Caractériser l'homme baroque Exercice fondamental

Le baroque marque, avec le classicisme, le XVIIe siècle français. L'homme baroque tel qu'il émerge au sein de cette époque se définit par son rapport au monde nouveau, d'abord dans sa conscience aiguë de sa propre fragilité et de celle du monde, puis dans sa conception particulière de la pensée.

Tout d'abord, l'homme baroque est un homme profondément conscient de sa propre fragilité et qui expérimente l'angoisse liée aux incertitudes et aux grands bouleversements de son temps. Issu du terme portugais "barroco" qui désigne une "perle de forme irrégulière", le baroque est marqué par l'idée de bizarrerie. C'est avant tout un art du mouvement par opposition à la pesanteur du classicisme : emblématique de cette idée, l'esthétique baroque n'est pas vraiment assimilable à une poétique, contrairement aux règles classiques, théorisées notamment par Boileau. L'homme baroque se définit plutôt dans une manière de penser, un rapport nouveau au monde. En effet, avec Copernic, l'univers devient héliocentriste et l'Homme se trouve brutalement décentré. Ce bouleversement majeur est renforcé par la découverte de nouvelles civilisations qui remettent en question l'ethnocentrisme européen. Par ailleurs, la crise de la Réforme laisse l'individu seul face à Dieu et à la Bible : il doit apprendre à penser le rapport au divin par lui-même. Héritier du sens critique cher aux humanistes, l'homme baroque est donc livré à sa propre capacité de penser et à la nécessité de l'exercer mais celle-ci est en proie à l'incertitude. Emblématique de cette idée, le philosophe et mathématicien Descartes prône le doute systématique dans Le Discours de la Méthode : la méthode pour construire sa pensée doit passer par une mise en doute qui touche à tous les domaines, y compris celui du corps car les sens sont trompeurs. C'est donc avant tout une crise du rapport au monde qui caractérise la pensée baroque. À ce propos, Pascal explore l'idée de la misère humaine : l'Homme, en proie à l'ennui, seul face à ses pensées, fait l'expérience de son propre néant.

Cette conscience forte de sa fragilité détermine un rapport nouveau à la pensée. À travers des textes argumentatifs autour de la question de la compréhension de l'Homme, les auteurs de l'époque tentent de décortiquer les ressorts du cœur et de la pensée en dégageant des lois générales à partir de l'observation de cas particuliers. Il s'agit moins pour eux de définir une morale ou des règles de comportements, comme c'était le cas pour les moralistes et leur figure de l'"honnête homme", mais plutôt de guider l'homme baroque sur le bon usage à faire de sa pensée. Celle-ci devient la seule certitude possible dans un monde en constant changement. En effet, si je doute de tout, une seule chose échappe à ce doute : le doute lui-même, qui est une preuve que je pense. Ma pensée devient alors la preuve que j'existe, la seule certitude possible et c'est ce que Descartes exprime par sa célèbre affirmation : "je pense donc je suis". L'image du "roseau pensant" de Pascal explore la même idée et invite par ailleurs l'homme baroque à embrasser sa propre fragilité : le roseau ploie mais ne se rompt pas. Pour compenser cet exercice exigeant et difficile de sa pensée, l'homme baroque se définit également par son rapport éclairé aux arts : en effet, pour Pascal, le divertissement que constitue la beauté, permet d'échapper à la misère humaine : il constitue une consolation et une diversion, d'où l'importance du théâtre pour l'homme baroque.