Polynésie, 2012, voie L
À l'issue de la lecture du texte de Rostand, vous faites part à un professeur de votre désaccord avec la thèse défendue par le fameux biologiste.
Écrivez, après une rapide entrée en matière narrative, ce dialogue avec ce professeur qui, lui, défendra la position de Rostand.
Votre texte comportera au minimum une soixantaine de lignes.
Texte C : Jean Rostand, Pensées d'un biologiste
1954
Jean Rostand, fils d'Edmond Rostand (auteur de Cyrano de Bergerac) est un biologiste qui a fait connaître la génétique. Savant humaniste, il propose une réflexion sur les relations entre l'Homme et le monde.
Mais, laissant au moraliste le soin de peser les douleurs et les satisfactions individuelles, demandons-nous ce que l'homme, en tant que membre de l'espèce, peut penser de lui-même et de son labeur.
Certes, à se souvenir de ses origines, il a bien sujet de se considérer avec complaisance. Ce petit-fils de poisson, cet arrière-neveu de limace, a droit à quelque orgueil de parvenu. Jusqu'où n'ira-t-il pas dans sa maîtrise des forces matérielles ? Quel secret ne dérobera-t-il pas à la nature ? Demain, il libérera l'énergie intra-atomique, il voyagera dans les espaces interplanétaires, il prolongera la durée de sa propre vie, il combattra la plupart des maux qui l'assaillent, et même ceux que créent ses propres passions, en instaurant un ordre meilleur dans ses collectivités.
Sa réussite a de quoi lui tourner un peu la tête. Mais, pour se dégriser aussitôt, qu'il situe son royaume dérisoire parmi les astres sans nombre que lui révèlent ses télescopes : comment se prendrait-il encore au sérieux, sous quelque aspect qu'il s'envisage, une fois qu'il a jeté le regard dans les gouffres glacés où se hâtent les nébuleuses spirales !
Quel sort, au demeurant, peut-il prédire à son œuvre, à son effort ? De tout cela, que restera-t-il, un jour, sur le misérable grain de boue où il réside ? L'espèce humaine passera, comme ont passé les dinosaures et les stégocéphales1. Peu à peu, la petite étoile qui nous sert de soleil abandonnera sa force éclairante et chauffante…Toute vie alors aura cessé sur la terre qui, astre périmé, continuera de tourner sans fin dans les espaces sans bornes… Alors, de toute la civilisation humaine ou surhumaine – découvertes, philosophies, idéaux, religions -, rien ne subsistera. Il ne restera même pas de nous ce qui reste aujourd'hui de l'homme du Neandertal, dont quelques débris au moins ont trouvé un asile dans les musées de son successeur. En ce minuscule coin déjà, peut-être, s'est achevée sur d'autres mondes… Aventure qui, en d'autres mondes peut-être, se renouvellera… Et partout soutenue par les mêmes illusions, créatrice des mêmes tourments, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l'échec final et à la ténèbre infinie…
1 stégocéphales : amphibiens préhistoriques
2 falote : insignifiante
3 protoplasme : substance qui constitue la cellule, à l'origine de la vie
Quelles sont les idées de Rostand ?
Jean Rostand, Pensées d'un biologiste
1954
Jean Rostand, fils d'Edmond Rostand (auteur de Cyrano de Bergerac) est un biologiste qui a fait connaître la génétique. Savant humaniste, il propose une réflexion sur les relations entre l'Homme et le monde.
Mais, laissant au moraliste le soin de peser les douleurs et les satisfactions individuelles, demandons-nous ce que l'homme, en tant que membre de l'espèce, peut penser de lui-même et de son labeur.
Certes, à se souvenir de ses origines, il a bien sujet de se considérer avec complaisance. Ce petit-fils de poisson, cet arrière-neveu de limace, a droit à quelque orgueil de parvenu. Jusqu'où n'ira-t-il pas dans sa maîtrise des forces matérielles ? Quel secret ne dérobera-t-il pas à la nature ? Demain, il libérera l'énergie intra-atomique, il voyagera dans les espaces interplanétaires, il prolongera la durée de sa propre vie, il combattra la plupart des maux qui l'assaillent, et même ceux que créent ses propres passions, en instaurant un ordre meilleur dans ses collectivités.
Sa réussite a de quoi lui tourner un peu la tête. Mais, pour se dégriser aussitôt, qu'il situe son royaume dérisoire parmi les astres sans nombre que lui révèlent ses télescopes : comment se prendrait-il encore au sérieux, sous quelque aspect qu'il s'envisage, une fois qu'il a jeté le regard dans les gouffres glacés où se hâtent les nébuleuses spirales !
Quel sort, au demeurant, peut-il prédire à son œuvre, à son effort ? De tout cela, que restera-t-il, un jour, sur le misérable grain de boue où il réside ? L'espèce humaine passera, comme ont passé les dinosaures et les stégocéphales1. Peu à peu, la petite étoile qui nous sert de soleil abandonnera sa force éclairante et chauffante…Toute vie alors aura cessé sur la terre qui, astre périmé, continuera de tourner sans fin dans les espaces sans bornes… Alors, de toute la civilisation humaine ou surhumaine – découvertes, philosophies, idéaux, religions -, rien ne subsistera. Il ne restera même pas de nous ce qui reste aujourd'hui de l'homme du Neandertal, dont quelques débris au moins ont trouvé un asile dans les musées de son successeur. En ce minuscule coin déjà, peut-être, s'est achevée sur d'autres mondes… Aventure qui, en d'autres mondes peut-être, se renouvellera… Et partout soutenue par les mêmes illusions, créatrice des mêmes tourments, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l'échec final et à la ténèbre infinie…
1 stégocéphales : amphibiens préhistoriques
2 falote : insignifiante
3 protoplasme : substance qui constitue la cellule, à l'origine de la vie
Quel genre de texte devez-vous rédiger ?
Jean Rostand, Pensées d'un biologiste
1954
Jean Rostand, fils d'Edmond Rostand (auteur de Cyrano de Bergerac) est un biologiste qui a fait connaître la génétique. Savant humaniste, il propose une réflexion sur les relations entre l'Homme et le monde.
Mais, laissant au moraliste le soin de peser les douleurs et les satisfactions individuelles, demandons-nous ce que l'homme, en tant que membre de l'espèce, peut penser de lui-même et de son labeur.
Certes, à se souvenir de ses origines, il a bien sujet de se considérer avec complaisance. Ce petit-fils de poisson, cet arrière-neveu de limace, a droit à quelque orgueil de parvenu. Jusqu'où n'ira-t-il pas dans sa maîtrise des forces matérielles ? Quel secret ne dérobera-t-il pas à la nature ? Demain, il libérera l'énergie intra-atomique, il voyagera dans les espaces interplanétaires, il prolongera la durée de sa propre vie, il combattra la plupart des maux qui l'assaillent, et même ceux que créent ses propres passions, en instaurant un ordre meilleur dans ses collectivités.
Sa réussite a de quoi lui tourner un peu la tête. Mais, pour se dégriser aussitôt, qu'il situe son royaume dérisoire parmi les astres sans nombre que lui révèlent ses télescopes : comment se prendrait-il encore au sérieux, sous quelque aspect qu'il s'envisage, une fois qu'il a jeté le regard dans les gouffres glacés où se hâtent les nébuleuses spirales !
Quel sort, au demeurant, peut-il prédire à son œuvre, à son effort ? De tout cela, que restera-t-il, un jour, sur le misérable grain de boue où il réside ? L'espèce humaine passera, comme ont passé les dinosaures et les stégocéphales1. Peu à peu, la petite étoile qui nous sert de soleil abandonnera sa force éclairante et chauffante…Toute vie alors aura cessé sur la terre qui, astre périmé, continuera de tourner sans fin dans les espaces sans bornes… Alors, de toute la civilisation humaine ou surhumaine – découvertes, philosophies, idéaux, religions -, rien ne subsistera. Il ne restera même pas de nous ce qui reste aujourd'hui de l'homme du Neandertal, dont quelques débris au moins ont trouvé un asile dans les musées de son successeur. En ce minuscule coin déjà, peut-être, s'est achevée sur d'autres mondes… Aventure qui, en d'autres mondes peut-être, se renouvellera… Et partout soutenue par les mêmes illusions, créatrice des mêmes tourments, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l'échec final et à la ténèbre infinie…
1 stégocéphales : amphibiens préhistoriques
2 falote : insignifiante
3 protoplasme : substance qui constitue la cellule, à l'origine de la vie
Quelle thèse défend l'élève ?
Jean Rostand, Pensées d'un biologiste
1954
Jean Rostand, fils d'Edmond Rostand (auteur de Cyrano de Bergerac) est un biologiste qui a fait connaître la génétique. Savant humaniste, il propose une réflexion sur les relations entre l'Homme et le monde.
Mais, laissant au moraliste le soin de peser les douleurs et les satisfactions individuelles, demandons-nous ce que l'homme, en tant que membre de l'espèce, peut penser de lui-même et de son labeur.
Certes, à se souvenir de ses origines, il a bien sujet de se considérer avec complaisance. Ce petit-fils de poisson, cet arrière-neveu de limace, a droit à quelque orgueil de parvenu. Jusqu'où n'ira-t-il pas dans sa maîtrise des forces matérielles ? Quel secret ne dérobera-t-il pas à la nature ? Demain, il libérera l'énergie intra-atomique, il voyagera dans les espaces interplanétaires, il prolongera la durée de sa propre vie, il combattra la plupart des maux qui l'assaillent, et même ceux que créent ses propres passions, en instaurant un ordre meilleur dans ses collectivités.
Sa réussite a de quoi lui tourner un peu la tête. Mais, pour se dégriser aussitôt, qu'il situe son royaume dérisoire parmi les astres sans nombre que lui révèlent ses télescopes : comment se prendrait-il encore au sérieux, sous quelque aspect qu'il s'envisage, une fois qu'il a jeté le regard dans les gouffres glacés où se hâtent les nébuleuses spirales !
Quel sort, au demeurant, peut-il prédire à son œuvre, à son effort ? De tout cela, que restera-t-il, un jour, sur le misérable grain de boue où il réside ? L'espèce humaine passera, comme ont passé les dinosaures et les stégocéphales1. Peu à peu, la petite étoile qui nous sert de soleil abandonnera sa force éclairante et chauffante…Toute vie alors aura cessé sur la terre qui, astre périmé, continuera de tourner sans fin dans les espaces sans bornes… Alors, de toute la civilisation humaine ou surhumaine – découvertes, philosophies, idéaux, religions -, rien ne subsistera. Il ne restera même pas de nous ce qui reste aujourd'hui de l'homme du Neandertal, dont quelques débris au moins ont trouvé un asile dans les musées de son successeur. En ce minuscule coin déjà, peut-être, s'est achevée sur d'autres mondes… Aventure qui, en d'autres mondes peut-être, se renouvellera… Et partout soutenue par les mêmes illusions, créatrice des mêmes tourments, partout aussi absurde, aussi vaine, aussi nécessairement promise dès le principe à l'échec final et à la ténèbre infinie…
1 stégocéphales : amphibiens préhistoriques
2 falote : insignifiante
3 protoplasme : substance qui constitue la cellule, à l'origine de la vie
Qu'est-ce qu'une thèse ?
- Il s'agit d'une dialogue argumentatif. Les deux personnages doivent se livrer à un débat. On attend donc qu'ils aient des avis différents. Vous êtes contre la position de Rostand alors que le professeur est pour.
- Il faut introduire le dialogue par une narration. On s'attend à ce que vous racontiez par exemple que vous avez lu cette scène et que vous n'êtes pas d'accord, donc vous en parlez à un professeur à la fin d'un cours. Cette entrée en matière doit être courte.
- On attend des deux personnages qu'ils aient des arguments et des exemples.
- Le débat repose sur un texte du corpus qu'il convient de maîtriser. Il faut le relire plusieurs fois, faire ressortir les arguments de Rostand. Votre rôle, en tant qu'élève contre la position de Rostand dans le dialogue, est de proposer une vision différente ou d'expliquer en quoi l'auteur a tort. Le professeur reprend quant à lui les arguments de Rostand et les justifie.
- Respecter la forme du dialogue. Il faut ouvrir les guillemets quand le dialogue commence, et ne pas oublier de mettre un tiret à chaque fois qu'un personnage s'exprime.
- On évitera toute familiarité dans la langue rédigée. Le niveau de langue doit être correct.
- Les deux personnages n'exposent pas simplement leurs idées, ils essaient de convaincre ou persuader l'autre. On attend donc des termes mélioratifs ou péjoratifs en fonction de qui défend et qui condamne la position de Rostand.
- On attend l'utilisation de termes qui marquent un discours structuré : mais, pourtant, c'est pourquoi, ainsi.
- Les personnages expriment leurs opinions. Verbes d'opinion : je pense, je crois, il me semble, etc.
- On sanctionnera les copies où le discours ne sera pas cohérent, où les personnages ne rebondiront pas sur les arguments ou les exemples de l'autre, etc.
À la fin d'un cours, un élève s'adresse au professeur, car il n'a pas aimé un texte étudié en classe.
- Monsieur, je m'excuse de vous déranger, mais je voudrais vous parler du texte de Rostand.
- Bien sûr, ne comprends-tu pas quelque chose ?
- Oh, ce n'est pas cela... Simplement, j'ai été assez choqué par ce texte. Pour être honnête, je trouve l'auteur très méprisant. Il nous insulte tout de même, en nous appelant "petit-fils de poisson" et en nous comparant à des "stégocéphales" ! C'est très choquant monsieur ! Nous ne sommes pas de simples animaux !
- Ah, je comprends bien ! Mais enfin Rostand le fait sciemment. C'est une façon pour lui de reprendre les arguments de la théorie de l'évolution de Darwin. D'ailleurs, il ne t'insulte pas toi personnellement, et puis il s'inclut dans le lot ! Seulement, il rappelle aux hommes qu'ils ne sont pas une espèce si différente des autres. Il leur rappelle qu'ils ont, comme toutes les autres espèces, une identité biologique.
- Enfin, tout de même, l'Homme semble un animal comme les autres. Il se moque même de Dieu !
- Il ne se moque pas de Dieu. Il parle au début du texte de la dimension religieuse de l'Homme.
- Mais après non !
- C'est normal. Il aborde l'Homme d'un point de vue biologique, et non pas spirituel ou religieux. Il parle d'ailleurs de la différence entre lui et les moralistes. Ce qui l'intéresse, c'est l'Homme en tant qu'espèce animale, en tant qu'espèce du monde animal. Tu comprends ? Tu ne peux pas nier que l'Homme est aussi un animal ?
- Non, bien sûr...
- D'un point de vue purement biologique, nous ne sommes pas supérieurs, malgré notre intelligence très développée. D'ailleurs, même si nos évolutions sont remarquables, la nature nous contrôle toujours. Et elle peut aussi détruire ce que nous construisons. Regarde les catastrophes naturelles.
- Oui, vous avez raison. Mais il fait comme si nous étions comme les autres espèces, et ce n'est pas vrai. Dire que nous sommes aussi des animaux, oui. Mais contrairement à toutes les espèces animales, nous avons évolué d'une façon incroyable et radicale. On ne peut pas passer cela sous silence. Le progrès, ce n'est pas rien. Il n'y a pas que le progrès scientifique d'ailleurs, il y a le progrès dans tous les domaines ! En France, aujourd'hui, la population a beaucoup plus de droits qu'autrefois ! Il faut avoir conscience de tout cela !
- Mais tu te places du point de vue humain. Rostand, non. Il généralise. Tu penses que l'Homme est important, car tu es un Homme, et tu regardes ton espèce à ton niveau. Rostand te remet dans l'Histoire de la planète Terre, et là tu deviens un grain de sable, ou "grain de boue" comme il dit.
- Mais alors, vivre n'a aucun intérêt ! Si nous ne sommes rien, si nous ne sommes pas différents des autres, alors pourquoi tous ces progrès ? Pourquoi aller à l'école même !
- Je comprends que tu dises cela. Ce texte peut faire frémir en effet. C'est pour cela que tu le prends à cœur. L'Homme a besoin de croire qu'il est important. Mais Rostand ne dit pas qu'il faut cesser de vivre, cesser d'avancer. Il entend surtout remettre l'Homme prétentieux à sa place. Il demande de l'humilité aux hommes.
- Mais l'Homme a tellement de capacités... Je veux dire, la réalité a parfois dépassé la fiction ! Qui sait si nous ne finirons pas par pouvoir nous cloner ! Nous dédoubler ! Vivre éternellement ! Nous serons sans doute capables de dépasser notre condition d'espèce animale !
- Rostand parle de cela dans le texte. Il ne nie pas les capacités humaines. Mais par définition, il est impossible que l'Homme se mette à la taille de l'Univers. C'est la plus grande "illusion" humaine. L'Homme croit qu'il pourra contrôler tout, contrôler l'Univers entier. Mais comment un être fini peut-il contrôler l'infini ?
- C'est effrayant tout de même... D'ailleurs, notre mort n'empêche pas tout ce que nous avons fait, d'avoir été, d'exister. On ne peut pas continuer de vivre en pensant que tout cela ne sert à rien !
- C'est normal, à ton âge, de penser cela. En vieillissant, tu verras peut-être les choses autrement. Mais tu n'as pas tort. L'Homme n'est pas simplement petit. Il peut être très grand. Je suis content que ce texte t'ait fait réfléchir en tout cas.
- Ah oui, beaucoup ! Je me pose beaucoup de questions. En fait, je comprends un peu ce que Rostand veut dire. Mais cela me terrifie d'imaginer que nous ne sommes rien. Et puis, au moins, nous nous souvenons des dinosaures. Si un jour la Terre disparaît vraiment, alors plus personne ne se souviendra de nous !
- En effet, c'est ce que Rostand dit. Enfin, je suis ravi que tu sois intéressé par ce texte. Ce sont des questions importantes, il faut se les poser, non ?
- Ah oui, ça, c'est sûr ! Bon, merci monsieur en tout cas, à demain !
- À demain, travaille bien !
- Oui, oui monsieur !