Sommaire
ILa forme du poèmeALa typographieBLe jeu sur les sonsIIL'analogie entre le paysage et la femmeIIILe thème du voyage et du rêveIVL'idéal baudelairienL'Invitation au voyage
Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Charles Baudelaire
Les Fleurs du Mal
1857
La forme du poème
La typographie
- Le poème est composé de trois strophes de douze vers. Chaque vers est d'une longueur différente.
- La disposition typographique est symétrique, elle se répète. Pour chaque strophe, il y a quatre groupes de pentasyllabes.
- On trouve des groupes de deux vers, séparés par un vers de sept syllabes.
- Les vers sont toujours impairs.
- Le rythme est le suivant : deux vers courts et un vers long. Ce rythme est semblable à celui d'une berceuse.
- Les rimes sont suivies, puis embrassées, puis suivies et embrassées de nouveau.
Le jeu sur les sons
- Baudelaire joue avec la sonorité.
- Il y a une allitération en "m": "Mon enfant , ma sœur" , "mourir", "mouillé", "mon esprit", "charme", "mystérieux", "larme". Cela donne une impression de mollesse, mais aussi de tendresse, de douceur et de repos qui fait penser à une berceuse.
- L'assonance en "e" permet de souligner l'idée de quelque chose d'agréable : "yeux", "rieux".
- Chaque strophe est dominée par une voyelle différente. La première par "i", la seconde par "en", la dernière par "on".
- L'allitération en "v" est importante : "voix", "vaisseaux", "vagabonde", "assouvir". Elle rappelle le titre "L'Invitation au voyage".
- Le refrain a un caractère incantatoire, comme quelque chose de magique ou comme une berceuse.
L'analogie entre le paysage et la femme
- La femme est comparée à un paysage.
- Dans "les ciels brouillés" comme dans les yeux de la femme, on trouve le feu et l'eau. Cela est traduit dans l'oxymore "les soleils mouillés".
- Les yeux de la femme sont "brillants". Cela rappelle l'idée du feu, donc du soleil. Mais "brillant" peut aussi être associé à l'eau, aux larmes par exemple dans les yeux. Il y a donc bien association de feu et d'eau.
- Baudelaire semble décrire un paysage de mer avec un coucher de soleil dans les yeux de la femme : "soleils couchants".
- Le paysage est idéal. Il est créé par l'imagination du poète. On peut ainsi relever la présence du conditionnel "parlerait". Le poète suppose, invente.
- Le paysage se trouve dans un lieu indéfini. C'est "là-bas".
- Le paysage est donc un lieu rêvé, étrange, hors du temps et finalement hors de l'espace aussi (il ne renvoie à aucun endroit précis). C'est le lieu du rêve, le lieu du possible, le lieu de l'idéal. La femme est associée au paysage car elle est la femme aimée, idéalisée, parfaite.
Le thème du voyage et du rêve
- Dans ce poème, les thèmes du voyage et du rêve sont liés.
- Le thème du voyage intervient dès le titre, "L'Invitation au voyage". Il se poursuit dès le vers 3 avec la mention de "là-bas", lieu hypothétique et rêvé.
- Le pays qu'évoque le poète est un lieu où la femme aimée serait heureuse : "Au pays qui te ressemble". C'est un ailleurs imaginaire et fantasmé.
- Dans la deuxième strophe le poète évoque l'Orient : "la splendeur orientale". Cet exotisme se poursuit avec les mentions de "rares fleurs" et de "l'ambre".
- Le champ lexical du voyage domine le texte : "vaisseaux" ,"vagabonde", "bout du monde".
- Le poème est une invitation à voyager, à partir. Mais le voyage dont parle le poète est celui du rêve : "le monde s'endort".
- Le pays décrit est un lieu rêvé, mais c'est aussi le lieu après la mort. En effet, Baudelaire écrit : "aimer et mourir". Le poème pourrait donc symboliser le voyage de la vie humaine. On naît, on aime, on meurt.
- La journée dont parle le poète peut donc se voir une métaphore de la vie. Dormir signifierait alors ici mourir. Le pays évoqué serait alors celui de l'au-delà.
- Le poète utilise d'ailleurs le conditionnel pour décrire ce lieu irréel, ce monde utopique : "décoreraient" et "parlerait".
- L'idée du rêve est renforcée par la forme même du poème qui fait penser à une berceuse.
L'idéal baudelairien
- Ce poème est une illustration de l'idéal baudelairien. Le poète regrette ici le paradis originel.
- On trouve une mention aux origines avec "langue natale". Baudelaire évoque ici le paradis, l'Éden perdu.
- La femme est celle à cause de qui l'homme a quitté le paradis, mais elle est aussi celle qui peut sauver l'homme grâce à l'amour. Elle peut de nouveau lui ouvrir les portes du paradis.
- Baudelaire décrit ici son idée du bonheur. Les sens sont très importants, ils sont mis en avant. Le poète évoque des sensations, des parfums. L'odorat et la vue sont très présents.
- Le lieu du bonheur est splendide : "luxe, splendeur et volupté". C'est un lieu entêtant, avec des fleurs parfumées, et beaucoup de lumière : "yeux brillants" et "meubles luisants".
- La beauté et la volupté sont associées. L'idéal de Baudelaire réside dans la beauté et l'amour combinés.
- La notion d'ordre est également importante. C'est l'idéal de la poésie aussi : un poème est beau car les mots sont parfaitement ordonnés : "là tout n'est qu'ordre et beauté".
Comment Baudelaire entraîne-t-il le lecteur dans un voyage poétique ?
I. L'originalité du poème
II. La rêverie poétique
III. La vie humaine
Quelle est la symbolique du poème ?
I. Le rêve et l'amour
II. L'idéal baudelairien
III. Une réflexion sur la vie humaine
Comment le poète invite-t-il le lecteur à une réflexion sur la vie ?
I. L'analogie entre le paysage et la femme
II. Le thème du rêve
III. L'idéal baudelairien
Quel est l'idéal du poète ?
I. La beauté : analogie entre la femme et le paysage
II. Le rêve et l'imaginaire pour vivre
III. Un monde de sensations et de plaisirs