Qu'appelle-t-on le mythe du bon sauvage ? Quels auteurs l'ont développé ?
Qu'est-ce qui caractérise la figure du bon sauvage ?
Qui sont les "barbares" pour Montaigne ?
Qu'est-ce qui pervertit l'état de nature ?
Qui a écrit Les Lettres persanes ?
Pour quelle raison Diderot réfute-t-il le mythe du bon sauvage ?
Les grandes découvertes des voyages d'exploration au XVe siècle confrontent les sociétés européennes à des civilisations jusqu'ici inconnues et mettent fortement en question l'ethnocentrisme qui dominait jusqu'alors. C'est dans ce contexte qu'émerge le mythe du bon sauvage. Il est tout d'abord le résultat d'une idéalisation de l'homme naturel, notamment chez les humanistes. Au XVIIIe, les Lumières en font un moyen de critiquer la société.
À travers les écrits des humanistes puis des Lumières, la figure du bon sauvage apparaît comme le résultat d'une idéalisation de l'homme naturel vivant dans un état de nature idéal, loin de toute corruption par la société ou la religion. Cet état idéal se rapproche d'une vision paradisiaque de l'Éden avant la Chute. On cite souvent Montaigne comme source de cette figure, même si le mythe a des origines plus anciennes. Dans Des Cannibales, l'auteur s'attache à montrer le relativisme culturel : ici, ce ne sont plus les cannibales qui sont des barbares mais bien les Européens, incapables de tolérance, qui cherchent à corrompre ces peuples purs en leur imposant leurs modes de vie. Cette posture provocatrice invite le lecteur à s'interroger sur le bien-fondé de ses us et coutumes et à faire preuve de lucidité critique sur sa propre culture. Le mythe du bon sauvage sert donc avant tout de miroir pour renvoyer les lecteurs européens à leurs propres contradictions morales.
Au XVIIIe siècle, ce mythe est également un moyen de faire la critique de la société. La question de l'état de nature, corrompu par la société, est centrale, notamment dans l'œuvre de Rousseau : selon lui, l'Homme naît bon et heureux mais il est perverti par la société. C'est l'idée forte qu'il développe dans Le Discours sur l'Origine des Inégalités parmi les Hommes (1755) mais aussi dans son traité d'éducation, l'Émile en 1762. Le bon sauvage est également pour les Lumières un moyen de proposer un regard autre, extérieur et dénué de tout préjugés, sur la société de leur époque, afin de renvoyer leurs lecteurs à leurs propres travers. Si les Persans de Montesquieu ne sont pas à proprement parler des sauvages, leur regard naïf sur la société parisienne dans Les Lettres persanes crée un décalage critique que l'on retrouve dans L'Ingénu de Voltaire : le personnage du Huron, par son éducation très limitée, renvoie au mythe du bon sauvage et pose sur la société du XVIIIe siècle un regard candide qui permet à l'auteur de satiriser son époque. Le mythe connaît cependant une remise en question dans le Supplément au voyage de Bougainville : Diderot nous y dépeint un homme sauvage naturellement bon qui vit en parfaite harmonie avec la nature. Cependant, il remet en question la possibilité réelle d'un état de nature en montrant que même les "bons sauvages" constituent une civilisation qui n'est ni idéale ni utopique, avec ses buts et ses structures. C'est la chute du mythe.
- La découverte de nouveaux mondes remet en question l'ethnocentrisme européen et invite à réfléchir sur le relativisme culturel
- Au XVIe siècle, le mythe du bon sauvage est une idéalisation de l'état de nature.
- Au XVIIIe siècle la figure du bon sauvage permet une critique de la société des Lumières.