Interpréter les figures d'analogie et de substitution en gras.
« Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule.
Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule,
L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx. »
Victor Hugo, « Mors », Les Contemplations, 1856
L'allégorie est la représentation d'une idée ou d'une notion abstraite de manière concrète. Dans ce poème de Victor Hugo, « Mors », elle offre une image poétique et matérialisée de la mort, en lui donnant un squelette. Cette allégorie permet également d'introduire une dimension inquiétante avec le terme « faucheuse ».
« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes, devant mes grandes attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,
De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles ! »
Charles Baudelaire, « La Beauté », Les Fleurs du Mal, 1857
La prosopopée est la mise en scène et le discours de personnages absents, morts, ou d'êtres surnaturels. Dans ce sonnet de Baudelaire, « La Beauté », la prosopopée permet de mettre en scène un être surnaturel, la déesse de la Beauté qui s'adresse, à la première personne « je », aux poètes mortels et les méprise. Cette prosopopée permet donc de personnifier et donner voix par le discours direct à un idéal de beauté inaccessible par les poètes qui souffriront éternellement à ses pieds.
« DON RODRIGUE.
Regarde-le plutôt pour exciter ta haine,
Pour croître ta colère, et pour hâter ma peine.
CHIMÈNE.
Il est teint de mon sang.
DON RODRIGUE.
Plonge-le dans le mien,
Et fais-lui perdre ainsi la teinture du tien.
CHIMÈNE.
Ah ! quelle cruauté, qui tout en un jour tue
Le père par le fer, la fille par la vue !
Ôte-moi cet objet, je ne puis le souffrir :
Tu veux que je t'écoute, et tu me fais mourir !
DON RODRIGUE.
Je fais ce que tu veux, mais sans quitter l'envie
De finir par tes mains ma déplorable vie ;
Car enfin n'attends pas de mon affection
Un lâche repentir d'une bonne action. »
Pierre Corneille, Le Cid, Acte III, scène 4, 1637
La métonymie est une substitution d'un terme par un autre qui entretient avec lui un rapport logique. Dans cette tragédie de Corneille, la métonymie permet de désigner l'objet, l'épée de Rodrigue, par sa matière, le fer. Cette métonymie permet d'une part d'évoquer la mort par le fer de l'épée encore trempée du sang du père de Chimène et, d'autre part, la cruauté du destin que les deux amants doivent endurer.
« Aime celui qui t'aime, et sois heureuse en lui.
— Adieu ! — sois son trésor, ô toi qui fus le nôtre !
Va, mon enfant béni, d'une famille à l'autre.
Emporte le bonheur et laisse-nous l'ennui !
Ici, l'on te retient ; là-bas, on te désire.
Fille, épouse, ange, enfant, fais ton double devoir.
Donne-nous un regret, donne-leur un espoir,
Sors avec une larme ! entre avec un sourire ! »
Dans l'église, 15 février 1843. »
Victor Hugo, Les Contemplations, 1856
La réification est un procédé qui donne les caractéristiques d'une chose à une personne. Dans ce poème de Victor Hugo daté du 15 février 1843, la réification permet une métaphore qui transforme l'être aimé, ici la fille du poète, en un trésor à léguer, qu'il bénit et dont il doit se déposséder pour le confier au futur époux.
« [...] le monocle du général, resté entre ses paupières comme un éclat d'obus dans sa figure vulgaire, balafrée et triomphale, au milieu du front qu'il éborgnait comme l'œil unique du cyclope, apparut à Swann comme une blessure monstrueuse qu'il pouvait être glorieux d'avoir reçue, mais qu'il était indécent d'exhiber. »
Marcel Proust, Du côté de chez Swann, 1913
La comparaison est la mise en relation de deux éléments (le comparé et le comparant) qui ont un point commun, à l'aide d'un outil comparatif (« comme », « ainsi que », « semblable à », « pareil », « ressembler », etc.). Dans cet extrait de roman de Marcel Proust, Du côté de chez Swann, la comparaison permet de décrire les détails disgracieux de la cicatrice monstrueuse du général, qui se trouve en plein milieu de son visage mutilé. Elle ressemble à un éclat d'obus ou un œil de cyclope peu agréable à regarder.