Michel de Montaigne
1533 - 1592
Michel de Montaigne
Essais
Première édition en 1580, deuxième édition en 1588, troisième édition posthume en 1595
Dans l'héritage du scepticisme de Pyrrhon, Montaigne évoque la faiblesse de la raison et la limitation du langage. Il adopte la maxime "Que sais-je ?" pour montrer son refus de tout dogmatisme : les Essais analysent ainsi les théories des philosophes pour dénoncer l'orgueil de la raison qui prétend détenir la vérité.
Ce scepticisme conduit Montaigne au relativisme : il démontre l'égalité, au gré des intérêts et des croyances, de valeurs contradictoires, ce qui peut paraître désespérant. Les Essais n'offrent donc pas une doctrine mais une série d'interrogations, qui laissent dans l'incertitude.
Vivant durant l'une des époques les plus tourmentées et intolérantes de l'histoire de France, Montaigne rejette le fanatisme et le dogmatisme. Il défend au contraire, après avoir été lui-même tenté par les écoles « dogmatiques » de l'Antiquité (épicurisme et stoïcisme), le relativisme culturel, en notant que "chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage".
Par exemple, il dénonce les mises à mort de prétendus hérétiques et de sorciers, ainsi que la colonisation européenne, et crée notamment le mythe du Bon Sauvage ("De la coutume", "Des Cannibales"). De même, Montaigne souligne la relativité de la justice, qui varie selon les lieux. Il affirme même qu'il n'y a pas de nature humaine universelle, chaque homme étant différent et unique.
Montaigne est aussi considéré comme l'un des fondateurs du « culte du Moi », en raison de sa volonté d'effectuer une peinture authentique de lui-même : "c'est moi que je peins". Il ne faut toutefois pas confondre ce « culte » tout intellectuel avec celui que lui voueront les « préromantiques » comme Rousseau. Montaigne a surtout pour objet de montrer la relativité des jugements humains, évoquant à l'occasion son propre exemple.
Même en évoquant des événements normalement indépendants de lui-même, Montaigne souligne leur subjectivité : tout savoir est celui d'un sujet (il n'y a pas d'objectivité). Il est ainsi l'un des lointains fondateurs des « sciences de l'homme » -étant à sa manière « psychologue » « sociologue » et historien.
Montaigne consacre son œuvre à la recherche de la sagesse et du bien-vivre, même s'il n'existe pas une morale doctrinale unique. Il faut en fait savoir vivre "à propos", plus près en ce sens de la morale épicurienne.
En particulier, Montaigne partage l'exigence socratique de la connaissance de soi. Il s'inspire également, en particulier dans sa détermination politique (Montaigne a été longtemps maire de Bordeaux et diplomate) de la morale stoïcienne.
Au-delà de cet intérêt indéniable pour les affaires humaines, Montaigne exprime dans ses Essais son amour de la nature, des plaisirs de la vie, et de valeurs éthiques telles que la fidélité, l'honneur et l'amitié, tout particulièrement en relation avec le personnage de son ami La Boétie (auteur du Discours sur la servitude volontaire qui est un des textes principaux de l'humanisme moderne)
Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage.
Michel de Montaigne
Essais
1580
Moi à cette heure et moi tantôt sommes bien deux.
Michel de Montaigne
Essais
1580
Notre grand et glorieux chef-d'œuvre, c'est vivre à propos.
Michel de Montaigne
Essais
1580
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