L'utilité des didascalies Exercice fondamental

L'écriture théâtrale distingue les "textes à dire" et les "textes à lire". Cette distinction révèle la double dimension de la représentation dramatique, du texte à la mise en scène, de l'auteur aux acteurs. Les didascalies sont tout d'abord utiles pour définir le jeu des acteurs. Dans un second temps, elles soulignent l'importance de la représentation et le rôle du metteur en scène dans la création d'une pièce.

En effet, le texte théâtral s'accompagne le plus souvent de didascalies. Ce "texte à lire" précède tout d'abord le début de la pièce pour donner des informations essentielles sur l'intrigue : c'est ce qu'on appelle les dramatis personae qui font la liste des personnages et donnent des informations sur leur identité. Par exemple, la liste des personnages du Misanthrope de Molière nous donne d'emblée à voir un réseau de relations amoureuses complexes structuré autour du personnage de Célimène. Mais la plupart des indications sont scéniques et sont souvent présentées en italique pour se détacher du texte : ce sont les didascalies externes qui renseignent sur la manière dont le texte doit être joué et représenté. Elles montrent qu'une pièce ne peut pas se résumer à un simple échange de parole statique entre des personnages : la mise en scène est cruciale pour faire ressortir le sens d'une pièce de théâtre. En effet, en dehors de cas exceptionnels comme Un spectacle dans un fauteuil d'Alfred de Musset, une pièce et conçue pour la scène, pour être représentée. Les didascalies permettent donc avant tout de savoir quelle vision l'auteur a de sa propre pièce, quel sens et quelles émotions il souhaite voir ressortir lors de la représentation. Ce sont avant tout des indications pour les acteurs, sur leurs déplacements, leurs gestes et sur la manière de dire le texte, dans le rythme et l'intonation. Toutes les répliques ne sont pas assorties de didascalies mais certaines contiennent parfois des indications à l'intérieur même du texte : ce sont les didascalies internes. Ainsi, lorsque Molière fait dire à Arnolphe "tu veux prendre la fuite?" à son valet Alain, il donne une indication sur le jeu de ce dernier.

La représentation s'attache donc à rendre visible le sens de l'œuvre écrite : les didascalies sont à cet égard essentielles car elles donnent une indication sur la vision de l'auteur lui-même à destination du metteur en scène. De ce point de vue, on observe une évolution des didascalies qui se multiplient au fil des époques et qui soulignent l'importance grandissante du rôle du metteur en scène. Si au XVIIe siècle, la règle de l'unité de lieu limite les effets de décor, aux XIXe et XXe siècles, l'intrigue théâtrale se déroule dans des lieux variés ce qui implique de nombreux changements de décor. Ceux-ci peuvent reposer sur des conventions de jeu et de mise en scène acceptées tacitement par le spectateur. Par exemple, on peut assister aux changements de décor sans qu'ils soient cachés : ils peuvent au contraire être exhibés, chorégraphiés comme faisant partie du spectacle. C'est le cas par exemple lors des mises en scène d'Ariane Mnouchkine au Théâtre du Soleil. Par ailleurs, les progrès techniques permettent de multiplier les effets de mise en scène, dans les lumières, les bruitages, le rôle de la musique. Les didascalies donnent donc un rôle décisif au metteur en scène et font ainsi du théâtre un art vivant : en effet, les didascalies laissent une grande liberté au metteur en scène pour offrir sa propre interprétation de l'œuvre. Elles constituent des indications qui le guident sans le brimer ce qui fait qu'une représentation théâtrale n'est jamais deux fois la même. Parce que la pièce de théâtre n'est pas un simple échange verbal entre deux personnages, la mise en scène est en elle-même une création qui part de la vision qu'un auteur exprime dans ses didascalies pour aboutir à une représentation qui engage le sens et l'interprétation de l'œuvre à travers les choix du metteur en scène.