Sommaire
IHistoire du romanAVers la consécrationBDu triomphe au soupçonIILe personnage de romanAUne question de réalismeBActeur ou témoin du mondeIIIAnalyser le romanAObserver l'énonciationBAnalyser les descriptionsCObserver les personnagesHistoire du roman
Vers la consécration
Le roman est un genre littéraire plutôt moderne. Sa définition usuelle s'est construite au fil des expérimentations narratives, entre l'Antiquité et le XIXe siècle.
Roman
Le roman est un genre littéraire qui désigne un récit fictif plus ou moins long rédigé en prose. Il présente comme réels des personnages fictifs et les fait vivre dans un cadre spatio-temporel précis. Il les décrit, montre leur psychologie et relate leurs aventures.
Le Père Goriot de Balzac raconte une série d'événements que vivent deux personnages, Eugène de Rastignac et son voisin le Père Goriot. Balzac décrit la psychologie des deux hommes.
Le genre romanesque connaît différentes évolutions.
Dans l'Antiquité, les récits sont essentiellement des épopées, qui racontent les actions illustres de personnages exceptionnels, souvent issus de la mythologie. Il y a peu de descriptions et de dialogues.
Au Moyen Âge, les épopées laissent la place aux vies de saints (à l'existence exemplaire), puis aux chansons de geste (qui relatent les hauts faits d'armes de chevaliers). Le mot "roman" apparaît et les descriptions commencent à se développer.
À partir du XVIe siècle, les romans deviennent parfois satiriques et comiques. Les personnages, auparavant de noble naissance, peuvent appartenir aux classes populaires. Lorsqu'ils mettent en scène des personnages vagabonds ou pauvres, ces romans sont dits picaresques. Le roman est en même temps dénigré, car il met en évidence la dépravation. Toutefois certains romans comiques (comme Gargantua de François Rabelais) cachent une réflexion sur le monde qui a connu leur publication. Le dialogue se développe.
Au XVIIe siècle, certains romans se détachent de la réalité. Il s'agit des romans précieux. Ces romans mettent en scène des êtres parfaits dans un monde idéalisé. Il y est souvent question d'amour. Les détracteurs du genre le relèguent à la destination des jeunes femmes. Quelques romans sont publiés sous forme de lettres. Il s'agit de romans épistolaires.
Au XVIIIe siècle, sous l'influence des romans étrangers, le roman se développe davantage. Certains auteurs publient des récits décrivant des mœurs légères, sous couvert de dissuader le lecteur de s'adonner au vice. Mais la critique condamne ces écrits. Le roman reste un genre mineur et dénigré. Le roman épistolaire se développe et gagne en notoriété.
Au XIXe siècle, le roman finit enfin par s'imposer car la lecture s'est démocratisée. Le peuple a en partie accès à la littérature et apprécie de se voir mis en scène. C'est l'apogée du genre, qui connaît trois mouvements littéraires importants : le romantisme (qui expose les sentiments des personnages), le réalisme (qui décrit la société de manière critique) et le naturalisme (qui décrit une expérience narrative réalisée sur quelques personnages, dans un milieu social et un contexte spatio-temporel précis).
Roman comique
Récit long qui raconte les pérégrinations d'un ou plusieurs personnages particulièrement imparfaits.
Scarron a écrit un Roman comique, publié entre 1651 et 1657. Ce dernier relate les aventures d'une troupe de comédiens.
Roman épistolaire
C'est un roman dont le récit est intégralement constitué de lettres que les personnages s'adressent.
Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos est un roman épistolaire du XVIIIe siècle. Il est constitué de lettres que s'envoient notamment la marquise de Merteuil et le vicomte de Valmont.
Du triomphe au soupçon
Ainsi, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, le roman est considéré comme un genre littéraire majeur. Il fait la célébrité de nombreux auteurs, qui développent ses usages :
- Le cadre spatio-temporel est décrit précisément. Les descriptions recherchent la vraisemblance et l'effet de réel (comme chez Gustave Flaubert ou Émile Zola).
- Les personnages sont dotés d'un portrait physique, psychologique et social (notamment chez François Mauriac, qui propose une véritable analyse psychologique de ses personnages).
- Le texte prend de l'ampleur, tant en nombre de mots que d'une manière stylistique, dans la longueur des phrases (notamment dans l'œuvre de Marcel Proust).
Mouvement réaliste
Le mouvement réaliste (ou le réalisme) se développe dans le deuxième tiers du XIXe siècle. Il propose une description fidèle de la société de son temps pour en dénoncer les injustices.
Bouvard et Pécuchet de Gustave Flaubert est un roman réaliste. Il raconte les déconvenues de deux Parisiens qui décident de s'installer à la campagne.
Mouvement naturaliste
Le mouvement naturaliste (ou naturalisme) dépeint de manière exhaustive la vie d'un ou plusieurs personnages, afin de signifier les limites et les travers de l'âme humaine.
À rebours de Huysmans est un roman naturaliste.
Mais dès les années 1930, certains auteurs remettent en cause ces usages :
- Avec Voyage au bout de la nuit, publié en 1932, Louis-Ferdinand Céline relance le récit picaresque.
- Dans L'Étranger, publié en 1942, Albert Camus met en œuvre un narrateur personnage à la psychologie floue.
À l'issue de la Seconde Guerre mondiale, de jeunes romanciers remettent finalement en cause les constituants du genre romanesque :
- Alain Robbe-Grillet décrit une ville labyrinthique dans Les Gommes
- Nathalie Sarraute ralentit le récit au point que le lecteur ne le distingue plus que difficilement dans Le Planétarium.
Ces auteurs du Nouveau Roman mettent en action "l'ère du soupçon" (Nathalie Sarraute).
À leur suite, les romanciers modernes s'autorisent diverses expérimentations. On retiendra par exemple :
- La tentative de déconstruction de la cohérence narrative dans Zazie dans le métro de Raymond Queneau
- L'introduction d'un discours poétique dans ce même roman
- La démarche philosophique de Jean Giono dans Un roi sans divertissement
Existentialisme
L'existentialisme est un mouvement littéraire du XXe siècle issu d'un courant philosophique contemporain, qui défend la thèse d'un être humain conditionné par ses choix et ses actions.
Jean-Paul Sartre a écrit le roman existentialiste La Nausée en 1938. Dans ce roman, le héros nommé Antoine Roquetin ne supporte plus ni le monde dans lequel il vit ni sa propre existence. Il se réfugie dans la création littéraire afin d'échapper à la nausée qui le prend à tout instant.
L'absurde
L'absurde est un mouvement littéraire du XXe siècle (issu d'un mouvement philosophique contemporain) qui met en œuvre un échec dans la recherche d'un sens supérieur de l'existence humaine.
La Chute d'Albert Camus est un roman du mouvement de l'absurde. Son personnage principal, nommé Jean-Baptiste Clamence, se confesse au narrateur. Il expose son regard pessimiste sur l'existence humaine.
Nouveau Roman
Le Nouveau Roman est une école littéraire qui défend une déconstruction de la définition traditionnelle du roman.
Le roman La Jalousie d'Alain Robbe-Grillet appartient au mouvement du Nouveau Roman. La progression narrative, absente, est remplacée par une succession de scènes focalisées autour d'une tache brune laissée par un insecte sur un mur.
Le personnage de roman
Une question de réalisme
Personnage
Le personnage est un individu mis en scène dans un récit. Il se compose souvent :
- D'une identité (un nom, un prénom, un statut socioprofessionnel, des relations avec d'autres personnages)
- D'une histoire (un passé, des projets d'avenir)
- D'un caractère (une personnalité en lien avec son histoire, ses proches, son statut socioprofessionnel)
Julien Sorel est le personnage principal du roman de Stendhal Le Rouge et le Noir.
Le personnage de roman est, de manière usuelle, un être vraisemblable, réaliste. Le roman mettant en œuvre, d'ordinaire, un reflet du monde réel, souvent ses personnages en sont également le reflet.
Mais la dimension réaliste du personnage a varié selon les époques et les mouvements littéraires :
- Au Moyen Âge, le personnage se distingue par son nom et son passé, mais ce dernier est rarement exposé. Le narrateur le connaît par la lecture de différents récits. Ce personnage est en général de noble naissance.
- Au XVIe siècle, les personnages peuvent appartenir au peuple, bien que la grande majorité d'entre eux continue à avoir une noble naissance. Mais la dimension idéalisée (ou au contraire comique) des récits en font des êtres peu probables. Le personnage se limite encore souvent à un nom, un statut social. Parfois le récit en expose brièvement le passé.
- Au XVIIe siècle, le roman classique entend observer le cœur humain. Dans ces récits, un personnage central se dégage. Certains auteurs, comme madame de La Fayette, exposent l'intériorité de ce dernier. Le réalisme du personnage est ainsi développé par cet apport psychologique.
- Au XIXe siècle, les informations sur le personnage se font de plus en plus précises. Les romanciers prennent pour habitude de développer les portraits physique, moral et social, en instaurant une certaine cohérence entre ces éléments. Le lecteur a de plus en plus l'impression d'être confronté à un individu à part entière. Par ailleurs les personnages appartiennent à toutes les catégories de la société, en particulier au peuple.
- Au début du XXe siècle, certains romanciers transposent dans leurs romans les découvertes en matière de psychologie (Marcel Proust et François Mauriac notamment). François Mauriac leur confère même une identité et une autonomie propres, avant de finalement se rétracter. L'intériorité du personnage peut alors devenir floue, en accord avec les découvertes en matière de psychanalyse.
- Dans la seconde moitié du XXe siècle, certains romanciers (comme Alain Robbe-Grillet) récusent cette dimension réaliste du personnage. Ce dernier reste un "être de papier" (François Mauriac). Les romans modernes peuvent alors se risquer à proposer des récits aux personnages à l'identité floue ou fluctuante, voire inexistante.
Héros
Dans la mythologie, le héros est un individu aux capacités exceptionnelles ayant réalisé une action importante. Par extension, il s'agit plus généralement du personnage principal dans un récit.
Ulysse est l'un des héros de l'Iliade d'Homère. Sa grande intelligence lui fait concevoir la ruse du cheval de Troie, qui accorde la victoire aux Grecs.
Picaro
Picaro est un mot espagnol qui désigne un miséreux. En littérature, il désigne un personnage vagabond, en marge de la société.
Jacob, personnage central du Paysan parvenu de Marivaux, est un picaro : né simple paysan, il parvient, par diverses manœuvres et au terme de plusieurs aventures à posséder un titre de noblesse, une belle maison et une épouse aimante.
Acteur ou témoin du monde
Le personnage et le cadre spatio-temporel sont deux éléments traditionnellement constitutifs d'un roman. Le personnage fait partie du monde représenté, il l'habite et témoigne de son état.
Mais certains auteurs (Alain Robbe-Grillet et Jean-Paul Sartre notamment) rappellent la dimension artificielle de ces êtres, qui rend inefficace leur témoignage et leur implication dans l'avancée du récit.
Analyser le roman
Observer l'énonciation
Pour commencer, l'analyse d'une page de roman nécessite d'observer les caractéristiques de l'énonciation entre le narrateur et le lecteur :
- Identifier les caractéristiques du narrateur (statut et focalisation)
- Identifier le cadre spatio-temporel
Statut du narrateur
Le statut est la place du narrateur par rapport à son récit. Il peut être extérieur (hors de l'histoire, en employant la troisième personne) ou personnage (dans l'histoire, en employant la première personne).
Focalisation interne
La focalisation interne permet au lecteur de suivre les péripéties à travers les pensées et les sentiments d'un personnage précis.
Focalisation externe
La focalisation externe (ou point de vue externe) se réfère à un narrateur externe : celui-ci raconte les faits comme quelqu'un qui les observe de l'extérieur. Il ne peut pas communiquer les sentiments ou les pensées des personnages.
Focalisation zéro
Avec la focalisation zéro, le narrateur n'adopte pas le point de vue d'un personnage précis, il n'y a pas de restriction du champ de vision. Il est omniscient, c'est-à-dire qu'il sait tout de ses personnages ainsi que des événements passés ou à venir.
Cadre spatio-temporel
Le cadre spatio-temporel définit le lieu et le moment dans lesquels se déroulent les événements racontés.
Il faut également analyser les paroles entre les personnages. Il peut s'agir de :
- Discours direct
- Discours indirect
- Discours indirect libre
- Discours narrativisé
Discours direct
Le discours direct rapporte les paroles des personnages telles qu'elles ont été prononcées.
Discours indirect
Le discours indirect rapporte le contenu du discours d'un personnage dans une proposition subordonnée conjonctive.
Discours indirect libre
Le discours indirect libre rapporte les paroles d'un personnage de manière indirecte sans employer de proposition subordonnée indirecte, de sorte que le lecteur ne peut parfois pas identifier si ces paroles sont celles du narrateur ou celles d'un personnage.
Discours narrativisé
Le discours narrativisé résume les paroles d'un ou plusieurs personnages.
Analyser les descriptions
Pour analyser une description, il convient surtout d'observer attentivement :
- Les expansions du nom qui précisent les caractéristiques des éléments décrits (adjectifs qualificatifs, groupes nominaux prépositionnels, propositions subordonnées relatives)
- Le lexique connoté
- Les figures de style par analogie
Connotation
La connotation regroupe tous les sous-entendus portés par l'emploi du mot.
"Succès" présente une connotation méliorative.
Comparaison
Une comparaison met en relation deux éléments de sorte à les rendre similaires sur un ou plusieurs points déterminés.
Ma tête résonne comme une cloche.
Métaphore
La métaphore met en comparaison deux éléments mais aucun outil de comparaison n'est explicite.
Le temple de la nature.
Il faut également déterminer les objectifs remplis par la description. Celle-ci peut :
- Préciser le cadre spatio-temporel de la narration
- Permettre au lecteur de comprendre l'enchaînement des événements
- Permettre au lecteur de cerner la psychologie d'un personnage
- Créer une atmosphère
Observer les personnages
Un personnage peut posséder :
- Un nom et un prénom
- Un cadre de vie (temps, lieu)
- Une situation socioprofessionnelle
- Des relations avec d'autres personnages principaux ou secondaires
Si elles existent, il est utile de déterminer toutes ces caractéristiques.
Outre son identité, il convient de déterminer le vécu du personnage :
- Son passé, exprimé par des analepses, soit par l'intermédiaire d'explications du narrateur, soit le témoignage direct ou indirect du personnage
- Parfois son avenir, exprimé au moyen de prolepses du narrateur
- Ses espérances, formulées par le personnage, de manière directe ou indirecte
Analepse
L'analepse consiste à raconter des événements antérieurs à l'intrigue.
Prolepse
La prolepse consiste à raconter des événements postérieurs à l'intrigue.
Enfin, il faut analyser le caractère du personnage. Celui-ci est exprimé par :
- Les portraits en action réalisés par le narrateur
- Les paroles rapportées des personnages
- Les monologues intérieurs du personnage, dans le cas d'un point de vue interne