Hannah Arendt
1906 - 1975
Hannah Arendt
Les Origines du totalitarisme
1951
Hannah Arendt
La Condition de l'Homme moderne
1958
Hannah Arendt
La Crise de la culture
1961
Elle-même obligée de fuir l'Allemagne à cause de la montée du nazisme, Arendt, qui a été par ailleurs l'amie de Heidegger, offre d'abord une réflexion sur le totalitarisme. Elle montre que ce régime, très différent du despotisme, de la tyrannie ou de la dictature, est un phénomène radicalement nouveau dans l'histoire.
Le totalitarisme repose en effet sur l'atomisation sociale, créatrice d'une masse amorphe d'individus isolés ayant perdu toute conscience politique et morale -d'où la célèbre thèse d' Arendt sur la banalisation du mal, développée à l'occasion du procès du nazi Eichmann en 1961. Le système totalitaire impose une idéologie en s'appuyant sur la terreur, la concentration des pouvoirs, la domination d'un parti unique et en invoquant des lois « transcendantes », supérieures aux lois positives et sans aucun frein moral ni religieux (comme la sélection des races qui relève du pur et simple racisme pour le nazisme ou la lutte des classes pour le stalinisme, notion au départ socio-historique mais devenue une arme politique).
Afin de se préserver du totalitarisme, qui se nourrit du vide politique, Hannah Arendt préconise l'action. Il faut en effet privilégier la vita activa (vie active) d'Aristote par rapport à la vie contemplative prônée par Platon. En particulier, il existe "trois activités humaines fondamentales : le travail, l'œuvre et l'action".
Le travail est indispensable pour assurer la survie de l'espèce, mais son produit est rapidement consommé et l'animal laborans (travailleur) est asservi par la nécessité naturelle : le travail est donc la moins humaine des activités. L'œuvre (l'activité technique) est productrice d'objets plus durables (bâtiments, machines, œuvres d'art, etc.) et crée donc un espace proprement humain. C'est un des points sur lesquels Arendt se démarque de Heidegger qui critique la technique comme une « aliénation. » de l'humain.
Cependant, nous avons tendance à confondre travail et œuvre en assujettissant les objets techniques à la logique consommatrice du travail. Cette folie consommatrice nous fait ainsi perdre ce monde plus humain, car nous ne respectons plus sa durabilité : "il nous faut consommer, dévorer, pour ainsi dire, nos maisons, nos meubles, nos voitures". Le travail en effet, de moyen, est devenu sa propre fin. Seule l'œuvre d'art résiste à l'instrumentalisation tout en conservant sa durabilité, supérieure à celle de l'objet technique comme au caractère éphémère du travail.
Mais l'action est l'activité la plus haute et la seule qui mette les hommes en rapport les uns avec les autres. Cela renvoie à l'engagement politique de celui qui prend conscience de la pluralité des hommes et s'ouvre à l'espace public. Cette prise de conscience permet d'échapper à la menace totalitaire et totalitariste, c'est-à-dire idéologique et violente.
La société de masse ne veut pas la culture mais les loisirs.
Hannah Arendt
La Crise de la culture
1961
Le totalitarisme [...] diffère par essence des autres formes d'oppression politique que nous connaissons, tels le despotisme, la tyrannie et la dictature. Partout où celui-ci s'est hissé au pouvoir, il a engendré des institutions politiques entièrement nouvelles, il a détruit toutes les traditions sociales, juridiques et politiques du pays.
Hannah Arendt
Les Origines du totalitarisme
1951
Ryohei Noda via Flickr