Denis Diderot
1713 - 1784
Français
Roman, correspondance, essai, conte, philosophie
Denis Diderot
L'Encyclopédie
1751 - 1772
Denis Diderot
Lettre sur les aveugles
1749
Denis Diderot
Le Neveu de Rameau
Commencé en 1762
Denis Diderot
Jacques le Fataliste
1765 - 1784
Denis Diderot naît dans une famille d'artisans aisés. Il est un brillant élève qui refuse la carrière ecclésiastique et s'enfuit à Paris où il termine ses études. Il doit succéder à son oncle qui est chanoine. Il est donc tonsuré dès l'âge de douze ans. Chez les jésuites, à Langres, il est un bon élève mais manque de discipline.
Il mène au Quartier latin une vie marquée par le manque d'argent. Il devient maître ès arts en 1732. Durant une dizaine d'années, sa vie est mal connue. Il perd la foi, sans que l'on sache à quel moment ni dans quelles circonstances. Il travaille pendant deux ans chez un procureur avant de rencontrer des difficultés financières. Il apprend alors l'indépendance et la vie, acquiert de l'expérience et des connaissances variées. Il se lie à cette époque avec Rousseau et fait la connaissance de Grimm grâce à lui. Il épouse à trente ans une marchande de lingerie, Antoinette Champion, contre l'avis de son père. Son père va même jusqu'à le faire enfermer dans un couvent mais Diderot s'échappe et rejoint sa femme.
Ses premiers écrits sont condamnés à être brûlés car ils montrent une pensée philosophique imprégnée d'athéisme, notamment ses Pensées philosophiques. Il s'attaque au christianisme et milite en faveur de la religion naturelle. Il publie à cette époque un roman philosophique libertin, Les Bijoux indiscrets. Il s'affirme déjà comme un fervent défenseur des Lumières. Il défend son athéisme dans sa Lettre sur les aveugles.
Cette première étape est décisive vers son matérialisme. On commence à cette époque à opérer avec succès des aveugles de naissance. Diderot tente de concevoir quelle révolution se produit alors dans leurs représentations du monde. Il conclut à la relativité de la morale et voit dans les infirmités congénitales un argument contre la Providence et la finalité. Il prête certaines paroles à un aveugle-né et ce sont déjà les idées du Rêve de d'Alembert. Diderot s'attaque dans ce texte à la distinction des deux substances, la matière et l'esprit. Pour lui, il n'en existe qu'une, la matière. Une première étape conduit du minéral à l'être sensible. Une deuxième étape permet de passer de l'être sensible à l'être pensant, par des phénomènes qui seraient purement mécaniques. L'homme est un agrégat de molécules, de matière. La science de l'homme, c'est la physiologie. Donc l'homme n'est pas un être privilégié et son destin se perd dans le déterminisme universel. La vie humaine est une matière transitoire. Il ne faut donc pas parler de personne humaine, mais d'espèce humaine.
S'il ne parvient pas à fonder la liberté ni même à la concevoir, Diderot donne pourtant au problème une solution pratique, qui est un humanisme. Cet humanisme est très moderne et il semble renoncer à découvrir des certitudes, plaçant la dignité de l'homme dans la recherche plutôt que dans la découverte de la vérité.
Ce texte montre qu'il s'oriente vers le matérialisme mais il le conduit aussi à son arrestation. Enfermé au château de Vincennes, il est visité par Rousseau et cela va le contraindre à se montrer plus prudent. Libéré quelques mois plus tard, il se consacre à la rédaction de l'Encyclopédie.
En 1746, le libraire Le Breton lui confie la direction de l'Encyclopédie dont le prospectus paraît en 1750. Ces travaux occupent une grande vingtaine d'années de sa vie. Non seulement il écrit, mais corrige et revoit un grand nombre d'articles tout en stimulant des collaborateurs. C'est finalement grâce à lui que l'entreprise rencontre du succès.
L'œuvre fournit un tableau complet de l'état des sciences et des techniques. Il y milite pour un régime politique fondé sur l'égalité et se détache de l'autorité de l'Église. L'article "Autorité politique" soulève de vifs débats hostiles au contenu par les partisans de la monarchie absolue. Diderot montre dans ce texte l'intérêt d'une plus grande liberté accordée au peuple.
Chaque article permet aux écrivains de prendre position sur un thème qui est sujet à débattre et à soulever la polémique, pour ensuite argumenter en faveur de leur idée propre qu'ils vont confirmer à la fin du texte. Madame de Pompadour réhabilite avec d'autres gens d'influence l'œuvre qui peut être continuée. Il doit continuer de défendre son œuvre pendant vingt-quatre années, car elle est attaquée de toutes parts, conduisant à une période les libraires à ne plus avoir les mêmes libertés de diffusion d'œuvres. L'Encyclopédie se diffuse malgré tout dans toute l'Europe et apparaît comme la somme de toutes les connaissances humaines qui a foi dans le progrès. Deux cents collaborateurs au total participent à son élaboration, ce qui donne dix-sept volumes et onze volumes de planches.
Il défend la liberté de penser et son œuvre plaide avec enthousiasme pour la libre-circulation des idées. Pour cette raison, son œuvre est marquée par la présence quasi systématique de dialogues, la forme qui favorise le débat. Doué d'une grande énergie, il développe en même temps son œuvre romanesque et théâtrale.
Jacques le Fataliste montre un renouvellement du genre romanesque. On retrouve derrière les deux personnages, Jacques et son maître, une discussion menée par Diderot lui-même pour faire apparaître ses propres interrogations intérieures. Dès l'incipit, l'œuvre n'apparaît pas comme un roman traditionnel car, après une série de questions portant sur l'intrigue, c'est le personnage, Jacques, qui commande le récit. Diderot se moque des romans d'aventures : il affecte d'arrêter l'action au moment pathétique, de montrer que les choses auraient tourné autrement dans une histoire inventée à plaisir, d'affirmer qu'il respecte scrupuleusement la vérité. En fait les constantes interventions du meneur de jeu rappellent sans cesse au lecteur qu'Il s'agit d'une fiction, et l'illusion qui fait le charme d'un vrai roman ne peut exister. D'ailleurs le "récit des amours de Jacques" n'est pas le sujet de l'œuvre, ce n'est qu'un prétexte.
Au XIXe siècle, les Goncourt saluent en Diderot le créateur du roman réaliste. Il apparaît donc comme un précurseur dans ses romans et ses contes. Il renonce à la stylisation et à l'idéalisation classique, s'intéresse à la réalité matérielle, au corps et au comportement des personnages, au détail vrai. Il dit lui-même du conteur : "il parsèmera son récit de petites circonstances si liées à la chose, de traits si simples, si naturels et toutefois si difficiles à imaginer, que vous serez forcé de vous dire en vous-même : ma foi, cela est vrai : on n'invente pas ces choses-là." Son réalisme est très personnel, ne confond jamais vérité et banalité et n'est pas une plate copie de la réalité quotidienne. L'artiste choisit les traits frappants et significatifs pour les mettre en valeur par une langue pittoresque. C'est aussi un réalisme satirique, plein de verve et de mordant.
Malgré l'importance de son travail d'encyclopédiste et d'écrivain, Diderot arrive à trouver du temps à consacrer à ses amis. Il entretient une grande correspondance et rencontre Sophie Volland aux alentours de 1756. Les lettres qu'il lui adresse montrent que le philosophe éprouve pour elle une tendresse passionnée jusqu'à sa mort.
Il se brouille avec Rousseau à la fin de l'année 1757. Il fournit aussi de riches comptes rendus de tableaux exposés aux salons de l'Académie à Paris. Il crée une critique d'art qui exprime la liberté des sentiments éprouvés par le spectateur passionné devant la peinture. Il fait le compte rendu des œuvres qu'il analyse, en faisant partager aux lecteurs ses impressions, favorables ou non.
Son Supplément au voyage de Bougainville argumente en faveur des valeurs et du mode de vie des sociétés proches de la nature. Le personnage historique découvre Tahiti en 1768 et enfouit dans la terre une inscription disant qu'il possède cette terre au nom de Louis XV. Un vieillard prend en charge l'essentiel du récit et dévoile un mode de vie diamétralement opposé à celui des Européens. L'œuvre peut être vue comme un réquisitoire pour dénoncer le colonialisme et lutter pour la liberté.
À soixante ans, il se rend auprès de Catherine II, l'impératrice de Russie, qui cherche à appliquer dans son pays les doctrines des Lumières.
Le Neveu de Rameau ou La Satire seconde, publié après sa mort, confirme une nouvelle empreinte au roman. Le narrateur, "Moi", fait parler, selon la méthode antique de la maïeutique, Jean-François Rameau, neveu du compositeur Jean-Philippe Rameau. Le but est de montrer une vision cynique de la réalité. Les deux personnages peuvent être vus comme deux aspects de Diderot discutant entre eux.
Il commence son œuvre 1762 et la laisse en chantier pendant une vingtaine d'années. Elle est connue d'abord par la traduction allemande de Goethe en 1805, puis par des copies de seconde main, jusqu'au jour où l'érudit Monval découvre chez un bouquiniste le manuscrit autographe de Diderot. L'œuvre est une satire, à la fois au sens ordinaire du terme et au sens de pot-pourri qu'a à l'origine le mot latin "satura". C'est une satire car Diderot s'en prend à ses adversaires et déverse la plupart de ses idées morales et esthétiques, depuis la question du fondement de la morale de l'éducation jusqu'à son goût pour la musique italienne, plus passionnée et plus naturelle selon lui que la musique de Rameau.
Diderot meurt à soixante-et-onze ans, quelques mois après la disparition de son ami d'Alembert. Il est inhumé comme il le souhaite dans la chapelle de la Vierge à l'église Saint-Roch. La plupart de ses œuvres ne sont éditées qu'après sa mort sans doute parce qu'il se montre prudent et préfère ne pas les publier. L'écriture de beaucoup d'entre elles s'étend sans doute sur plusieurs années en raison des nombreux travaux qu'il entreprend en même temps.
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