Sommaire
IL'école et son rôle dans les sociétés démocratiquesALa transmission des savoirsBLa socialisation scolaireCL'égalité des chancesIILes progrès de la scolarisation et sa mesure statistiqueALes progrès de la scolarisation1L'essor de la scolarisation2La massification scolaire et la démocratisation scolaireBLa mesure statistique de la scolarisation1Le taux de scolarisation2Le taux d'accès au diplômeIIILa persistance des inégalités scolairesALes inégalités d'accès et de résultats1Les inégalités d'accès2Les inégalités de résultatsBLes inégalités des chances1Les facteurs sociaux2Le capital culturel et les stratégies familialesCLes conséquences sociales des inégalités scolairesL'essor de la scolarisation et le rôle central des systèmes éducatifs dans les sociétés contemporaines ont profondément transformé les relations sociales, à la fois dans la sphère familiale et dans la sphère économique. Le rôle de transmission des savoirs et de socialisation que joue l'école s'accompagne de l'idéal d'égalité des chances, au cœur des sociétés démocratiques. Alors que la réussite et l'échec scolaire jouent un rôle essentiel dans la société, le maintien des inégalités scolaires constitue un enjeu fondamental.
L'école et son rôle dans les sociétés démocratiques
Le premier rôle de l'école est la transmission des savoirs. La socialisation scolaire permet aux individus de devenir des citoyens. L'école est un acteur fondamental de l'égalité des chances, condition de fonctionnement des sociétés démocratiques.
La transmission des savoirs
L'école est un lieu de transmission des savoirs. Des connaissances et des compétences s'y transmettent de génération en génération. La transmission des savoirs repose sur des institutions et des méthodes. En France, l'Éducation nationale est au cœur de la transmission des savoirs.
École
L'école est un lieu où sont regroupées différentes classes d'âge de la population pour y recevoir de façon collective un enseignement transmettant des savoirs et savoir-faire mais aussi des normes et des valeurs sociales.
La fonction de transmission des savoirs s'appuie en premier lieu sur la définition d'un savoir scolaire à transmettre (les programmes scolaires).
En France, l'adoption en 2015 du socle commun de connaissances, de compétences et de culture s'inscrit dans cette fonction de transmission d'un savoir scolaire commun.
La transmission des savoirs repose également sur des institutions, des lieux d'apprentissage (école, collège, lycée, université, instituts, etc.) qui forment le système éducatif (ou scolaire). Ce dernier comporte trois filières : générale, technique et professionnelle. Il valide l'acquisition des savoirs grâce à des diplômes (brevets des collèges, CAP et BEP, baccalauréat, diplômes des universités et des écoles supérieures).
Enfin, la transmission des savoirs s'appuie sur des méthodes (la pédagogie) et des personnels (le corps enseignant).
En France, le ministère de l'Éducation nationale :
- établit les programmes d'enseignement ;
- mène des enquêtes statistiques sur les acquisitions de savoirs et de compétences ;
- gère 52 700 écoles et lycées publics ainsi que leurs différents personnels.
À l'échelle européenne, les enquêtes PISA constituent une base de comparaison entre les systèmes éducatifs.
La socialisation scolaire
La scolarisation est obligatoire en France. L'institution scolaire est l'un des acteurs fondamentaux de la socialisation des individus, grâce à la transmission de normes et de valeurs démocratiques.
En France, la scolarité est obligatoire de 3 ans à 16 ans. L'âge de début de scolarisation peut être avancé à 2 ans. L'allongement de la durée des études renforce le rôle de l'école dans la socialisation des individus.
L'école joue un rôle central en transmettant :
- des normes : apprentissage civique, connaissance des lois, des comportements acceptables ou non, du vivre-ensemble et de la sociabilité ;
- des valeurs : idéal démocratique, valeurs républicaines.
À travers la socialisation scolaire, l'individu incorpore des représentations du fonctionnement de la société, mais également des éléments constitutifs de son rôle social futur.
Les mécanismes de représentation à l'école (les délégués de classe, par exemple) sont une des modalités de l'intégration des mécanismes de la démocratie en société.
L'égalité des chances
L'école joue un rôle essentiel dans l'égalité des chances, idéal des sociétés démocratiques. Un certain nombre de dispositifs permettent de tendre vers cet idéal comme la carte scolaire ou l'aide individualisée.
Les sociétés démocratiques reposent sur des principes particuliers organisant la société : la souveraineté populaire, les libertés fondamentales, l'égalité des droits, des positions et des chances. Ces principes sont issus d'une longue construction historique et sociale mise en lumière notamment par Pierre Rosanvallon.
Le rôle de l'école est à la fois de former des travailleurs et des citoyens. Elle tient donc une place centrale dans le fonctionnement démocratique de la société. En France, l'école républicaine mise en place à partir de la fin du XIXe siècle doit permettre l'accès à une société plus juste, grâce au mérite.
L'égalité des chances repose sur :
- le droit à l'éducation pour tous et l'obligation scolaire ;
- la liberté d'orientation ;
- l'existence d'un système public d'enseignement supérieur accessible à toutes et tous.
De nombreux dispositifs sont mis en place pour tenter de se rapprocher de cet idéal :
- la carte scolaire, qui assure l'éducation pour toutes et tous, quel que soit le lieu de vie ;
- l'adaptation de la carte scolaire qui tient compte des écarts sociaux et compense les zones défavorisées (par l'instauration des Zones d'éducation prioritaires notamment) ;
- l'interdiction du redoublement (2018) ;
- les dispositifs passerelles, permettant une réorientation en cours d'études (générales, techniques) ;
- des dispositifs d'aide individualisée et un système de bourses scolaires ;
- des institutions d'information et d'orientation.
Les progrès de la scolarisation et sa mesure statistique
La scolarisation a connu des progrès importants à partir de la Révolution française et une accélération à la fin du XIXe siècle. On peut mesurer statistiquement le taux de scolarisation, et on constate que les phénomènes de massification scolaire et de démocratisation scolaire ont conduit à des taux importants de scolarisation et d'accès au diplôme.
Les progrès de la scolarisation
La scolarisation en France est un processus historique long qui débute avec la Révolution française et se poursuit tout au long des XIXe et XXe siècles. On observe un essor de la scolarisation durant toute cette période. On assiste également aux phénomènes de massification scolaire et de démocratisation scolaire.
L'essor de la scolarisation
La scolarisation est le processus par lequel la population est envoyée à l'école pour y recevoir un enseignement. Elle a fortement augmenté en France à partir du XIXe siècle, favorisée par différentes lois.
Le droit à l'éducation pour toutes et tous est le fruit d'une longue conquête sociale. Il a été établi par des lois successives, qui ont :
- défini le caractère obligatoire de la scolarité ;
- allongé la durée de scolarisation ;
- permis le développement d'une scolarité gratuite et laïque.
Laïcité
La laïcité est le principe de séparation des comportements religieux (espace privé) et civiques (espace public) au sein de la société.
En France, le système scolaire est essentiellement public, mais il existe un système d'enseignement privé. Selon l'Insee, en 2018, 83 % des élèves sont scolarisés dans des écoles publiques et 17 % des élèves sont scolarisés dans des écoles privées à 97 % sous contrat avec l'État.
La massification scolaire et la démocratisation scolaire
Au XXe siècle, on assiste au phénomène de massification scolaire : l'augmentation du nombre de personnes scolarisées. Il s'accompagne de la démocratisation scolaire : un accès plus égalitaire aux études.
La massification scolaire est l'augmentation du nombre de personnes scolarisées dans un pays. Elle s'effectue grâce :
- à l'instauration de la gratuité de l'enseignement (primaire en 1881-1882 ; secondaire en 1936) ;
- au principe de mixité scolaire (1915 pour le primaire ; 1922 pour le secondaire) qui s'accompagne progressivement de la mise en place de programmes scolaires identiques (1924).
La démocratisation scolaire passe par :
- l'harmonisation des savoirs enseignés (collège pour tous en 1975, socle commun de compétences en 2015) ;
- des objectifs de réussite scolaire (objectif du baccalauréat pour 80 % d'une classe d'âge adopté dans les années 1980).
La démocratisation scolaire a pour conséquence l'affaiblissement du lien entre le niveau d'études et l'origine sociale.
Il ne faut pas confondre massification et démocratisation de la scolarisation :
- La massification est un phénomène quantitatif dû à l'augmentation de l'âge légal de scolarisation, la scolarisation des filles et l'allongement de la durée des études.
- La démocratisation est un phénomène qualitatif qui repose sur la possibilité d'un accès plus égalitaire aux études.
Massification scolaire et démocratisation scolaire sont au cœur du rôle démocratique et social de l'État. Elles répondent à l'idéal de citoyenneté et d'égalité des chances inscrit dans le préambule de la Constitution française : « La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. »
La mesure statistique de la scolarisation
La scolarisation se mesure grâce au taux de scolarisation (nombre d'élèves scolarisés par rapport à une classe d'âge) et au taux d'accès au diplôme (niveau d'études atteint par une classe d'âge).
Le taux de scolarisation
Le taux de scolarisation est le rapport entre le nombre d'élèves, d'étudiants et d'apprentis en formation initiale d'un âge déterminé, inscrits dans un établissement d'enseignement, et le nombre d'individus de cet âge. Il atteint en France 100 % dans le primaire et le secondaire, et 80 % dans le supérieur.
La mesure statistique de la scolarisation repose sur plusieurs outils :
- effectif global du public scolarisé : en 2018, la France comptait 2,4 millions d'étudiants en études supérieures et 12,8 millions d'élèves ou apprentis dans le primaire et le secondaire ;
- effectifs par classe d'âge : en 2018, on comptait 841 000 élèves de CP ;
- effectifs par filière ou type d'enseignement : en 2018, la France comptait 2,2 millions de lycéens dans les établissements généraux et 642 000 lycéens dans les établissements techniques ;
- poids relatif par rapport à la population globale ou de même âge.
Un taux de scolarisation à 15 ans de 98 % signifie que 98 % des individus de 15 ans sont scolarisés. Le taux de scolarisation à partir de 30 ans est de moins de 1 % car, à cet âge, les individus ont généralement achevé leurs études.
La scolarisation est devenue un élément central de l'activité sociale. Aujourd'hui, en France, le taux de scolarisation atteint 100 % dans le primaire et le secondaire, et 80 % dans le supérieur.
L'Insee utilise le taux de scolarisation net. Il existe un taux de scolarisation brut qui ne prend pas en compte l'âge mais le nombre d'inscrits par niveau d'études. Il peut être supérieur à 100 % si des enfants sont inscrits dans une catégorie qui ne correspond pas à leur âge.
Le taux d'accès au diplôme
Le taux d'accès au diplôme mesure le niveau d'études atteint par une classe d'âge. Il a fortement progressé en France depuis les années 1950. Il est variable selon les classes d'âge et le processus de scolarisation.
Le processus de scolarisation se mesure à travers des études qualitatives cherchant à identifier le niveau d'études atteint à travers le diplôme ou le type de formation (élémentaire, secondaire, supérieur).
En France, 44 % des 30-34 ans possèdent un diplôme de l'enseignement supérieur.
On peut également mesurer les types de compétences et savoirs obtenus par les individus à travers le type de diplôme.
En France, environ 30 000 individus obtiennent chaque année un diplôme d'ingénieur.
Le taux d'accès au diplôme varie selon les classes d'âge et le processus de scolarisation en place selon les générations. Les études montrent que la population d'aujourd'hui est proportionnellement plus diplômée qu'autrefois.
La persistance des inégalités scolaires
Malgré les progrès mesurés, les inégalités scolaires demeurent au XXIe siècle. Les inégalités d'accès à l'éducation persistent, notamment pour les élèves en situation de handicap. Les inégalités de résultats déterminent pour une part la place des individus dans la société. L'origine sociale, l'origine géographique et le genre jouent également un rôle important dans les parcours individuels de formation, de même que le capital culturel et les stratégies familiales.
Les inégalités d'accès et de résultats
Tous les individus n'ont pas encore accès à l'école ou au système éducatif. De plus, les résultats scolaires varient selon les individus et les lieux.
Les inégalités d'accès
L'accès à l'éducation s'est fortement accru mais des inégalités persistent, notamment pour les élèves en situation de handicap.
La massification scolaire et la démocratisation scolaire ont fortement réduit ce type d'inégalité : en 2018, on estime à environ 100 000 le nombre d'enfants non scolarisés en France. Mais le problème persiste pour la scolarisation des élèves en situation de handicap ou des enfants malades.
En France, la loi de 2005 portant sur la scolarisation des enfants en situation de handicap (inclusion dans les classes ordinaires) a pour but de diminuer le problème de l'accès à la scolarisation.
Les inégalités de résultats
Les résultats scolaires jouent un rôle considérable dans le parcours citoyen et professionnel des individus. La persistance des inégalités de résultats influe sur le parcours des individus.
Les inégalités de résultats peuvent être mesurées par le biais des écarts scolaires, qui varient selon les individus et les lieux.
Selon le ministère de l'Éducation nationale, les élèves des établissements les plus défavorisés ne maîtrisent que 35 % des compétences attendues en fin de secondaire, alors que les élèves des établissements les plus favorisés maîtrisent au moins 80 % des compétences requises.
La sortie du système sans diplôme ou sans qualification est l'autre outil permettant de mesurer l'inégalité des résultats.
D'après le ministère de l'Éducation nationale, 21,7 % des 18-24 ans n'ont que le diplôme du brevet des collèges et 11,9 % sont des sortants précoces (interruption des études sans qualification).
Les inégalités des chances
Tous les individus scolarisés n'ont pas les mêmes chances de réussite scolaire et d'accès aux études. Des critères comme l'origine sociale, le niveau de richesse, le lieu d'étude et le genre ont un effet sur la réussite.
Les facteurs sociaux
Les facteurs qui contribuent à expliquer le maintien des inégalités scolaires sont sociaux. Les écarts sont importants selon l'origine sociale, le genre ou le lieu de vie.
Malgré la démocratisation scolaire, les écarts subsistent entre les enfants de classes sociales différentes. La réussite scolaire est fortement corrélée au niveau de revenus du milieu familial.
Aujourd'hui, 45 % des enfants d'ouvriers obtiennent leur baccalauréat contre 5 % en 1960. Mais cela reste très éloigné du taux de 90 % de bacheliers parmi les enfants de cadres.
Pour comparer les chances relatives d'obtenir un diplôme ou une qualification, il faut calculer statistiquement des « odds ratio » ou taux de chance relative.
Les enfants de cadres ont 90 % de chance d'obtenir le baccalauréat et 10 % de chance de ne pas l'obtenir. Leur taux de chance est de 90 %/10 %, soit 9. Les enfants d'ouvriers ont un taux de 0,82 (45 %/55 %). Si l'on veut comparer les chances relatives des deux, il faut calculer leur ratio de chance, ici 9/0,82 soit 11. Cela signifie que les enfants de cadres ont 11 fois plus de chances d'obtenir leur baccalauréat que les enfants d'ouvriers.
La réussite scolaire est aussi inégalement répartie sur le territoire national. Elle est ainsi statistiquement plus élevée dans les espaces où les niveaux de richesse sont plus élevés.
Les grands lycées se trouvent dans les centres-villes des métropoles tandis que les Zones d'éducation prioritaires (ZEP) se situent souvent en périphérie.
Enfin, on constate des écarts structurels de genre selon les orientations.
Les filières scientifiques, grandes pourvoyeuses d'emplois, sont moins souvent choisies par les filles.
Le capital culturel et les stratégies familiales
Le capital culturel est l'ensemble des ressources culturelles (savoirs, sociabilité) dont dispose un individu et qui lui sont transmises par la famille et par l'école. Le capital culturel entre pour une large part dans les inégalités scolaires. Le capital culturel explique en partie les stratégies familiales (attention, aides, etc.). Les élites sont favorisées.
La réussite scolaire repose pour une part sur le capital culturel des élèves. Il permet de répondre de façon plus adaptée aux compétences valorisées par l'école. Celui-ci fait l'objet d'une transmission essentiellement familiale. Il conduit à une reproduction sociale très forte mise en lumière par les sociologues Jean-Claude Passeron et Pierre Bourdieu.
Les tableaux de mobilité sociale permettent de mesurer en partie la reproduction sociale. Ainsi, 78,5 % des cadres et professions intermédiaires sont issus de la même catégorie sociale.
Le parcours scolaire et l'intégration dans le monde professionnel reposent également sur les stratégies d'orientation familiales et l'investissement dont bénéficient les individus (attention, aides). Ils varient selon les possibilités matérielles, les lieux mais aussi les valeurs mobilisées par les familles sur les parcours scolaires envisagés, selon le sociologue François Dubet.
On constate ainsi que les élèves en réussite scolaire issus d'un milieu populaire sont moins souvent orientés vers des filières élitistes que d'autres catégories.
Le système scolaire lui-même tend à reproduire et à valoriser les acquis transmis par ceux qui ont réussi leur parcours scolaire (réseaux d'anciens élèves, reproduction des élites).
On considère que 80 % des élèves admis à l'École polytechnique proviennent de seulement 10 lycées.
Les conséquences sociales des inégalités scolaires
Les inégalités scolaires sont cumulatives et jouent un rôle important dans les inégalités sociales.
L'accès à l'emploi et aux ressources économiques repose pour une large part sur la possession de qualifications et de diplômes acquis dans le système éducatif.
En France, on observe une forte corrélation entre le taux de chômage et le niveau de diplôme. Un jeune non diplômé a quatre fois plus de chances d'être au chômage qu'un jeune disposant d'un diplôme bac +2.