'école est un lieu important de socialisation. Tous les individus y sont confrontés aux mêmes normes et aux mêmes valeurs. L'école participe à l'élaboration des savoirs et à la maîtrise des règles sociales communes.
L'école transmet à la fois les savoirs scolaires, mais aussi les savoir-être et l'apprentissage d'une culture commune. Elle participe également à la formation du citoyen. Enfin, par le diplôme, elle est une clé de l'insertion dans le monde du travail.
L'école est un lieu d'interactions sociales fortes. La socialisation y est :
- « verticale »
- « horizontale »
- La socialisation est« verticale » dans l'apprentissage : quelqu'un de plus âgé ou expérimenté apprend à un plus jeune quelque chose.
- La socialisation est « horizontale » entre les élèves d'une même classe.
La socialisation secondaire
D'autres agents de socialisation interviennent, comme le travail, le couple, les médias, le sport ou encore les amis. En se socialisant, l'individu acquiert les différents rôles qu'il est amené à jouer dans la société (un individu est à la fois un père, un salarié, un amateur de rugby, etc.).
La socialisation par groupes de pairs
La socialisation par les pairs joue un rôle grandissant au cours de la socialisation secondaire. Les pairs ont un rôle de socialisation implicite, c'est-à-dire que ce n'est pas leur but premier.
Groupe de pairs
Un groupe de pairs est un groupement d'individus ayant le même statut ou les mêmes pratiques.
Les interactions au sein du groupe de pairs génèrent de nouveaux comportements qui vont permettre d'incorporer certaines valeurs ou d'en rejeter d'autres. Les groupes de pairs vont influencer les comportements.
L'essor des médias et des réseaux sociaux
Les médias (presse, radio, télévision, Internet) jouent un rôle grandissant dans la socialisation des individus en proposant des modèles de comportements auxquels les individus peuvent s'identifier ou qu'ils cherchent à imiter. Les réseaux sociaux, favorisés par le développement d'Internet et de la téléphonie mobile, jouent également un rôle particulier, notamment auprès des jeunes.
Les médias sont une instance de socialisation de plus en plus importante en raison du contexte social et culturel : augmentation du choix des programmes, du temps passé sur Internet, etc.
Les réseaux sociaux permettent une interaction dématérialisée par l'intermédiaire des applications de discussion (tchat, SMS). Les groupes de pairs nés des réseaux sociaux jouent un rôle dans la transmission des modes et des comportements.
Identité sociale
L'identité sociale est l'ensemble complexe des caractéristiques sociales d'un individu qui le définissent.
L'identité sociale diffère de l'identité légale qui correspond aux origines et caractéristiques physiques des individus.
Rôles sociaux
Les rôles sociaux sont un ensemble de comportements qui sont socialement attendus d'un individu.
Le rôle social des parents est l'ensemble des comportements attendus des parents (subvenir aux besoins par un travail, s'occuper des enfants, etc.).
La socialisation différenciée
La socialisation différenciée s'exerce de façon différente sur les individus, soit parce qu'ils sont de sexes différents, soit parce qu'ils appartiennent à des catégories sociales distinctes.
La socialisation selon le genre
La socialisation primaire est différenciée selon le genre, puisqu'elle conduit à des pratiques éducatives différentes entre les filles et les garçons. Cette socialisation différenciée entre filles et garçons commence dès la naissance, car les parents adoptent aussitôt des attitudes différentes envers leur enfant, selon son sexe. Cela peut conduire plus tard à des différences de goûts et de comportements chez les filles et les garçons.
Genre
Le genre est un terme utilisé en sociologie pour désigner l'ensemble des différences entre hommes et femmes qui ne sont pas d'ordre biologique mais social.
Selon le sexe de l'individu, la socialisation est différente.
On apprend aux petites filles à s'occuper des tâches ménagères en leur offrant des jeux de dînette.
On apprend aux petits garçons à aimer la mécanique et les jouets automobiles.
Cette socialisation différenciée s'étend à des rôles perçus comme féminins (les tâches ménagères) et masculins (le bricolage) et entretient une répartition inégale des tâches parmi les adultes. Même si la répartition des tâches domestiques évolue peu à peu, elle reste très stéréotypée : les femmes font davantage le ménage et les courses, les hommes s'occupent plus du bricolage et du jardinage.
Les parents inculquent aux enfants des valeurs et des normes de comportements différentes selon que leurs enfants sont des filles ou des garçons. Ceux-ci reproduisent ce modèle lorsqu'ils sont adultes et ils le perpétuent auprès de leurs propres enfants.
La socialisation selon le milieu social
La socialisation est également différenciée selon le milieu social des individus : ceux-ci acquièrent des valeurs et des normes différentes et ont des habitudes de comportement différentes. Cette socialisation différenciée a notamment pour conséquence, dans le monde social, des phénomènes de reproduction sociale. L'école, qui doit permettre l'égalité des chances entre tous, participe ainsi à la reproduction sociale.
Pierre Bourdieu, dans son ouvrage La Distinction, a observé, entre autres, les habitudes alimentaires selon les groupes sociaux. Dans les milieux les plus aisés, les aliments consommés sont souvent fins et légers, accompagnés de légumes. Par ailleurs, il existe des manières de manger strictement respectées (on ne met pas les coudes sur la table, on se sert et on mange discrètement, etc.). Dans les milieux populaires, le repas est souvent abondant, constitué de nourritures riches et grasses plutôt qu'élaborées, les féculents (pommes de terre ou pâtes) sont centraux et on mange avec moins de manières. On parle de reproduction sociale.
Reproduction sociale
La reproduction sociale est le processus par lequel les positions sociales se maintiennent de génération en génération. Les parents transmettent à leurs enfants leurs normes et valeurs, ainsi que leurs ressources économiques et culturelles.
Un fils de cadre a plus de chances qu'un autre de devenir cadre lui-même.
Les enfants utilisent souvent les mêmes ressources que leurs parents et, s'ils n'ont pas le désir ou les moyens d'en obtenir d'autres, ils reproduisent le même modèle que leurs parents.
La reproduction sociale est favorisée par les phénomènes d'homogamie.
Homogamie
L'homogamie est un phénomène statistique, observé au niveau de la société entière : c'est le fait que les deux membres d'un couple sont souvent issus d'un même milieu social.
L'homogamie se produit, car les personnes issues d'un même milieu social fréquentent généralement les mêmes lieux et sont donc conduites à se rencontrer entre elles plutôt qu'avec des membres d'autres groupes sociaux. De plus, les personnes issues d'un même milieu social partagent les mêmes normes et valeurs et ont généralement des goûts proches.
Les enjeux de la reproduction sociale sont nombreux, car elle peut favoriser un maintien des inégalités sociales et culturelles dans la société.
L'école joue un rôle important en favorisant l'égalité des chances. Elle permet aux jeunes n'ayant pas beaucoup de ressources d'en obtenir d'autres. Elle devrait donc permettre aux individus de contourner les processus de reproduction sociale lorsqu'ils sont négatifs, en donnant les mêmes chances de réussite à chacun. Cependant, l'école est aussi un lieu de reproduction sociale. Cela peut être relié à deux facteurs : la réussite scolaire et les choix d'orientation.
Les enfants issus de milieux favorisés ont en moyenne de meilleurs résultats scolaires que les autres. Cela peut s'expliquer par le fait que leurs parents ont une position sociale élevée et ont souvent bien réussi à l'école. Ils disposent des savoirs et de la culture attendus à l'école et les transmettent à leurs enfants. La socialisation familiale des enfants issus de milieux favorisés est donc proche des modèles valorisés dans le milieu scolaire, ce qui facilite leur réussite.
Les enfants issus de milieux sociaux différents font des choix d'orientation différents, même lorsqu'ils réussissent pareillement à l'école. Les enfants de cadres vont plus souvent à l'université et en classes préparatoires (études longues) que les enfants d'employés ou d'ouvriers qui, eux, choisissent souvent des filières d'études courtes et professionnalisantes.
© Insee
Dans L'Inégalité des chances, le sociologue Raymond Boudon montre que la reproduction sociale favorise les inégalités sociales malgré les institutions censées les combattre. L'école n'est pas l'endroit où l'on fabrique les inégalités. Elle tend au contraire à les diminuer. Mais cette réduction reste limitée et ne permet pas un changement radical des statuts sociaux.
L'explication réside à la fois dans la difficulté à surpasser les inégalités scolaires entre les milieux sociaux (reproduction sociale), mais également à lutter contre les inégalités d'orientation et la faible mobilité sociale qui en résulte. Les élèves des milieux défavorisés peuvent, grâce à l'école, connaître une certaine ascension sociale, mais celle-ci est plus limitée statistiquement, car ils doivent à la fois combattre les difficultés scolaires et acquérir les réseaux de relations qui leur permettront de changer de milieu. Cela nécessite à la fois un capital culturel et social complexe et la volonté de changer de milieu, donc de renoncer aux anciennes relations sociales qu'ils possédaient.